Benjamin Biolay : Grand Prix (1)
« je me suis remis aux chansons exutoires »

« quand je me juge, c’est à la kalach »
6 juin 2020. 15h. Clichy. Je suis donc dans ma cuisine et Biolay de même pour qu’on discute tranquilou bilou à bâtons rompus de son nouvel album, Grand Prix, son 9e album studio à lui, sans donc compter son album avec Chiara Mastroianni (2004), son album hommage à Trenet (2015), son double album de reprises avec Melvil Poupaud (2018), ses BO et albums réalisés pour Salvador, Keren Ann, Isabelle Boulay, Hubert Mounier, Valérie Lagrange, Dick Rivers, Eicher, Gréco, Frégé, Godrèche, Julien Clerc, Paradis, CharlElie Couture, Nolwenn Leroy…
Et ce Grand Prix est étonnamment un bon cru, un bon retour de flamme dans la disco un peu random « à boire, à manger » du popu, prolixe et prolifique Benjamin Biolay, lui, ce fils de prolos originaire de la banlieue lyonnaise qui en 2019 avait placé un de ses titres (« C’est magnifique ») dans une pub pour les magasins Intermarché (« On a tous une raison de mieux manger ») à l’occasion de leurs 50 ans. On est posé. On a le temps, 45 min. Ambiance covid oblige, on ne se demande pas « Ça va ? » mais « Comment ça va ? » et biens. « Tant mieux ».
L’entretien a initialement lieu pour le compte du magazine Philosophie, qu’il connaĂ®t un peu car il a « pas mal d’amis qui l’achètent, surtout des femmes ». Je me demande brièvement si, comme beaucoup, il ne confond pas tout bĂŞtement avec le mag Psychologies. En tous cas, il avoue qu’avant de l’ouvrir il Ă©tait « un peu moqueur », parce qu’il n’imaginait pas « qu’une telle publication existe ». « Je vis un peu dans ma bulle, dit-il, mais mĂŞme si je n’ai pas fait d’études, j’aime le feuilleter, Ă chaque fois j’y trouve quelque chose… » On parle du beau temps Ă la fenĂŞtre, valide le tutoiement (naturel) et boum, on ne marche plus, on avance.

Bonjour Benjamin !
Bonjour !
Pour commencer, c’est peut-être un peu bête mais bravo pour le disque !
Ah bah merci beaucoup, c’est pas bête, ça fait plaisir. C’est jamais acquis !
Je l’ai réécouté tout à l’heure ce Grand Prix et ma deuxième écoute a aiguisé le plaisir de la première. Avant de le découvrir j’avais d’ailleurs cette intuition d’un regain de mojo. Tu l’as aussi senti comme ça ?
J’ai l’impression oui… C’est bizarre… On dirait que c’est comme les annĂ©es bissextiles, que y’a des annĂ©es oĂą ce qu’on fait semble plus sincère. Je sais pas si c’est parce qu’on est dans des meilleures dispositions artisanales ou artistiques mais y’a des annĂ©es comme ça oĂą on a l’impression que c’est plus la vĂ©ritĂ© qui sort. Quel qu’en soit la facture.
A quel moment t’es-tu mis sur ce disque et comment as-tu senti cet « effet de vérité » ? C’était un appétit nouveau, un appétit retrouvé ?
Je venais de vivre une période où j’avais beaucoup voyagé. J’avais même fait un album en Amérique Latine, plus spécialement en Argentine, et à ce moment-là j’avais été témoin d’un drame – terrible pour moi qui suis un fanatique de sports automobiles – c’est la mort de Jules Bianchi (le 17 juillet 2015 des suites d’un accident survenu le 5 octobre 2014 au Grand Prix du Japon – nda) et de là j’ai donc fait une chanson qui lui est dédiée et qui s’appelle « Grand Prix » et après je sais pas, j’ai traversé des épisodes de vie un peu rudes, particuliers, et quand je me suis remis à l’écriture de chansons c’était vraiment comme je le faisais quand j’étais plus jeune peut-être : un exutoire.
Tu as donc renoué avec ton rapport très intime à l’écriture de chanson en tant que tel ? Il s’était dernièrement émoussé ?
Peut-être parce que je m’étais progressivement plus focalisé sur la musique que la chanson en elle-même. Parce que c’est vraiment ma passion, la musique, c’est le truc qui me permet de me lever le matin, la musique au sens large, que ce soit la musique de films ou simplement jouer avec des gens… Mais oui, le fait d’écrire des chansons qui parlent de ce qu’on ressent, cet exercice souvent voué à l’échec parce que c’est dur, le format est court, hé bien ça ouais, ça m’est revenu.
Tu as beaucoup écrit et beaucoup jeté ou ton inspiration a été assez « efficace » ?
Nan, à ce niveau-là j’ai malheureusement des statistiques de plus en plus effroyables à mesure que le temps passe. Les fausses couches se multiplient !
Tu as donc beaucoup jeté…
C’est la lassitude qui tranche. C’est mon seul repère. Si une chanson finit par me lasser je me dis qu’elle va lasser absolument tout le monde donc je la jarte. C’est un processus éprouvant, il faut sans cesse réécouter pour voir si telle chanson est vraiment acceptable. En faisant ça, on finit forcément par s’en rendre compte.
Après cette chanson inspirée par la mort du pilote automobile, comment le concept du disque t’est-il venu ? Parce qu’on a l’impression que c’est un disque où tu renoues aussi avec un fort fil narratif unissant les morceaux. Est-ce que c’est ça aussi qui t’a permis d’écrire le disque, de trier les morceaux et de tenir le cap d’une certaine thématique ?
Oui, je pense. Il fallait que ça me plaise mais j’ai peut-être également réussi à me dédoubler et à me mettre du côté de l’auditeur. Parce que dans cette période où je me suis vraiment remis à écrire, j’ai aussi de nouveau beaucoup écouté de chansons et ça a remis la barre super haut, parce que je suis très dur avec moi comme je le suis avec les autres, y compris les morts !
Y compris les morts ?
Oui, y compris les grands destins du panthéon de la chanson (rires) ! Il m’arrive d’écouter un truc et de me dire : « Ça, c’est pas possible ». Donc évidemment quand je me juge moi, c’est à la kalachnikov.
Quels auteurs t’ont mis la dragée haute quand tu t’es remis à écouter des chansons ?
C’est difficile de citer un auteur pour ce qui est de chansons. J’avais fait un spectacle avec Melvil Poupaud (basĂ© sur l’album Songbook sorti en novembre 2018 – nda) oĂą on chantait plutĂ´t des chansons assez anciennes… C’est les chansons qui perdurent, on peut pas vraiment citer untel ou untel mĂŞme si bien sĂ»r y’a de grandes chapelles. Par exemple, moi je ne connais pas par cĹ“ur Brassens et FerrĂ© et j’ai dĂ©couvert des chansons d’eux qui m’ont bouleversĂ©es.
Tu ne les as jamais trop écoutés ?
Non, parce que je rejetais en bloc la chanson française quand j’étais petit donc j’ai des lacunes épouvantables mais récemment j’ai un peu découvert ça.
Ça me rappelle une fameuse couverture de Technikart qui à l’époque avait fait son petit scandale (le numéro de juillet/août 2007 où il figurait en Une avec cette déclaration coup de poing : « La chanson française me débecte »).
Ah oui, je crois que ça avait eu un impact. Surtout que le mag avait été distribué gratuitement aux Francofolies de la Rochelle, ce qui était évidemment une idée remarquable (rires) !
J’ignorais ça ! Il s’en est passĂ© du temps depuis… On Ă©volue !
On évolue beaucoup !

Quels étaient tes héros quand tu étais petit ? Est-ce que c’était de prime abord des gens de la musique et de la chanson ou pas du tout ?
Y’avait John Lennon qui était quand même une sorte de figure tutélaire. Mais aussi une figure para-musicale. Je suis né en 73 et je me rappelle très bien de son décès parce que ce jour-là mon institutrice pleurait. Elle pleurait à chaudes larmes et m’a dit : « Y’a un Beatle qui est mort ». Ensuite j’ai découvert John Lennon et c’est quand même quelqu’un qui a pensé, qui s’est tourné vers l’art contemporain, qui s’est intéressé aux idées d’extrêmes gauche avec plus ou moins de succès, il en a même fait tout un disque qui s’appelle Some Time in New York City. Ouais, John Lennon c’était comme une synthèse de tous les gens que j’aimais.
Et petit, tu écoutais sa musique ou c’était surtout l’icône, le personnage qui t’attirait ?
Ah, j’étais à fond, j’étais à fond, je connaissais chaque note de l’Album Blanc, je connaissais les Beatles à la perfection et évidemment aussi ses albums solos et j’étais tellement carrément marabouté, si j’ose dire, tellement envoûté par lui que je pensais que McCartney était juste un musicien ok. J’avais pas compris que McCartney c’était le génie total ! J’étais pas un Beatle-maniac, j’étais un Lennon-maniac.
Y avait-il d’autres figures qui lui arrivaient à la cheville dans ton panthéon personnel ?
Ouais, Che Guevara. Mais ce n’est qu’au lycée que j’ai commencé à lire les carnets du Che et j’ai été très impressionné par son intelligence. Au début je pensais que c’était juste un guerrier avec tout ce que ça sous-entend de clichés sur la violence et la brutalité, mais j’ai découvert en fait un homme profond et lettré. Donc oui, c’était un de mes héros. Après, quand on m’en parle, je rentre pas dans le grand débat de ce qu’il a fait en tant que Ministre de la l’Industrie (entre 1961 et 1965 – nda), ça m’intéresse pas, ça m’intéresse même pas du tout. Je sais très bien ce qu’il a fait dans sa vie, mais moi tout ce qu’il a écrit me plaît. Énormément.
Ce n’est pas lui qui avait dit que toutes les révolutions commencent dans une chambre ?
Possible. En l’occurrence la leur a commencĂ© sur un petit balcon Ă boire du rhum avec Fidel Castro chez une amie mexicaine. Mais sa rĂ©volution Ă lui a commencĂ© dès la prime enfance, dès la prime jeunesse…
C’est la racine profonde.
Oui, c’est inné et c’est rare pour des bourgeois comme ça d’aller découvrir l’Amérique Latine et de s’intéresser aux autres habitants du continent. Là -bas les argentins ont les appelle un peu les parisiens d’Amérique Latine, ils sont au bout du monde, et lui il s’est acheté une moto et avec son ami il est parti voir comment vivaient les peuples à côté et je pense que c’est pour ça que Sartre disait que c’était l’homme le plus complet du XXe siècle. Je partage, c’est bien dit.
Ton dernier album, Grand Prix, est donc placé sous l’égide de la course automobile avec, en filigrane j’ai l’impression, cette idée de remettre ton titre de superbe chanteur en jeu. Est-ce qu’il y avait des sportifs parmi tes héros ?
Oui, bien sûr. J’étais fasciné par Diego Maradona car je trouvais qu’il avait l’aura d’un sportif individuel au sein d’un sport co’ et évidemment j’aimais aussi Ayrton Senna, Nelson Piquet… Plein de sportifs. Et un peu plus tard j’ai découvert le basket américain avec Michael Jordan et c’était une telle figure, comment dire, quasiment divine… C’était quelque chose de très fort.
Tu dois donc le savoir : nous sommes actuellement en plein revival Michael Jordan…
Oui !
… avec la diff sur Netflix du documentaire The Last Dance consacrĂ© Ă sa dernière saison de 1997-1998 avec les Chicago Bulls. As-tu regardĂ© ce doc feuilletonnĂ© en dix Ă©pisodes ?
C’est incroyable ce documentaire. En plus j’ai des potes qui sont dedans donc c’est marrant. Ils ont vu leur tête dedans, ils étaient émerveillés. C’est fou hein. Mais non, comme j’ai tout vécu en direct, à part les teasers, j’ai pas encore regardé. Et puis les trucs sur Netflix, c’est bien mais c’est très romancé, très mis en scène, et j’aime la réalité donc voilà .
C’est vrai que c’est très scénarisé avec ce format série et le fait aussi que la boîte de prod de Jordan est venu mettre son nez dans l’histoire, ce qui était, je crois, la condition sine qua none pour qu’ils aient le droit d’exploiter les images tournées en coulisses lors de cette année 97-98.
Oh bah de toute façon, c’est un homme tellement puissant… Et puis y’a ce type qu’il a amenĂ©, Garry Cook, l’ancien parton de Manchester City, et qui gère maintenant la marque Air Jordan Ă la perfection, ce qui lui rapporte un pactole de dingue ! Il est sacrĂ©ment entourĂ©. Du coup, je l’aime moins. Je n’aime plus le voir aujourd’hui.
Ah oui ?
Oui, je veux garder en tête l’image de cet athlète qui volait et qui me manque.
Je comprends. L’image du businessman qu’il est devenu fait moins rêver !
C’est sûr et je ne suis pas pour les businessmen quels qu’ils soient !
(SUITE ET FIN DE L’ENTRETIEN.)
https://www.leetchi.com/fr/c/benjamin-biolay-lentretien-fleuve-exclusif-au-chapo-20-1164376

Dans le morceau de clĂ´ture de Grand Prix, « Interlagos Saudade », tu boucles la boucles de cette histoire de circuit automobile et de self made man qui a tout gagnĂ© et s’apprĂŞte Ă se ranger des voitures en Ă©voquant une succession d’images et d’instantanĂ©s pleins de souvenirs d’enfance… Qu’est-ce que tu retiens de ton Ă©ducation ?
Bah d’un certain point de vue c’était une éducation qui s’apparentait un peu à de l’élevage parce que ma mère a 13 frères et sœurs qui ont tous eu eux-mêmes beaucoup d’enfants donc on était une telle flopée de cousins qu’on se connaissait pas bien. Par exemple, j’ai pas bien connu mes grands-parents moi. Bon, ils sont morts quand j’étais très jeune, mais ils avaient trop de petits-enfants pour pouvoir retenir leurs prénoms. Donc j’ai reçu une éducation de classe ouvrière à la dure et sans méchanceté mais un tout petit peu impersonnelle en fait.
Tu penses que ça t’a donné envie d’avoir un destin très personnel ?
Ah sans aucun doute. C’était pas forcément lié à l’ambition artistique ou autre mais ouais, d’avoir une destinée très personnelle. Je veux dire, au pire, je me voyais bien en Argentine dans un petit campo avec des bourrins et tout. Je me disais : « Je vais sûrement pas rester là , entouré de milliers de gens de ma famille qui m’appellent toujours par le mauvais prénom ! »
C’est pas très gratifiant quand on est petit !
C’est la vie. A part ça, rien de désagréable n’a été fait, j’insiste. On fait comme on peut quand y’a pas beaucoup d’argent et une flopée de marmaille folle, c’est comme ça quoi.
Cette envie d’avoir un destin singulier, tu te souviens de t’en être fait la promesse ?
Oui. Mais… C’était plus qu’une promesse, c’était… Comme un ultimatum…
A ce point ?
Oui, c’était ça ou rien. Enfin, il Ă©tait pas question de… Tu vois, Ayrton Senna c’est aussi un de mes hĂ©ros et je me rappelle très bien d’une interview oĂą un journaliste lui avait dit : « Ce que vous avez fait n’est pas prudent, vous vouliez mourir ou quoi ? » Et il lui avait rĂ©pondu : « Je prĂ©fère 25 ans de ma vie que 80 ans de ta vie de merde. » Et bim, fin de la confĂ©rence. VoilĂ , ça c’était un peu mon Ă©tat d’esprit quand j’étais petit et je suis toujours un peu comme ça.
Il fallait oser une certaine intensité pour que ce soit intéressant ?
Oui. Et les temps présents nous le prouvent encore vachement, c’est implacable.
Sauf que maintenant l’intensitĂ© gĂ©nĂ©rale c’est d’oser sortir pour remplir son frigo…
Ouais, y’a déjà une grande privation de certaines libertés fondamentales, moi je me rends compte, tu me dirais : « Tu peux aller travailler et sortir tous les trois jours, je sauterais au plafond comme un imbécile ! » Alors qu’avant, mon kif, c’était aussi de rester chez moi deux jours de facto. Donc y’a quelque chose qui a changé, y’a une soumission qui s’est imposée et que je trouve très, très anxiogène.
Clair. Comment jauges-tu la vie de ton nouveau single, « Comment est ta peine ? » ? Est-ce que l’accueil qui lui est fait depuis sa sortie correspond avec ce que tu imaginais ou est-ce qu’il y a quelque chose qui te surprend dans sa réception ?
Moi, là , je n’attends plus rien. C’est marrant, j’ai plus trop d’expectatives, j’ai décidé de me dire : « Bon bah le bateau va arriver à quai mais je sais pas dans quelle île, on verra bien. » En fait je me replie sur les gens que j’aime… et puis j’ai des enfants et ils souffrent beaucoup de la situation actuelle alors c’est un peu compliqué. Donc voilà , en gros, j’attends plus rien.
Ça te semble hors de propos voire indécent d’avoir de telles attentes vu le contexte ?
Ouais, sincèrement, c’est ça.
J’imagine en effet que cette situation change beaucoup de choses quand on est chanteur. Commet encore s’insérer dans tout ça ? Comment ce rôle change ?
Oui, mais ça c’est la seule chose qui perdure quand tu changes. Après c’est juste la façon de l’être qui évolue.

Jusqu’à présent quel est le combat dont tu es le plus fier ?
(Silence.) Bah en fait, quand même, c’est d’avoir été publié, comme un écrivain. Après, tout le reste, c’est des pérégrinations, c’est l’aventure, mais avant, la base, la chose dont je rêvais et qui m’est arrivée, c’est de trouver une maison de disques et d’en trouver d’autres et d’être publié, d’avoir la chance d’être publié et en plus dans des conditions où personne n’a jamais –ou presque – censuré un mot et une note de musique. Ça c’est la chose dont je suis le plus fier. Parfois on est un petit peu blasé mais ça, faut pas l’oublier.
D’être soutenu dans tes envies et ta liberté artistique, c’est le plus beau pour toi ?
Ouais, j’ai réussi à la fois à trouver une maison de disques et à jouer les gros durs en disant : « Je vous préviens, si vous changez une note, je me casse du studio ! » J’ai assumé ça alors que j’étais absolument inconnu au bataillon et que j’avais donc aucune espèce de légitimité pour le faire, c’est ça dont je suis le plus fier !
J’imagine qu’aujourd’hui tu as facilement la paix…
Une paix royale… Tellement que je fais maintenant un peu les frais de cette règle que j’ai imposĂ©e et que c’est moi qui demande des avis.
N’as-tu pas un peu peur que les gens ne te donnent plus sincèrement leur avis ?
Bah je trouve que c’est le meilleur moyen pour qu’ils donnent sincèrement leur avis en fait. De leur dire qu’ils ont le droit (rires) ! Ce que je veux dire c’est que maintenant j’attends le bon moment pour solliciter les avis. Et les gens savent que lorsque je leur demande c’est le bon moment pour donner leur avis. Sinon il y a toujours des gens qui te donner leur avis à tort et à travers en plein processus créatif et ça, ça peut être castrateur. Donc maintenant c’est moi qui décide quand le débat est ouvert. Je dis : « Voilà , j’en suis là , j’ai besoin d’aide. »
Tu as sollicité beaucoup d’avis pour ce disque ?
Oui, beaucoup, et toujours auprès de la même personne, Thierry Planel qui est mon ami et qui m’a découvert quand j’étais jeune, et puis aussi, au coup par coup, j’ai sollicité ma fille (qu’il a eu en 2003 avec Chiara Mastroianni – nda) et quelques amis. Mais sinon pendant longtemps tout le monde se demande ce que je fabrique parce que je fais pas écouter une note.
Tu attends que ce soit assez satisfaisant ?
Oui, pour moi. Alors je me dis que ça doit être presque écoutable pour les autres.
Quelle est la chose artistique que tu n’as pas encore réalisée et qui te tient à cœur ?
Dans l’absolu, un film musical.
Un « film musical » ?
Le mot de « comédie musicale » me fait chier donc ouais, une « tragédie musicale », avec des ruptures peut-être chantées ou pas, mais un film comme ça c’est vraiment quelque chose qui m’intéresse. Par exemple, j’aime beaucoup certains films de Mike Figgis (notamment connu pour Leaving Las Vegas, sorti en 1995 – nda), qui est aussi musicien, parce que je peux sentir que la musique était directement sur le plateau. Y’a plein de films où on sent que la musique était là depuis le début et ça c’est toujours très intéressant je trouve.
Et est-ce qu’il y a des collaborations artistiques qui continuent à te faire envie ?
Bah Julian Casablancas.
Ça ne m’étonne pas que tu me parles de lui parce que dans plusieurs de tes nouveaux morceaux j’ai senti un feeling proche des Strokes.
J’ai toujours follement aimé les Strokes mais j’aime aussi vraiment The Voids (l’autre groupe de Casablancas – nda). J’aime ce qu’il fait lui, même ses textes. Je trouve vraiment que c’est un artiste majeur. Vocalement, ça me semble évident qu’il est très au-dessus du lot, il chante comme Jim Morrison, mais c’est aussi un grand concepteur. On voit bien que c’est plus que quelqu’un qui se contente de grattouiller et de faire le beau derrière un micro.
Tu penses que c’est un stratège qui a une forte vision artistique ?
Ouais, j’aimerais bien aller en studio avec lui !
Et avec quelle personne, réelle ou fictive, vivante ou morte, aimerais-tu dîner ?
Ah bah ce serait Guevara, un asado avec lui (un petit barbecue argentin – nda) avec lui et voilà , il me donnerait des conseils. J’aimerais bien. Je te dis Guevara mais j’aurais aussi pu répondre François Mitterrand, André Malraux ou Napoléon III, quelqu’un comme ça.
Des gens de pouvoirs. Qui ont fait de grandes choses.
Qui ont fait des grandes choses et qui ont du recul.
