AV : JE T’AIME, MOI NON PLUS

7 février 2012. 21h. Pop In, bar rock du 11e arrondissement de la capitale. Un froid glaciaire. Dans quelques heures, la température adoucie, il neigera. Les gens qui seront là seront vraiment une preuve d’amour, me dis-je, frigorifié on my way, et je le dis à au moment où je le pense à Eugénie car je la trouve – bise / bise – clopant devant le lieu en mode woman vs. wild. Eugénie, la belle bassiste d’AV, avec sa belle nuque dégradée. Dans une heure elle sera sur scène avec Adrien. A l’intérieur Pierre me fait signe d’entrer, tout sourire. Bière time !

Guy talk : y’a comme un « Je t’aime émoi et moi » dans l’air. C’est que le mec, comment dire, nous agace gentiment. Oui, c’est ça, je crois qu’on se dit plus ou moins qu’il est un peu tout ce qu’on n’est pas. Plus jeune, plus mignon, plus entouré, il nous met à l’amande dans nos démarches respectives, nos percées… de vie d’artiste ah ah ! Chez lui tout est en place : le genre (« Chanson française / Expérimental / New Wave »), le groupe, l’image, le logo, l’agent, les parrains rock, la biographie (« AV par Pierre Mikaïloff »). Ce qu’elle dit ?

« Si c’était un film / Ce serait Inferno / De Dario Argento / Si c’était une chanson / « Jukebox Babe » D’Alan Vega / Si c’était une figure géométrique / Oui, sûrement un « Rectangle » / Si c’était un synthé / Un Mini-Moog enrubanné de chatterton / Vous avez dit Chatterton ? / Si c’était une guitare / Celle de Bevilacqua / Christophe, de son prénom / Si ce n’était pas AV / Ce serait un peu tout cela à la fois » Qu’avec ses amis il forme « la nouvelle Armée de la nuit, comme disait Daniel Darc ». Tout ça à 25 piges avec juste 5 morceaux en stock. Allumeur !

D’ailleurs c’est lui qu’est venu à moi. Il avait aimé mon texte sur Sonic Sat’. C’est comme ça qu’il avait découvert mon site. Parce qu’il connait aussi Pierre Dubost. Il avait alors commencé à laisser des commentaires à chacune de mes publications. Par ces commentaires friendly, genre je tapine l’air de rien, gosse beau à la Joe Dallessandro dans Trash, je savais qu’il avait entamé la danse du serpent, qu’il voulait subir le même traitement que Pierre, « en » être (de Parlhot ou de Gonzai, où je publie aussi). Et ça me faisait, ouais ça me faisait presque chier.

J’ignorais s’il en serait digne mais par ses goûts, ses réflexions, je sentais qu’il l’était déjà. Son piège se refermait, j’allais y passer. Or, chaque fois, c’est tellement de temps, d’énergie – de s’ouvrir au type, de se laisser traverser et d’écrire – que j’évite. Noli me tangere. Alors pensez, un ptit jeune ! Mais j’ai dû me rendre à l’évidence : « Here comes a new challenger ». Le Viot, je crois qu’il n’a même pas eu besoin de me demander d’aller l’écouter sur Noomiz, j’y suis allé tout seul, curieux de savoir à qui j’avais à faire. Y’a pas à dire : bien joué gars !

Ouais, ses morceaux sont bien, vicieux, catchy. Bon goût d’amoureux solitaire. De macadam cimetière. De soufflette d’ « Ashes to Ashes » et de Tricky kid dans le visage. « Pigalle pop » avais-je linké sur mon mur après les piqûres de « Plan C » et « Venus Bar ». Il n’a pas peur des clichés, il y va, « rêve d’un bar où ressuscite / Des chanteurs morts qui nous habitent / Aux lunettes noires pour une nuit blanche / Aux guitares noires que l’on rebranche » et ça le fait. Et son « Autostrada », wah ! « Biolay serre les seufs, j’avais dit. Continue comme ça, allez… »

Ouais, un mec énervant cet AV, parce qu’il est doué et qu’il sait se vendre sans être un vendu. A 38 ans, Pierre a beaucoup plus d’expérience, de morceaux finis, même un EP (autoprod), mais ça s’agite moins autour de lui. Idem pour l’ami Basile, qui nous rejoindra plus tard : du même âge qu’Adrien, il est au moins aussi talentueux, il a près de 20 morceaux qui déboitent pour son projet Peter P où il fait tout tout seul (il écrit même de super nouvelles), mais pour le reste – là où l’autre ne marche plus, il avance – Peter P galère à mettre un pied devant l’autre.

Ouais, il n’est pas seul AV, il avance en bande organisée. Même sa copine fait de la musique. D’ailleurs ce soir c’est son groupe That Obscur Object Of Desire (TOOOD) qui ouvre pour lui. Un duo mixte. Elle (Astrid Karoual), aka Penny, au texte-chant. Lui, Laurent Morelli, aka Spil, aux machines. Je les ai vus récemment à l’Abracadabar. Ils font une sorte de trip hop stylé « Glory Box ». Elle présente bien (purée tous les deux ils pourraient poser pour The Kooples), chante bien, pose un peu trop (cette obsession des icônes et de l’anglais), mais c’est pas mal.

Ouais, vraiment, de quoi être jaloux. De son mordant, son côté toy boy, bankable, conquérant. Il peut rentrer dans une cas(t)e avec sa jeunesse et son coeur-dents de chansons en bouche. Une voiture l’attend au chaud, quelque part, dans l’industrie. Il mettra les mains sur le volant. Insert coin. Et flashera. J’en suis sûr. Car le bolide se dessine déjà avec 5 morceaux. Sent-il monter la pression ? Aborde-t-il ça comme une compétition ? Il drague, déterminé, passionné, actionne des leviers, mais garde la tête froide. Working. Classe. Va, AV, je ne te hais point.

(INTERVIEW.)

 Crédit photo : Eva Davier

11 réponses
  1. romain
    romain dit :

    Hello Sylvain,
    article très personnel !
    cela donne envie de découvrir le garçon.
    well done
    Romain

  2. isatagada
    isatagada dit :

    Ahah excellent. Tu as tout bon. Cette insolence de la jeunesse conquérante, celle qui a tout bon déjà, c’est Vrai qu’il est énerVant l’aV(orton) 🙂 Bien vu. Et beau texte.

  3. danieldubois
    danieldubois dit :

    C’est dommage de pas mettre de lien pour qu’on puisse aller écouter.. parce que chercher « AV » sur google, merci la galère! 😉

  4. sylvain
    sylvain dit :

    Attends Daniel, j’ai truffé le texte de liens pour palier à ça. Si tu cliques sur son nom ou sur Noomiz dans le texte, hop, ça te dirige où il faut pour écouter ça !

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