DOMINIQUE A : « L’HORIZON »
2 février 2006. 16h. Locaux du bureau de presse Ephélide, deuxième arrondissement de Paris. Je patiente dans une pièce sobre aux lignes épurées. L’impression de déambuler nez lunaire et pieds en l’air dans la pochette du septième et somptueux album de Dominique A, L’Horizon, qui sort dans un mois. On m’ouvre la blanche porte qui se détache à peine dans tout ce blanc. Dans cette pièce, elle aussi toute blanche, assis face to face, Dominique A fini de s’entretenir avec un journaliste qui range ses affaires. Il doit avoir son âge. Le genre de gars qui, j’imagine, le suit religieusement depuis ses débuts (1992). Le genre de journaliste que j’imagine scolaire (toi surhomme, moi pas) et qui n’a rien déflorer de ce qui m’amène, se contentant d’une petite saignée consangeek (geekeries qui intéressent qui ?). Le grand Dom s’octroie une pause. Sort. Détend ce corps de danseur. Baleine dans tout ce blanc. Revient. Relax, décontracté, souriant.
« Panoramix est mon vrai prénom »
Bonjour Dominique. La première fois qu’on s’est vu c’était il y a peu à la Maroquinerie pour les 10 ans de Prohibited Records. Ton concert y avait été étonnamment court.
Bah ça a duré 15 minutes.
Avec une version très bruitiste de « La peau » avec Yann Tiersen. Vous aviez répété ?
Non, pas du tout ! Mais c’est ça qui est bien avec Yann, c’est qu’il n’y a pas besoin de répéter, ça part tout seul. Je lui ai juste dit : « J’ai envie de faire un truc un peu funky ! » (Rires.)
Funky ?!
Ouais, ce qui est funky pour des mecs de 35 balais (rires) ! (L’attaché de presse débarque et nous apporte deux cafés) Ah, on n’est jamais tranquille putain ! (« Ok, bon, je me casse », dit-elle, jouant le jeu d’un Dominique de très bonne humeur.) Merci beaucoup (rires) !
Tout sera comme avant, ton précédent album, différait de tout ce que tu avais déjà fait parce que pour la première fois tu avais laissé à d’autres le soin de réaliser, arranger et déranger à leur guise tes maquettes. Ce fut une sorte d’album récréatif ?
C’est une façon de voir les choses (rires) ! Je dirais plutôt re-créatif !
Oui, aussi !
Bah soit aucun album n’est un disque à part, soit ils le sont tous. Pour moi ce n’était pas un album qui devait s’inscrire dans le même moule que les autres. Enfin, j’aime bien cette idée de créer un album en réaction par rapport au précédent et d’un truc qui se construit petit à petit. Donc de ne pas casser toute la baraque mais de faire des pièces à l’extérieur. Là, ce disque c’était une grande dépendance (rires) !
Une double dépendance !
Oui, à partir du moment où j’ai fait appel à Gekko et où ils m’ont dit oui ils prenaient tout en main et c’est vrai que ça a été dur mais j’ai dit : « Ok » (il sourit en serrant les dents, genre un petit ok, flippé). Et financièrement la maison de disques s’est arrangée.
Ça a coûté cher ?
Non, pas plus cher que prévu. Ça a coûté 900 000 balles. Au bout de 6 albums, comme budget, ça va. C’est un bon budget, je ne vais pas dire le contraire, mais bon après il y avait quand même 45 bulgares. Il y avait du monde au balcon, si j’ose dire. Donc, non, ça n’a pas coûté si cher que ça, mais voilà, c’est sûr que c’était cher par rapport aux ventes.
Par rapport à la rentabilité de l’album ?
Voilà. Parce que j’en ai vendu 35 000, ce qui est quand même dérisoire.
Ça reste dérisoire par rapport aux ventes d’Auguri ?
Non, c’était dans ces eaux-là. Je vends 50 000 au meilleur des cas. La Mémoire neuve s’est bien vendue, mais c’était en d’autres temps ! Ô tempora ô mores ! Je n’ai jamais fait un seul disque d’or de ma vie. Ça viendra peut-être, ou pas, peu importe. Mais si on cumule tout je suis double disque d’or (rires) ! Enfin, bref. Je disais ?
Qu’apparemment ça avait été dur de laisser « carte blanche » au collectif Gekko…
Oui. Ils m’ont appelé début septembre, trois mois après notre première rencontre pour me faire écouter ce qu’ils avaient faits sur mes maquettes guitare-voix ou piano-voix. Ils avaient maquetté 6 morceaux et c’est vrai qu’il y avait de quoi s’inquiéter.
C’était déroutant ?
Oui, très, parce que ça m’emmenait sur des terrains que je n’avais pas du tout prévus, sur un truc plus « world music » que ce que j’imaginais, et je ne savais pas trop si j’avais envie de ça. En plus moi à la base je ne voulais quasiment pas de batterie, mais ils avaient fait appel à Martin Parker et quand Martin Parker arrive en studio, tu n’as vraiment pas envie de lui dire : « Tu ne joues pas ». Martin Parker, il a joué sur L’Imprudence, sur Fantaisie Militaire, tu as donc envie de lui donner tout l’espace parce que ce qu’il fait c’est vachement bien, super beau. Il a une façon presque poétique de jouer de la batterie. Et puis il y avait aussi Simon Edwards, le bassiste de Talk Talk. Des gens comme ça, c’est des cadeaux. Parce qu’en plus ils sont au service de ce que tu fais. J’ai donc passé une ou deux nuits blanches, j’en ai discuté avec eux et je leur ai dit banco quand même.
Tu avais peur que tes chansons t’échappent ?
J’étais prêt à ce que mes chansons m’échappent, mais peut-être pas à ce point-là. Et puis je me suis dit : « Il faut le faire car ça ne se représentera peut-être pas deux fois. Je n’aurais peut-être pas autant d’argent la prochaine fois ». Je savais que ce ne serait pas un disque facile, mais j’ai dit : « Faisons-le. Faisons-le pour l’expérience. » Et puis ça aurait été trop triste de revenir à autre chose.
Trop triste de regretter ce que ça aurait pu donner ?
Ouais, je me disais : « Bah si on se plante au moins on l’aura fait joyeusement. » On a donc fait le truc et finalement pour moi c’est un très bon souvenir. Il y a des choses que j’aime beaucoup sur ce disque. Je dirai que le truc que je n’aime pas trop sur une moitié de l’album, c’est ma… c’est la voix. Je trouve qu’elle n’est pas à la hauteur du truc, elle ne porte pas…
Les mots ?
Elle ne porte pas les musiques surtout.
J’ai trouvé qu’il y avait un certain fossé entre les musiques et la voix…
Pas sur tous les morceaux. C’est pour ça que j’ai trouvé certains commentaires un peu sévères. Il y a des morceaux où je trouve qu’on n’a pas du tout cette sensation de fossé entre la voix et la musique. Par contre il y a effectivement des morceaux où je le sens. Mais je crois que cette mauvaise impression est due au morceau d’ouverture (« Tout sera comme avant » – nda). La musique y est assez mafflue et la voix n’est pas à la hauteur donc je crois que ça conditionne toute l’écoute du disque. Mais autrement, il y a des morceaux que je trouve bien au niveau de la voix. En fait, je pensais être plus guidé que ça pour la voix et finalement je me demande si Jean Lamoot aimait vraiment ma voix ! C’est ça le truc : si tu ne sens pas… Enfin j’avais l’impression que ses commentaires étaient plus d’ordre technique…
Que de l’ordre de l’émotion et de la voix ?
Ouais, et moi j’aurais voulu qu’on me renvoie un truc plus motivant à ce niveau-là.
Et ça t’a plu quand, in fine, les journalistes ont trouvé que sur ce disque assez orchestral ta façon de chanter se rapprochait de celle de Léo Ferré ?
Bah en fait c’est marrant parce que je crois que c’est vrai. J’y ai des mélodies de voix qui se rapprochent de celles de Ferré, plus que de celles de Brel ou de Barbara même. Après faut voir qu’à l’époque Ferré était un peu dans l’air du temps. J’avais participé à une compilation en son honneur. D’ailleurs ce côté Ferré certains me l’ont reproché. C’était : « Mais dis donc, il se prend pour Ferré ou quoi ? » Alors que le but n’était pas de se prendre pour Léo Ferré, mais de faire un truc un peu…
Aérien, hors du schéma couplet-refrain comme l’avait fait Bashung sur L’Imprudence ?
Voilà, un peu imprudent, arrêter de la jouer petit bras, essayer d’avoir une certaine ampleur. Mais c’est là où j’ai appris que ma force était plutôt la sobriété en fait. Je suis plus puissant dans la sobriété et la nudité. D’autres ont besoin de jouer dans l’étoffée, de limite sur jouer pour que ce soit vraiment fort et moi mon erreur, ça a été de croire que j’avais quelque chose à faire là-dedans parce que je ne me satisfaisais pas de tous les compliments que je recevais, j’en voulais plus. En être passé par là m’a servi pour le suivant, L’Horizon, parce que quand il fallait y aller en termes d’arrangements et tout, je crois qu’on n’a pas mégotté. Simplement on était moins dans un travail assisté par ordinateur. Jean Lamoot, il dispatche tous les éléments sonores qu’il a sur l’ordinateur et il retravaille. C’est comme s’il avait une palette graphique.
Comme un alchimiste ?
Ouais, un alchimiste du Pro Tools. Il y a vraiment un truc très magique là-dedans, mais nous sur L’Horizon on était plus dans le jeu. C’est-à-dire que quand on avait une partie jouée, on ne cherchait pas à la découper et la replacer ailleurs. Sur ce disque on a déplacé peu de choses. Jean Lamoot, il fait ça tout le temps, et c’est aussi sa force, son talent.
Et ça marche ou pas selon le style de l’artiste.
Exactement. Selon le projet, les chansons.
Peut-être que le collectif Gekko n’aimait pas assez tes chansons…
Bah si, ils les aimaient beaucoup et ils étaient tout le temps super enthousiastes, mais j’avais le sentiment qu’à part les anglais personne n’aimait vraiment ma voix. Je n’ai pas senti qu’ils me portaient autant que j’essayais de les porter. J’ai manqué de retour là-dessus. C’est le seul gros reproche que je leur ferais. Car globalement je ne regrette pas d’avoir fait ce disque.
D’ailleurs c’est ce que tu dis dans le communiqué de presse de ton nouvel album : « En guise de préambule, je suppose que pour présenter ce septième disque, L’Horizon, je suis censé dire du mal du précédent, Tout sera comme avant. Oui, on fait comme ça en général. On dit qu’on ne s’y retrouve plus. Que les chansons n’étaient pas toujours très bonnes. Que le producteur nous a trahis. Qu’on n’allait pas fort à l’époque… Bon, eh bien non, hélas, rien de tout ça. Je suis toujours fier de cet album. Il va falloir faire autrement. » Tu voulais couper l’herbe sous le pied de ces commentateurs sévères ?
Oui, pour anticiper sur leurs commentaires. Ce n’est pas parce que je sors un nouveau disque que je vais obligatoirement dire du mal du précédent. J’ai des réserves sur ce disque mais je l’ai réécouté il n’y a pas longtemps et en fait dessus il y a vraiment des choses que je trouve très très bien. Je me dis juste que certaines chansons auraient gagné à être faites autrement.
Tu assumes tes erreurs. Tu estimes qu’elles font partie du chemin ?
Voilà. De toute façon, des erreurs, on ne fait que ça et puis au milieu, dans le meilleur des cas, il y a quelque chose à sauver. C’est mon point de vue : plus j’avance, plus je me dis : « Voilà, tu vas accumuler les bourdes mais au cœur de ces bourdes, si tout va bien, quelques pépites sortiront ». J’ai souvent dit que je travaillais à faire la compilation parfaite. Après le problème, c’est que tout le monde n’est d’accord sur la compilation. Certains y mettraient les chansons les plus évidentes. Moi j’y mettrais plutôt les chansons les plus marquantes.
L’idée que tu te fais de tes chansons diffère de l’idée que ton public s’en fait.
Entre ce qu’on peut vouloir donner aux gens en se disant : « Ça leur fera plaisir » et ce qui toi te semble être le mieux par rapport à ce que tu as fait globalement de l’écriture à la production, le point de jonction est-il exact ? Une vieille chanson comme « Sous la neige » me semble parfaite, tant dans l’écriture que dans la manière de l’enregistrer. Pareil pour une chanson comme « Le commerce de l’eau ». Je me dis : « Ça, c’est parfait. L’écriture, l’interprétation, l’arrangement, le son, tout ça c’est super ».
Elles font bloc ?
Oui, dans ces chansons je n’ai pas grand-chose à bouger. Et leur magie tient au fait qu’elles ne sont pas reproductibles. A un truc de l’ordre de l’instant. Tu vois, c’est des chansons isolées. Dans le nouvel album, il y en a une ou deux où je sens ça.
Lesquelles ?
« Rue des marais » et « La relève » ou « L’horizon ».
Etrangement quand je t’ai vu en solo au théâtre des Bouffes du Nord pour la tournée de Tout sera comme avant tu n’avais plus rien de Ferré. Au contraire, tu montrais plutôt ton côté intimiste et direct à la Brel. Ce que ton public préfère. Cette tournée a-t-elle été capitale dans le processus de création de L’Horizon ?
Oui. J’avais fait des live en Espagne et en Allemagne où je jouais mes nouveaux morceaux en solo car le groupe n’était pas constitué. J’avais dû réapprendre à jouer les morceaux tout seul, me les réapproprier. Et les concerts aux Bouffes du Nord, c’était l’aboutissement de tout ça, parce que j’avais tourné pendant un mois comme un malade, que le lieu était splendide…
Oui, ce grand mur de briques nues propice aux ombres portées…
Ouais, bah voilà, j’ai pris les chansons en main. Mais ensuite il y a eu la tournée en groupe (avec Jérôme Bensoussan et Daniel Pabœuf aux cuivres et aux clarinettes, David Euverte aux claviers et Vincent Guérin à la contrebasse – nda) et c’est là où je me suis dit que je n’avais pas vraiment envie de revenir à un truc nu et acoustique totalement en réaction par rapport au précédent. Sur scène, on n’avait pas de batterie, parce que je ne voulais pas fonctionner sur les grosses ficelles. Je voulais au contraire fragiliser les musiciens, qu’on se base vraiment sur les rythmiques internes des morceaux et qu’on trouve un truc très fort, énergique et ambitieux en termes d’arrangements. Et comme ça c’était super bien passé, qu’on avait réussi à reproduire certains arrangements du disque, à part les cordes, je me rendais compte qu’avec eux ce serait possible de faire sur certains morceaux quelque chose d’à la fois très orchestré et de beaucoup plus joué, naturel. Et je me disais que ce serait trop con de ne pas perpétuer sur album ce super état d’esprit qu’il y avait entre nous. Ça me permettait donc d’envisager autre chose que le simple retour à un album solo. Ce qui me faisait tout autant flipper qu’autre chose.
L’Horizon est donc le retour à un album très personnel sans être un album solo.
C’est un album plus recentré sur ma petite personne et mon petit propos, mais que j’ai fait en m’entourant de quasiment tous les gens qui comptent dans mon histoire musicale, c’est-à-dire Dominique Brusson (avec qui il a coproduit Remué – nda), des gens de la précédente tournée, Olivier Mellano (guitares électriques – nda), Sacha Toorop (batterie – nda) et Laetitia (Bégout, sa compagne, qui y co-signe deux musiques – nda). C’était un peu se faire grandement plaisir avec, je dirais, zéro dose de danger relationnel.
Il n’y en a pas eu ?
Non, ce n’est pas possible parce que je ne suis pas un chieur en studio et que les gens avec qui je bosse étaient tous remontés dans mon sens.
Cette absence de tensions en studio peut-elle desservir la musique ?
Bah je ne pense pas. Enfin ça dépend des gens mais moi je n’ai vraiment pas besoin d’être dans un climat de conflit pour accoucher de quelque chose. Certainement pas. Je ne suis pas de cette école-là. Je ne pars pas du principe qu’il faille en chier ou être tiraillé de doutes pour que ce soit bien. Les doutes, ils sont là tout le temps, donc n’en rajoutons pas (rires) !
La première chose qui m’a marqué dans ce nouvel album c’est ta voix. Dans L’Horizon on dirait que tu chantes différemment, avec un timbre plus chaud, velouté…
Ah oui, peut-être, et tant mieux parce que j’essaie de moins bêler qu’avant.
J’ai eu l’impression que tu fais un petit peu ton Jean-Louis Murat…
Ah oui !? Ô mon Dieu, ma chair ! Vais-je devenir aussi chiant (rires) ?
A qui ou quoi doit-on cette évolution vocale ?
Je pense que c’est dû à tous les concerts qu’il y a eu avant et au fait que Dominique Brusson a l’habitude de ma voix. Il était là pour les concerts, il sait très bien où sont mes forces et mes faiblesses, il sait donc ce qu’il faut faire pour la mettre en valeur. C’est une question de son. Par exemple, sur Tout sera comme avant j’avais beaucoup de mal à trouver un équilibre entre la musique et la voix, à tel point qu’on avait trouvé un système où je n’avais plus de casque sur la tête, j’avais juste deux petites enceintes réglées à faible volume et je chantais par-dessus. Parce qu’on avait remarqué que je chantais plus naturellement sans le casque sur les oreilles. J’avais une écoute dans le casque qui était vraiment très perturbante, et là je pense que c’était lié au fait que je n’avais pas eu le temps de trouver le truc qui me convenait. Je ne comprenais pas ce que j’entendais dans le casque. Il avait un son trop bon. Tandis qu’avec ces enceintes, j’avais le son que j’avais quand j’allais dans la cabine pour écouter le résultat et je retrouvais tout à fait mes repères.
Comme quoi, le choix du matos est parfois très important.
C’est des trucs à la con, mais ça compte et ce n’est pas forcément le matériel le plus cher qui va donner le meilleur résultat. Dominique prenait bien ma voix parce qu’on avait un micro qui est particulièrement adapté pour ma voix. Après, il y a le climat. Je me souviens qu’on a fait des voix quand on sortait du resto à midi. « Tiens, je me ferais bien quelques prises de voix ! ». J’en faisais 3 d’affilées et puis voilà, certaines ont été faites dans un laps de temps de 3h les 3. C’était des trucs dont on se disait : « Boah, de toute façon ce n’est pas forcément définitif ! » et puis on les écoutait et on se disait : « Tiens, c’est bien, c’est bien, c’est bien ! ». On faisait donc comme ça. Ce que je déteste en studio, c’est la place que prend souvent le chanteur au moment de la prise de voix, genre le moment est important, allumons une bougie, tu vois.
C’est le moment solennel !
Voilà, la solennité du truc, la sacralisation de la voix. C’est évident que c’est important, mais n’en rajoutons pas trop parce que sinon ça va être tétanisant. Et là le truc, c’était de se dire : « On fait une voix quand c’est le moment. Tiens, là il en faut une pour qu’on se repère dans la structure. » On faisait une voix et des fois comme c’était bien on poussait un petit peu et on faisait une prise voix qui n’était pas prévue. On a donc essayé d’atténuer au maximum le côté solennel de la prise de voix. C’est peut-être aussi ça qui donne ce résultat que je trouve un peu plus light, et qui est en fait plus proche de ce que je peux faire en concert.
Au sujet de la voix, j’ai lu dans un vieux numéro des Inrocks que pour toi Murat avait débloqué quelque chose en étant un des premiers à chanter-parler en osant le murmure et le silence, mais qu’en fait le résultat s’était révélé moins probant que la philosophie. Que voulais-tu dire par là ?
Bah en fait Murat est un peu dans la lignée de Jean Sablon, qui a été le premier à chanter très bas et avec un micro. Mais je dirais que ce que j’aimais beaucoup sur Cheyenne Autumn et ce que j’aime toujours d’ailleurs, c’est la distance qu’il avait dans sa voix, il jouait encore avec, mais pas de façon trop… J’ai presque envie de dire « obscène », quoi.
Lover ?
Ouais, le ronron du matou là.
« Le mou du chat » !
« Le mou du chat », ouais (rires) ! Et puis après, c’est parti en couilles chez lui parce que en fait, je crois que de la même façon qu’il n’avait pas supporté d’être snobé par les gens du métier, un jour il n’a pas supporté d’être presque accepté.
Un type jamais satisfait.
Bah je pense que c’est un mec profondément malheureux. Je n’ai pas envie de lui taper dessus, mais il a longtemps revendiqué cette facette pleine d’aspérités, aride, tout ça, et finalement il est arrivé avec des sons qui sortaient de magasins d’usine, des trucs hyper léchés, derniers cris. Après il n’a pas fait que ça, il y a notamment ses derniers disques où c’est quand même plus rêche, électrique et acoustique. Plus simple. Plus terrien. Mais voilà, il y a un vrai écart entre son discours paysan et rupestre et ses poses vocales qui m’énervent, ce qui n’enlève rien à un certain talent de composition. Il y a certaines chansons sur lesquelles je n’ai rien à redire.
Restons sur la voix. J’ai noté que certains chanteurs, à un moment de leur carrière, n’arrivaient plus à supporter leur voix. C’est arrivé à Thom Yorke de Radiohead après OK Computer. Le succès too much du disque l’avait enfermé dans l’image du super chouineur. Il a donc « cassé le jouet » par la suite. As-tu déjà eu ce problème ?
Oui, il y a 5-6 ans, avec Remué, je ne supportais plus ma voix, ce qu’elle transportait, tout ça. J’avais envie d’autre chose, je ne savais pas comment faire et comme j’avais envie de chanter malgré tout, je me débattais là-dedans.
Tu avais envie de te réinventer ?
Oui et en même temps se réinventer, c’est impossible. Tu ne te réinventes pas, tu te réacceptes. Mais c’est bien parce que le dégoût de soi, à partir du moment où tu le dépasses, t’amène sur autre chose. Du coup, en quelque sorte, tu recapitulises
Recapitalise, tu veux dire ?!
Oui, pardon !
Beau lapsus !
Oui, j’en ai fait un autre tout à l’heure, en parlant de l’enfance, j’ai dit l’enfonce, mais bon… Il est aussi joli celui-là ! Donc oui, tu recapitalises avec une espèce de légèreté supplémentaire et donc de nouvelles voies. Moi ça fait longtemps que je n’ai plus de problème majeur avec ma voix. Il y a encore des jours où j’ai du mal avec, mais c’est juste des problèmes ponctuels.
Ce ras-le-bol de ta voix à l’époque Remué n’était-il pas lié à un problème d’image…
Mais tous les artistes ont un problème avec leur image !
Je veux dire : n’en avais-tu pas marre d’être considéré comme un chanteur triste ?
J’ai bossé là-dessus sur Remué et je me suis dit après que l’image, on s’en branle quoi.
Tu as tiré un trait sur ce problème ?
Bah, l’image, il n’y a rien de pire qu’essayer de la contrôler. Ou alors il faut vraiment avoir un talent particulier pour ça. Et comme je n’ai pas de talent pour ça, il fallait mieux que j’arrête de cogiter là-dessus…
C’est ce qui te déplait chez Murat : qu’il ne s’arrête pas de « cogiter là-dessus » ?
Pfff, je ne sais pas. Oui, je pense qu’il s’est laissé paralyser par ça, mais bon après je n’ai pas envie de parler de Murat tout le temps (rires) !
J’imagine mais c’est un bon exemple de ce qu’on évoque.
Oui, oui, je ne sais pas. Mais c’est vrai que certains artistes perdent parfois beaucoup de temps à essayer de revenir sur une image, alors qu’on s’en branle, l’essentiel, c’est la musique et elle ne doit pas être le simple vecteur de ça. Elle peut te permettre de rétablir certaines choses si tu as envie de les rétablir, mais ça ne doit pas être le moteur premier, parce que l’image c’est les yeux et qu’à ce que je sache en musique on s’occupe essentiellement des oreilles.
Toi, tu te vois comme un auteur-compositeur-interprète plus lumineux qu’on ne croit ?
Je pense, mais ce n’est pas pour ça que je me sens obligé de faire des efforts. Tout à l’heure on parlait de ça avec une jeune fille, elle me disait qu’elle croyait rencontrer un autiste, mais non, je ne vois pas le…
Le lien ?
Bah si, il y en a forcément un, mais la distance que je mets dans les chansons n’est pas une stricte illustration de la personne que je suis.
Ce n’est qu’une partie de toi.
Oui, et musicalement cette distance m’intéresse mais elle ne m’intéresse pas humainement.
C’est la différence entre l’homme et l’artiste ?
Oui, je veux dire qu’il n’y a pas de point de jonction évident à faire. En interview, je n’ai pas pour vocation de livrer des trucs ultra confidentiels, ni de cacher quoique ce soit d’ailleurs.
La part des choses se fait naturellement en fait.
Ouais, parce que l’attitude que j’adopte pour que la musique dégage ce que j’ai envie qu’elle dégage n’est pas forcément en rapport direct avec la manière dont j’ai envie de me comporter humainement. Après, je conçois tout à fait que ça soit déstabilisant pour le public qui se dit : « Tiens, c’est marrant, il a l’air plus sympa que ses chansons ». Bah oui, j’espère bien.
Sur L’Horizon, dans le titre « La pleureuse » tu chantes : « Je serai ta pleureuse ». N’est-ce pas quand même un pied de nez en réponse à un petit problème d’image ?
Oui, là en l’occurrence, c’est une histoire d’image, tu as raison. Je suis pris à mon propre piège. J’ai écrit ça après avoir lu un article sur Camille dans Le Nouvel Obs. Le type l’encensait et, puisque lorsque tu encenses quelqu’un il faut démolir les autres au cas où tes louanges seraient trop faibles, il mettait les pleureuses en opposition à sa fraîcheur, et c’est cool car je crois que j’étais le chef des pleureuses (rires) ! Sur le coup c’était très vexant et après, je me suis dit : « Bah oui, pourquoi pas ? Face au ricanement général, j’accepte d’être le diseur de mauvaise aventure, ça a aussi son utilité. » J’ai donc joué avec ça pour faire un morceau assez enlevé.
Mélodiquement, le morceau est vaillant !
Oui, il est assez cornes en avant (rires) !
Auguri contenait déjà un titre de ce genre, « Les chanteurs sont mes amis », qui était un pied de nez en réponse à ton image de chef de file de la chanson rock française.
Ouais, mais je te dirais que je ne sais pas pourquoi je continue à faire ce genre de morceaux parce que c’est des morceaux dont je me désolidarise hyper vite…
Ils font souvent office de bol d’air dans tes disques…
Oui, j’ai le sentiment que c’est des oxygénations, que ça fait des petites bouffées dans un truc qui sinon serait peut-être un peu trop sclérosant…
C’est ton côté grand déconneur, quoi !
Ouais, c’est mon côté déconne (rires) !
Comme la presse te dépeint souvent en « patron » de la nouvelle scène rock française, l’idée c’était de pousser le vice à dire à dire que tu es potes avec eux, c’est ça ?
Ouais, enfin je veux dire : ça concerne qui ? C’est vraiment un truc de village, globalement le quidam, il s’en branle, quoi. Et c’est plus gênant pour les autres que pour moi. Parce qu’à partir du moment où tu es cité comme une référence, même si c’est en référence négative, c’est bien parce que c’est la preuve que tu existes aux yeux des gens et exister aux yeux des gens même négativement ça permet à d’autres gens qui ne te connaissent pas d’entendre ton nom et puis un jour peut-être d’entendre un morceau, de se dire : « Ah, c’est ça » et de s’y intéresser éventuellement. C’est donc toujours une bonne publicité.
Tu écoutes certains des auteurs-compositeurs-interprètes dont on te dit le père ?
Je ne connais pas tout, mais il y a un mec que j’aime bien, c’est Arman Méliès. Son prochain disque est superbe. Autrement, il y a des gens qui ne se réclament pas de moi mais dont je me sens proche, ça peut être des gens légèrement plus vieux comme Marcel Kanche ou Philippe Poirier avec qui j’ai déjà bossé. Enfin il y a plein de gens en France que je trouve intéressants.
Et dans les « légèrement » plus jeunes ?
Il y a Encre. J’aime bien Encre. Je l’ai rencontré à une carte blanche et j’ai fait un truc sur son projet Thee Stranded Horse. Oui, j’aime bien ce type. Il y a aussi les filles de Mansfield Tya. Il y aussi Le Coq, un nantais dont j’aime vraiment le dernier disque. D’ailleurs c’est étonnant car je n’aimais pas ses précédents. Tu vois, des gens comme ça. Il y a ces gens qui sont là et Dieu merci, quoi. Je ne me sens pas sur une île déserte, loin de là.
Chacun à leur manière, ils continuent d’explorer la voie que tu as ouverte en 1992 avec ton premier album, La Fossette.
Ouais, ce ton qui consistait à ne pas avoir peur de ses faiblesses et même de les revendiquer. Alors après, pour le meilleur et pour le pire. Moi, je ne fais pas de la faiblesse un argument…
De vente ?
Oui, parce qu’il y a des gens pour qui c’était ça. Ils se sont engouffrés là-dedans en se disant : « On va geindre et tout le monde va trouver ça joli. » Je suis plus nietzschéen que ça (rires) !
C’est-à-dire ?
Bah je ne sais pas.
Tu te reconnais dans son fameux : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort » ?
Bah je ne sais pas dans quelle mesure c’est vrai, mais il y a du vrai. Alors que l’apologie de la faiblesse comme valeur suprême…
C’est l’apologie du mal être comme ayant force de vérité…
Oui, c’est ça…
Et le mal être ne peut pas être la vision suprême de la vie.
Donc… faut pas déconner (rires) !
Pour autant, il n’y a qu’incarnation, subjectivité, émotion...
Bah oui, oui, oui. On n’est pas dans un point de vue communautariste par rapport aux choses, on est tous dans un truc individualiste, subjectif, c’est clair. Après, l’introversion c’est bien joli, mais il faut la transcender. En tous cas, en chanson, pour que ce soit recevable, il me semble. Enfin, ça dépend, il y a des étapes, c’est-à-dire que si tu débarques, effectivement, je dirais que tu peux te permettre d’être autocentré, introverti et de présenter ça aux gens en disant : « Ça, c’est moi et je n’en dérogerai pas. » Après, libre aux gens de prendre ou pas. Mais si tu continues sur plusieurs années à être dans un rapport de fausseté par rapport à toi et aux gens c’est insupportable. Ça ne peut fonctionner que sur un ou deux disques…
Toi, on ne peut pas vraiment dire que tu étais égocentré à tes débuts tellement tu étais dans l’épure, l’effacement, mais par ce dogme, cette ascèse, c’est comme si tu disais : « Ça, c’est moi et je n’en dérogerai pas. » Ça a changé la donne, non ?
Bah je me suis demandé si j’avais envie de continuer, tout simplement. Et si j’avais envie de continuer – et j’avais très envie de continuer – ça passait par l’abandon du nombril, ou alors le repositionnement du nombril. Fallait le mettre ailleurs.
Déplacer son centre de gravité.
Voilà, c’est ça, tout simplement.
Aujourd’hui dans L’Horizon, à part 2-3 chansons, tu dis encore rarement « je ».
Ouais, je te remercie de me le faire remarquer, personne ne me l’a trop dit ça.
En fait ton écriture est très souvent narrative, ta position celle d’un conteur, ton regard une caméra grand angle sur des personnages, des situations, des paysages…
Oui, je suis plus dans une espèce de regard en hauteur que dans l’enfermement, l’intérieur, c’est pour ça que ça me surprend toujours quand on me parle de chansons de « chambre ». C’est moins le cas maintenant parce que tout le monde semble avoir décidé que j’étais devenu un chanteur panoramique. Panoramix, c’est mon vrai prénom ! Mais on m’a longtemps parlé de ce truc de la chambre : il est dans sa chambre et tout.
Oui, à tes débuts les journalistes disaient que tu faisais de la « kitchen music »…
Oui, je comprenais par rapport à mes débuts, mais pour échapper à ça je suis justement rentré dans des narrations dès le deuxième disque. Et on me renvoyait encore le truc de la chambre, je me suis donc dit : « Bon, bah voilà, je ne vais pas lutter parce que ce n’est pas possible ». Et c’est vrai que si tu regardes les chansons, il y en a peu où je dis « je » et quand je dis « je » en plus, souvent il n’est pas question de moi. Sur L’Horizon, n’y en a qu’une ou deux où je dis « je » et où il est vraiment question de moi, c’est « Rouvrir » et « Rue des Marais ».
« Rue des Marais » où tu exhumes des souvenirs d’enfance, des impressions…
Oui, c’est des impressions faussées par le souvenir et c’est marrant, parce que du coup, c’est tellement personnel que j’ai remarqué que les gens ne le perçoivent pas comme tel. Ils voient ça comme un truc plus universel, alors que là je suis au plus près de mon histoire à moi.
Et il y a cette belle phrase dans la chanson, que tu dis comme si tu t’extrayais de ce passé brumeux : « Plus tard j’écrirai tout / Quand je saurai viser ».
Ouais, la vérité fictive se déplace, c’est bon de l’atteindre et cette chanson-là est une première étape vers la cible, en fait. C’est assez rigolo. C’est une chanson qui me trouble moi-même. Elle est tellement près de l’os que je me suis longtemps demandé si j’allais la jouer sur scène. Mais un jour un type me l’a demandée à une session acoustique. Alors je me suis dit : « Tiens, pourquoi pas ? » Et puis je l’ai jouée et voilà, c’est parti. Je peux la jouer pendant 15 ans !
J’ai lu qu’à tes débuts tu souhaitais réussir à faire une chanson sur le courage car tu jugeais que c’était un sujet difficile à aborder, ça donnera « Le Courage des oiseaux » de La Fossette. De la même manière, ton enfance, fantasmée ou pas, faisait-elle partie de ces « sujets challenge » que tu t’étais un jour promis de mettre en chanson ?
Non, je ne fonctionne plus comme ça, mais disons que « L’horizon » était le type de chanson que je voulais écrire depuis pas mal de temps, une espèce de faux récit épique avec des noms de lieux et des visions presque ridicules tellement c’est… entre Homère et les Marvel Comics, Ulysse et Les 4 Fantastiques (rires) !
D’où as-tu tiré les visions de cette vision ?
D’un voyage que j’ai fait au Groenland, alors que j’étais sur le bateau. C’était tellement fou, entre Highlander et Le Seigneur des anneaux (rires) ! Que voilà, ce morceau est sorti.
A l’inverse, comme tu le disais, le morceau qui suit, « Rouvrir », est plus intime et autobiographique. Il y est moins question de super héros…
C’est marrant parce qu’un type m’a dit qu’il pensait que c’était une chanson sur mon attitude vis-à-vis de l’industrie du disque ! C’est la métaphore utilisée qui permet ces différents degrés de lecture. Parce que là, pour le coup, c’est vraiment une chanson d’amour. L’idée c’était de parler d’une personne qui fait beaucoup d’efforts vis-à-vis d’une autre, qui en a un peu marre, à un moment donné elle sent qu’elle a besoin qu’une porte s’ouvre pour elle. Et en fait à la fin tu as cette image de deux personnes face à face de chaque côté d’une porte. Les retrouvailles ne se font jamais parce qu’il y a la fierté au milieu. C’était plus une chanson comme ça.
Oui, le rapport homme-femme sous l’angle sentimental, psychologique, métaphorique. Dans Auguri tu avais pas mal pris ça à rebrousse-poil, parlant sans fard de désir et de rapport sexuel dans « La peau », « Je t’ai toujours aimé », « Le commerce de l’eau »…
Ouais, mais du coup j’ai l’impression que c’était une façon d’ouvrir et de clore le sujet.
En finir avec la chair ?
Bah je trouvais que je n’irais pas plus près de ce que je voulais dire sur le sujet pour l’instant. Pour l’instant, ce thème ne me tracasse pas du tout… (La porte s’ouvre pour nous dire qu’il est temps de conclure et Dominique laisse comprendre qu’on n’en a plus que pour 5 minutes afin d’arriver à bon port et de se quitter à la cool – nda) Tu sais, quand j’écris des chansons, j’essaie de ne pas trop penser aux thèmes que je vais aborder. Aujourd’hui, je ne me dis plus : « Tiens, je vais aborder tel sujet ». Je laisse venir, je suis plus intuitif.
Tu continues à écrire dans l’ « état de neutralité » où tu écrivais il y a 15 ans ?
Oui, si je suis gai, je n’ai pas franchement envie d’écrire, si je suis triste encore moins.
Il faut un état d’ « entre deux » ?
Ouais genre euh ça va ! Et puis neutralité n’est plus un terme très juste aujourd’hui parce que je suis super concentré quand j’écris, je suis très excité, je sens vraiment l’adrénaline monter quand j’ai une idée, ça peut aller jusqu’à me faire lever du lit pour écrire. Neutralité n’est donc plus un bon terme parce que là je suis un peu sur les charbons ardents et je sens qu’un truc qui vient qui doit être mis sur papier. Mais c’est vrai qu’il ne faut pas être ni euphorique ni dramatique. C’est marrant parce que je devais faire un « split single » (il dit le mot en riant – nda) avec Edith Frost en Espagne. Je ne sais pas si tu connais, c’est une chanteuse folk américaine. On se connaissait un peu et je pense qu’elle voulait le faire, mais elle me disait : « Le problème, c’est qu’aujourd’hui, je suis tellement heureuse que je n’ai rien à dire. »
C’est dur ça, quelque part. Ce vide, d’un coup.
Oui, mais en même temps elle était heureuse (rires) !
Oui, de toute façon il ne faut pas se forcer à créer.
Non, et puis je trouvais ça bien, je trouvais ça sain : « Tiens, la fille, elle n’a pas besoin de ça et elle accepte très bien le fait de ne pas avoir besoin de ça. » Je l’enviais presque.
Toi, tu n’en es pas encore là ?
Non, je ne suis pas aussi sain.
L’inspiration et le besoin de créer te travaillent toujours ?
Non, pas tout le temps, mais régulièrement, oui. Tu sais, c’est pour tout le monde pareil, l’inactivité, ça pèse. Donc moi, en dehors du fait que chanter et écrire des chansons est mon centre d’intérêt principal, c’est vraiment le sentiment de l’inactivité qui fait que j’ai envie de chanter et de chanter d’autres choses. Et pour avoir envie de rechanter des chansons, il faut en avoir des neuves. Il faut toujours qu’il y ait un peu de matériel neuf qui arrive et réactualise le vieux machin, qui lui permette de reprendre des couleurs. C’est un jeu d’équilibre là-dessus. Bon, je suis désolé, il y a du monde au portillon, je dois aller faire des photos. Salut ! (OFF RECORD.)
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