TRICKY “MIXED RACE”
26 aoĂ»t 2010. 13h00. HĂŽtel Amour, Paris 18e. Comme dâhabâ, tranquille sur un canapâ, Tricky a de quoi sâen rouler quelques-uns pour accompagner ses face-Ă -face promo avec les journalistes. Il vient de sortir Mixed Race, son album 9e album solo. Un disque que je qualifierais de me figue mi raisin. A lâĂ©poque dans Trois Couleurs, comme tout le monde avait plutĂŽt tendance Ă le descendre en flĂšche jâavais tirĂ© sur le cĂŽtĂ© figue, louant son « retour Ă la productivitĂ© dare-dare de ses dĂ©buts solo inaugurĂ©s en 1995 avec lâinusable Maxinquaye » et dĂ©crivant cet album « le plus short â 10 titres, 30 minutes â et uptempo de sa carriĂšre  » comme un « florilĂšge de ritournelles lignes claires aussi teigneuses quâinfectieuses » qui, « du blues harmonica aux lĂšvres Ă la bombinette Ă©lectro-funk, de la complainte raĂŻ au rouleau surf-rock, du kick disco-house au reggae made in JamaĂŻca, emboĂźte les genres et dĂ©boĂźte sa mĂšre ». Aujourdâhui, sans me contredire, je serai plutĂŽt de lâavis de Christophe, qui me disait que ce disque « nâest pas inintĂ©ressant » mais quâ« il est pas au niveau, surtout vu les gros moyens qu’ont ces mecs, en plus d’avoir la culture du son. »
Ce jour-lĂ , officiellement, je suis pas lĂ pour parler de ça. Je suis lĂ pour le trimestriel Vivre Paris. Je leur ai vendu une pige pour leur rubrique « DrĂŽle dâendroit pour une rencontre ». LâidĂ©e ? Emmener lâartiste dans un lieu parisien « dĂ©calé » qui lui tient Ă cĆur et le faire parler de ça. Par exemple dans leur prĂ©cĂ©dent numĂ©ro ils avaient emmenĂ© Philippe ManĆuvre devant la maison de Gainsbourg, 5 bis rue de Verneuil, et voilĂ , le Philman avait pu lĂąchĂ© le moulin Ă anecdotes « jây Ă©tais, etc. ». Bref, un truc de ce genre pourrait tout a fait se faire avec le Tricky kid vu que ça fait plus de deux ans quâil vit dans notre so called « belle capitale », mais non lâattachĂ© de presse mâa dit quâon nâaurait pas le temps de lâemmener en vagabondage. On va donc rester dans cette chambre dâhĂŽtel. Mais bon, ça me dĂ©range pas outre mesure. Mon idĂ©e ? Mâacquitter dĂšs que possible de ma commande pour parler au max de musique avec Tricky. Lever le voile sur l’artiste, traditionnellement perçu comme “l’inventeur du trip hop”, en Ă©voquant son impasse artistique et son besoin de 109.
« comme un scientifique qui cherche le remÚde à son mal »
Bonjour Tricky. Ăa fait maintenant plus de deux ans que tu habites Ă Paris. Quâest-ce qui t’a initialement motivĂ© Ă venir t’installer ici ? Est-ce liĂ© Ă la rĂ©sidence que le 104 t’avait proposé ?
Non, Ă la base jây suis juste allĂ© pour prendre du bon temps avec trois potes de L.A. Et voilĂ , jâai aimĂ© cette ville. CâĂ©tait la premiĂšre fois que je passais autant de temps Ă Paris. Avant ça je nây Ă©tais allĂ© que le temps dâun week-end ou dâune journĂ©e pour promouvoir la sortie dâun disque. Je nây avais jamais passĂ© 4 semaines dâun coup.
Cette nouvelle vie Ă Paris te plaĂźt-elle ?
Oui, Paris est une ville bien plus agrĂ©able Ă vivre que L.A. LĂ -bas tout est trop speed. L.A. nâest quâune grande et grosse fĂȘte qui ne sâarrĂȘte jamais. Surtout si tu bosses dans lâindustrie du disque. Ta vie sociale se rĂ©sume Ă faire du shopping, manger au resto ou aller en boĂźte. Les gens ne se rencontrent pas autrement. Tu ne les vois jamais marcher en ville, ils sont soit dans leurs voitures soit dans les magasins. Tu finis par trouver ça chiant Ă mourir. A Paris ce nâest pas le cas. A Paris, ça marche partout, tout le temps. Jâaime ça. Non pas que je cherche Ă tout prix Ă interpeller les gens dans la rue, mais au moins jâai des gens Ă regarder. Ce que jâaime surtout Ă Paris, de jour comme de nuit, câest la vie de bistro qui fait dire aux gens : « Allons prendre un verre ! » et tac, ils restent deux heures en terrasse Ă parler en regardant la vie qui passe. Il nây a plus ça Ă Londres. La ville nâest plus quâun immense Starbucks oĂč les gens prennent leur cafĂ© en marchant.
Mais pourquoi habitais-tu donc Ă Los Angeles si tu ne t’y plaisais pas ?
Je nây Ă©tais pas par choix. Jây allais pour travailler quand jâhabitais Ă New York. JâĂ©tais lĂ -bas quand le 11 septembre est arrivĂ© et comme New York Ă©tait alors devenu frappĂ© par la folie, un lieu totalement invivable, je suis restĂ© Ă L.A.
La frustration du style de vie de L.A. nâa pas Ă©tĂ© un bon moteur de crĂ©ation ?
Non, non, ça nâavait rien dâinspirant, jâĂ©tais juste bloquĂ© lĂ -bas.
Dirais-tu que Paris te fournit un environnement plus propice ?
Tout le monde peut crĂ©er oĂč quâil soit.
Oui, mais parfois certaines atmosphĂšres sont plus favorables que dâautresâŠ
Non, non, tout ça câest des conneries dâartistes ! Moi je peux faire un album oĂč que je sois. Je peux aller en Alaska et faire un album.
En mĂȘme temps, tu sembles pas mal crĂ©er par le biais de collaborations. De ce point de vue, vivre dans une ville qui facilite les rencontres peut sâavĂ©rer utileâŠ
Oui, mais en fait Ă chaque fois que je fais un disque je ne rencontre pas vraiment la moitiĂ© des gens avec qui jâai bossĂ©. Tout ça se fait souvent par mail.
Tu nâas donc pas rĂ©ellement rencontrĂ© Hakim Hamadouche, le guitariste de Rachid Taha qui a co-Ă©crit et chantĂ© le morceau “Hakim” sur ton nouveau disque ?
Si, mais câest la seule personne que jâai rĂ©ellement rencontrĂ©e pour ce disque. Tu sais, je peux rencontrer des gens partout. Je nâai pas besoin dâun ingĂ©nieur du son parisien pour enregistrer, comme je nâai pas besoin de lâĂ©nergie de Londres pour composer, ni de celle de L.A., de New York ou de Paris. Sur ce point tu fais donc fausse route.
Ok, ok ! Parlons donc de Mixed Race. Pourquoi avoir choisi de sortir un nouveau disque deux ans Ă peine aprĂšs Knowle West Boy ?
Maintenant quâil y a ces histoires de tĂ©lĂ©chargement illĂ©gal et tout le tralala, tu passes souvent deux ans Ă assurer la promotion dâun nouvel album et Ă le dĂ©fendre sur scĂšne. A mes dĂ©buts, ce nâĂ©tait pas comme ça. Ces derniĂšres annĂ©es lâindustrie sâest empĂątĂ©e. Je trouve ennuyeux de rĂ©pondre aux mĂȘmes questions et de jouer les mĂȘmes morceaux durant tout ce temps ; ça te force Ă regarder en arriĂšre. Moi je veux aller de lâavant.
Et ressortir un album tous les ans, voire tous les deux ans ?
Oui, les albums font leur vie, et tant mieux sâils se vendent, mais moi ce qui mâimporte câest de toujours laisser ça derriĂšre moi pour dĂ©marrer une nouvelle annĂ©e avec un nouvel album et une nouvelle tournĂ©e. La premiĂšre fois que jâai signĂ© chez Island, ça marchait comme ça. Jâai voulu revenir à ça.
Une des premiĂšre chose qui frappe à lâĂ©coute de Mixed Race, câest sa briĂšveté : Ă peine 30 minutes pour 10 chansons. Etait-ce voulu ?
Non, jâen ai vraiment pris conscience quand jâai commencĂ© Ă rencontrer les journalistes. On nâarrĂȘtait pas de me faire remarquer que ce disque Ă©tait trĂšs court. Je nâavais pas fait gaffe. Pour moi il avait juste un dĂ©but et une fin. Quand tu fais un morceau tu te demandes juste si tu lâaimes ou pas. Si tu lâaimes tu le mets, si non tu le jettes.
Tu as beaucoup jeté ?
Oui, parce que parfois jâĂ©cris des morceaux qui ne marchent pas et si ça ne vient pas tout de suite, je ne vais pas forcer le truc. Par contre, deux ans aprĂšs il mâarrive de réécouter le truc et dâavoir le dĂ©clic. Mais voilĂ , cette fois ça a donnĂ© ça. Câest ce que jâavais Ă dire.
Dans le communiquĂ© de presse du disque, tu dĂ©cris le disque comme « une sorte dâalbum de gangster ». Pourquoi « une sorte de » ?
Parce que je ne peux pas dire que jâen sois un. Je connais de vrais gangsters. Jâai grandi dans ce milieu, celui du crime organisĂ©. Ces gars ne font que ça toute leur vie⊠Trois membres de ma famille ont Ă©tĂ© tuĂ©s. La semaine derniĂšre jâai vu un ami, il a 78 ans et il a fait 15 ans de taule. Jâai des amis Ă Moscou et Ă Londres qui furent de vrais gangsters et leur vie ne fait vraiment pas envie. Certains se sont fait flinguer, dâautres poignarder, et ceux qui sont encore vivants ne font jamais dos Ă une porte. Je pense donc que les gens qui ont vraiment vĂ©cu ce genre de vie nâen feraient pas lâĂ©loge. Je peux en parler un peu car jâai Ă©tĂ© tĂ©moin de ce genre de choses mais ce serait abuser si je disais que jâĂ©tais un gangster. Et quel intĂ©rĂȘt aurais-je Ă me faire passer pour un gangster ?
Je ne sais pas. Je pense que certains rappeurs se la jouent gangster car cette mythologie fait vendre, ou parce quâils souffrent dâun problĂšme de racines, dâidentitĂ©âŠ
Oui, câest pour ça que jâaime beaucoup un rappeur comme Seyfu. Les rappeurs sont souvent influencĂ©s par le gangsta rap US et certains le sont tellement quâils y perdent toute crĂ©dibilitĂ©. MĂȘme les rappeurs amĂ©ricains. Ce rap est devenu si surfait Ă force de ne parler que de nanas et de diamants, que tous ceux qui sây frottent perdent leur identitĂ©. Mais pas Seyfu. Il arrive Ă sâen nourrir tout en ayant sa propre vibe, trĂšs française dans son flow, et sans jamais jouer au mec plein aux as entourĂ© de nanas. Câest rare. Pour moi il est plus que le meilleur rappeur de France. Il est juste le meilleur rappeur actuel. Toutes ces histoires de gangsta rap, je ne pense pas que ce soit des valeurs Ă transmettre⊠Moi je me dis que si je mâen faisais lâĂ©tendard, ça pourrait finir par vraiment arriver dans ma vie et ce ne serait pas drĂŽle. Je me contente donc de faire un morceau comme Ghetto Stars, que je dĂ©finis comme ma vision de ce que pourrait ĂȘtre le gangsta rap anglais.
Dâun autre cĂŽtĂ© tu tâautorises volontiers Ă montrer que tu es un « dur », un « bad boy ». Par exemple dans le clip de “Murder Weapon”, le premier single de Mixed Race, tu te complais pas mal dans lâimage du boxeur chaud comme la braise, du petit mec nerveux quâil faut pas chercher sinon ça dĂ©rape en moins de deuxâŠ
Non, câest juste que jâadore la boxe. Jâaurais tellement aimĂ© ĂȘtre un champion de boxe. Chez moi la boxe est presque une tradition familiale. Mes oncles Ă©taient boxeurs pros. Mais moi je ne suis quâun amateur. Ce clip a dâailleurs Ă©tĂ© tournĂ© Ă lâendroit oĂč je boxe depuis un an. Câest un club situĂ© Ă Villiers, un trĂšs bon club avec des gens super. En tant que musicien, durant les tournĂ©es je bois et je fume pas mal. La boxe me maintient en forme.
Comment en es-tu venu Ă Ă©crire “Time to Dance”, le premier titre disco de ta carriĂšre ?
Câest parti dâun dĂ©lire autour du traditionnel beat qui charpente tout morceau de house music. Ca a commencĂ© comme ça : moi enregistrant tout simplement ce genre de pied de batterie en me disant : « Et si je tentais de construire tout un morceau autour de ça ? » Jâai donc construit un morceau autour de ça pour voir ce que ça donnerait.
En Ă©coutant le disque jâai eu le sentiment que son cĆur rĂ©sidait dans lâenchaĂźnement des plages 4 et 5. Car quelque chose de trĂšs fort et mĂ©lancolique transite entre les sĂ©quences de violons Ă©thĂ©rĂ©s de “Ghetto Stars” et la guitare raĂŻ diaphane de “Hakim”. Dâailleurs dâoĂč viennent les violons de “Ghetto Stars” ? Jâai lâimpression quâils tirent leur impact Ă©motionnel dâavoir Ă©tĂ© calquĂ©s sur quelque vieil air cinĂ©matographique connu. Quelque chose issu de lâinconscient collectif. Est-ce un sample ?
Non, câest juste moi qui joue deux notes de synthé ! Ăa gĂ©nĂšre de lâĂ©motion parce quâil y a de la tension dans ces deux notes⊠Sinon moi mon titre prĂ©fĂ©rĂ© de lâalbum câest “Every Day,” le titre dâouverture, Ă cause des paroles. Ăa parle dâessayer de maintenir de la spiritualitĂ© dans la musique parce que nous sommes tous des crĂ©atures spirituelles, des sortes dâĂȘtres suprĂȘmes.  On a tous une certaine Ă©nergie, qui fait quâon est libre et que certaines choses ne peuvent pas ĂȘtre expliquĂ©es. Jâessaie de mettre toute la magie de cette vie dans la musique. Pour moi ce morceau est donc la clĂ© de voĂ»te de lâalbum. Sa porte dâentrĂ©e.
Cet album dĂ©tonne par rapport Ă tout ce que tu as dĂ©jĂ fait. On est assez loin de lâimage que les gens se font encore de ton univers musical, quâon qualifie souvent de « sombre », « torturé », « trip hop ». SonoritĂ©s raĂŻ, reggae, jazz, dance, Ă©lectro : ici ça part dans tous les sens, dans des morceaux plutĂŽt « lignes claires », en plus dâĂȘtre courts. Comment ces nouvelles sonoritĂ©s se sont-elles introduites dans ta musique ?
Câest juste quâen grandissant tu tâouvres Ă de nouvelles choses. Je suis un artiste expĂ©rimental. Si les gens semblent toujours embĂȘtĂ©s pour dĂ©finir ma musique, voire déçus Ă chaque nouveau disque, câest parce que je nâarrĂȘte pas de changer de direction et quâils nâont toujours pas saisi ça. Hier un ami me montrait les commentaires que des gens avaient laissĂ© Ă propos de Knowle West Boy sur YouTube. Ils disaient quâils nâaimaient pas le disque. VoilĂ , et il y aura toujours des gens pour dire que câĂ©tait mieux avant parce que je trouve que peu de gens se renouvĂšlent autant. Les gens ont juste un problĂšme avec le changement. Mais si jâexpĂ©rimente, ce nâest pas pour passer pour le mec qui reste « crĂ©atif » comme on dit. Parce quâavec des outils du genre de YouTube, aujourdâhui tout le monde est crĂ©atif. Non, tout ce que je fais je le fais pour moi. Jâai besoin dâessayer de faire Ă chaque fois quelque chose que je nâai jamais entendu.
Câest Ă©trange car jâai le sentiment que beaucoup de gens ne te voient pas comme un vĂ©ritable compositeur, je veux dire un mec continuellement obsĂ©dĂ© par la musiqueâŠ
La musique câest ma vie. Je la vis, câest pourquoi jâen fais. Si ça ne tâobsĂšde pas, je ne vois pas trop lâintĂ©rĂȘt dâen faire. Ce doit ĂȘtre une obsession. Sinon Ă quoi bon toutes ces tournĂ©es, ces albums ?
Certains nâont pas ce feu sacrĂ© et ça ne les arrĂȘte pasâŠ
Oui, certains ont atteint un certain statut grĂące Ă leur musique, un traitement de faveur, ils sont devenus cĂ©lĂšbres et semblent sâen satisfaire. Moi je ne fais pas ça pour ĂȘtre cĂ©lĂšbre, je le fais pour mâexprimer. Je suis comme un scientifique qui cherche le remĂšde Ă son propre mal en espĂ©rant que ses travaux seront valables pour dâautres. Câest ce qui me motive Ă faire de la musique. Et la cĂ©lĂ©britĂ© est une partie du prix Ă payer lorsquâon fait ça.
Mais ta cĂ©lĂ©britĂ© est toute relative : tu pourrais lâĂȘtre bien plus.
Oui, et ce serait pire.
Dirais-tu que tu as choisi de ne pas ĂȘtre trop cĂ©lĂšbre ?
Oui, jâessaye de ne pas dĂ©passer un seuil de cĂ©lĂ©britĂ© que je ne pourrais pas supporter. Si je peux garder ce seuil de cĂ©lĂ©britĂ© tel quâil est actuellement, câest bon, ça me va.
Ce dĂ©sagrĂ©ment de la cĂ©lĂ©britĂ©, nâest-ce pas le sujet de “Really Real”, que tu chantes avec Bobby Gillespie de Primal Scream ?
Oui, et Bobby est le contraire de tout ça. Câest quelquâun de normal, trĂšs simple. Et jâimagine que ça nâa pas toujours dĂ» ĂȘtre facile pour lui de garder les pieds sur terre car il vient dâun trĂšs grand groupe, quâil a connu la drogue, vĂ©cu des trucs fous⊠Parfois ĂȘtre artiste câest comme vivre derriĂšre une vitrine : tout le monde te regarde et attend de voir ce que tu vas faire. Partant de lĂ câest dur de trouver la paix.
Mais nâest-ce pas parfois stimulant ? Nâest-ce pas comme se retrouver dans la position du boxeur sur le ring qui se transcende car tout le monde veut voir ce quâil a dans le bide ?
Non, ce nâest pas bon de se nourrir de lâĂ©nergie que tâinspire ce genre dâennemi. Je ne tire aucune Ă©nergie de ça.
Dans le communiquĂ© de presse de Mixed Race, tu dis que tu te sens prĂȘt Ă retravailler avec Massive Attack. Pourquoi ça ?
Ils me lâont proposĂ©. Jâai dit oui. Et ils sont allĂ©s direct colporter ça Ă la presse alors que pour lâinstant on nâa rien fait, on en a juste parlĂ©. Daddy G est une vraie pipelette. En plus ce nâest mĂȘme pas avec lui que jâen ai discutĂ©, câest avec 3D. Si on veut refaire un album ensemble faisons-le, allons en studio, je suis prĂȘt.
Tu penses que, pour eux comme pour toi, ce serait le bon moment ?
Oui, ce serait un sacrĂ© challenge et je suis prĂȘt Ă le relever mais jâai envie de leur dire : « Les gars, arrĂȘtons dâen parler et faisons-le ! » ça fait 7 mois que je leur ai dit que jâĂ©tais chaud, 7 mois que la rumeur enfle Ă cause de Daddy G, 7 mois quâon a toujours rien fait et voilĂ moi je me connais, lâenvie mâest dĂ©jĂ un peu passĂ©e. Je suis lassĂ© de tout ce blabla et si ça continue je ne vais bientĂŽt plus du tout avoir envie de le faire. Jâen suis arrivĂ© Ă un point oĂč ça ne me dit plus trop et câest dommage car lorsque 3D mâen a parlĂ© jâĂ©tais excitĂ© comme une puce.
Quâas-tu pensĂ© dâHeligoland, leur dernier album ?
Pour tout te dire je nâaime plus ce quâils font depuis Blue Lines.
Depuis Blue Lines, leur premier album ?!
Oui, depuis leur premier album⊠Je ne sais pas, je ne suis pas comme eux, mais ce quâils font maintenant nâa plus rien Ă voir avec ce quâon faisait quand on Ă©tait jeunes. Avant on faisait une musique de la rue. Maintenant chaque personne avec laquelle ils collaborent est quelquâun de connu, une star, un nom de marque. Moi je continue de faire appel Ă des artistes inconnusâŠ
Il tâarrive aussi de bosser avec des artistes connus, ce que tu avais fait sur BlowbackâŠ
Oui, mais jâen choisis aussi beaucoup qui ne sont pas connus, qui sont toujours au contact de la rue et qui, comme moi, ne tiennent pas trop Ă ĂȘtre cĂ©lĂšbres. Or pour moi, en un sens, ça fait des lustres que Massive Attack est devenu un groupe qui fait de la musique pour passer en radio et rentrer dans les chartsâŠ
Disons que Massive Attack est devenu une marque adoubĂ©e par lâindustrie du disqueâŠ
Oui, et moi je ne suis pas un artiste pop, ce serait donc bon pour eux comme pour moi quâon se remette Ă bosser ensemble ! Ils seraient peut-ĂȘtre capables de mâemmener lĂ oĂč je ne peux pas aller moi-mĂȘme et je serais peut-ĂȘtre capable de les emmener lĂ oĂč ils ne peuvent pas aller. Câest pour ça que jâaimerais que ça se fasse. Et câest pour ça que je nâaime pas le bavardage de ces derniers mois. Le lendemain de leur proposition, je me souviens leur avoir dit : « Jâai un nouvel album Ă promouvoir et vous aussi. Prenons deux semaines de-ci de-lĂ et tac ! ». Je me disais quâen faisant ça on aurait pu finir le disque pour NoĂ«l et commencer 2011 avec une surprise pour les gens. Maintenant la surprise est gĂąchĂ©e et lâalbum repoussĂ© Ă lâannĂ©e prochaine parce quâon a toujours rien fait, ça me saoule.
Y a-t-il dâautres artistes connus avec qui tu souhaiterais collaborer ?
Hum, jâaimerais travailler avec Kate Bush, Shaun Ryder, des artistes jamaĂŻcains et tout un tas dâautres gens. Mais oui, Kate Bush jâaimerais beaucoup.
Tu as essayĂ© dâentrer en contact avec elle ?
Non, parce que je me dis que si ça doit se faire, ça se fera naturellement. Les artistes sont des gens trĂšs occupĂ©s, pour les contacter tu dois passer par leur manager et blablabla. Moi je ne veux pas en passer par lĂ , je veux pouvoir mâentretenir directement avec lâartiste. Ca peut donc prendre des mois. Mais si je rencontre la personne, on rĂ©serve un studio et go !
En 1998, Massive Attack avait dit vouloir remixer Ok Computer. Ce projet pharaonique ne se fit pas, trop occupĂ©s quâils Ă©taient Ă finir Mezzanine, mais il souligne si besoin Ă©tait que le courant passait entre Massive Attack et Radiohead. Les as-tu dĂ©jĂ rencontrĂ©s ?
Oui, je les ai rencontrĂ© Ă cette Ă©poque. Un jour 3D est venu me voir en me disant que les gars de Radiohead souhaitaient me rencontrer. Ils mâont dit que pendant quâils enregistraient leur disque ils avaient Ă©coutĂ© un des mes morceaux en boucle, que ça les avait inspirĂ©. CâĂ©tait un super compliment.
Aimes-tu ce quâils font et voudrais-tu travailler avec leur leader, Thom Yorke ?
Ils ont fait de bonnes chansons mais non, ça ne mâest jamais venu Ă lâidĂ©e de travailler avec lui. Si un jour on se rencontre, que je mâaperçois quâil est cool et que le courant passe entre nous, oui, pourquoi pas, mais ce nâest pas quelque chose que jâai en tĂȘte.
Sur la table qui nous sĂ©pare se trouve un livre sur Gainsbourg. Câest marrant parce que jâai souvent pensĂ© Ă lui en pensant Ă toi. Comme lui tu as une tronche, comme lui tu te plais Ă faire chanter tes textes par de belles femmes, comme lui tu fumes beaucoup et comme lui tu as ce cĂŽtĂ© animal, cette voix grave qui parleâŠ
On est tous un peu des enfants perdus, mais chez certaines personnes ça se voit comme le nez au milieu de la figure, tellement quâils en font quelque chose de manifeste. Je pense que lui et moi on nâa pas de point commun si ce nâest celui-lĂ Â : on est tous deux des Ăąmes fĂȘlĂ©es, des gueules cassĂ©es et on voit ça en face, on montre quâon nâest pas parfait. VoilĂ . AprĂšs Je ne connais pas vraiment sa musique mais jâai entendu quelques histoires sur lui, notamment son rapport Ă lâalcool⊠Je pense quâon fait partie de ces gens qui vivent leurs vies Ă fondâŠ
Qui inventent leurs vies ?
Oui, en la prenant à bras le corps, en faisant des erreurs⊠La plupart du temps quand les gens font des erreurs, ça reste privé, mais nous on peut nous voir faire des erreurs.
Quand jâai dĂ©couvert le titre de ton nouvel album, je nâai pas pu mâempĂȘcher dây voir un Ă©cho avec le titre de ton quatriĂšme album, Angels With Dirty Faces. Dirais-tu quâils expriment la mĂȘme idĂ©e ?
Non, parce quâAngels With Dirty Faces Ă©tait un titre tirĂ© dâun vieux film de gangsters oĂč joue Humphrey Bogart. Ca parle de gosses qui Ă©voluent dans un environnement difficile et qui sont donc obligĂ©s de faire de sales coups pour survivre. Ma mĂšre me disait toujours que « tout bon soldat doit parfois savoir se salir les mains ». VoilĂ , câest ça. Mixed Race a plus Ă voir avec la question du mĂ©lange des races. On est en 2010 et tout ça suit son cours car on vit plutĂŽt dans une Ă©poque de mĂ©tissage interculturel, et rien ne peut vraiment arrĂȘter le mĂ©langeâŠ
Excuse-moi de te couper, mais dans quel arrondissement de Paris tâes-tu installĂ© ?
Dans le 18e, rue La Chapelle.
Trouves-tu que les gens sây mĂ©langent plus quâailleurs ?
Non, rien de neuf. Ici ce nâest pas vraiment mĂ©langĂ©. Il y a beaucoup de gens diffĂ©rents mais ils ne se mĂ©langent pas vraiment. Ăa pourrait ĂȘtre un vrai mĂ©lange, mais ça ne lâest pas.
Câest dĂ©jĂ mieux que dans dâautres arrondissements de Paris !
Oui, mais en mĂȘme temps chacun garde sa culture.
Tu souhaitais quand mĂȘme tâinstaller dans un quartier oĂč il y ait une certaine mixitĂ©âŠ
Non, non, câest juste lâendroit oĂč je vis !
En mĂȘme temps si tu as choisi de vivre dans ce quartier plutĂŽt quâun autre câest que tu devais aimer lâatmosphĂšre qui y rĂšgneâŠ
Non, non, non, ne me dis pas ce que tu crois que je pense ! Maintenant Ă©coute-moi : je nâen ai rien Ă foutre de ces histoires de mixité ! Je vis juste rue La Chapelle car jâaime lâappartement que jây ai trouvĂ©. Je pourrais tout aussi bien vivre aux Champs ElysĂ©es.
Ah bon ?
Oui, pas de problĂšme.
Ce nâest quand mĂȘme pas la mĂȘme chose ! Mais bref, une derniĂšre question ?
Je tâĂ©coute.
Un jour dans une interview tu as dĂ©clarĂ© que toi et Portishead ne puisiez pas dans la mĂȘme noirceur. Pourtant au dĂ©but de vos carriĂšres vous avez tous deux samplĂ© Isaac Hayes, eux sur “Glory Box”, toi sur “Hell is Around The Corner”. Que voulais-tu donc dire par lĂ Â ?
Jâai eu une vie difficile, pas eux. Et moi jâai toujours fait une musique directement connectĂ©e Ă ce que je vivais. Ce nâest pas le cas de Geoff. Il fait du hip hop, pas vrai ? Mais il nâa jamais Ă©tĂ© rappeur, ni b-boy, ni breakdancer, câest juste un enfant de la classe moyenne de Portishead. Je pense que câest un bon producteur, un mec sympa, mais le problĂšme câest quâil a toujours voulu faire ce que faisait Massive Attack. Il a toujours cherchĂ© Ă ĂȘtre quelquâun dâautre.
Tu y vas fort !
Non, je constate : il a tellement subi lâinfluence de Massive Attack quâil nâa jamais vraiment fait face Ă ce quâil Ă©tait. Sinon pourquoi se serait-il mis au hip hop ? Et je ne dis pas ça parce quâil est blanc. Je connais un jeune type du nom de Bobo, il produit du hip hop, il est blanc et il vit ça. Pareil pour 3D. Câest un Blanc mais il vivait le truc, en graffant, etc. Geoff ne faisait rien de tout ça. Il sâest juste mis Ă vivre le truc par procuration quand il est devenu ingĂ©nieur du son de Massive Attack.
Pour lui câĂ©tait sans doute de lâordre de la stricte aspiration esthĂ©tique, est-ce blĂąmable ?
Non, mais bon⊠Je pense que ça peut sâentendre dans sa musique.
Ok, merci Tricky.
Merci beaucoup à toi. Dis-moi, vas-tu à Rock en Seine ce week-end ?
Oui.
Comptes-tu y interviewer Massive Attack ?
Il est prĂ©vu que jâessaie.
Si tu les vois passe-leur ce message de ma part : je veux bosser avec eux. Maintenant !
L’album est si mignon. MenacĂ© de mort Ă L.A Tricky suivant ces amies qui ont un pied dans l’underground parisien : Viens les français admire les gangster americain . simple : rencontrer en banlieue, fumer, parler d’armes , essayĂ© d’avoir le publiq Sefyu , sortir un morceau “tAHA” faire de la boxe se faire conaitre avec forcing dans les rues de Paris , d’ĂȘtre star europeen non ?
Une sorte d’exil français Ă la Lionel Richie qui vient chez Drucker, tout ça, pour se refaire une santĂ© dans notre beau pays, en mode Radio Nostalgie, alors que chez lui plus personne n’en veut ?
Je trouve que ce site est extra clair et trĂšs sympa
Extra sympa de ta part Noël !
Be my guest.
Sylvain