SUZANNE VEGA : CARAMEL (CLIP)
Ça aura échappé à (presque) tout le monde mais le 3 février dernier Suzanne Vega a sorti un nouvel album, Tales From The Realm Of The Queen Of Pentacles. Ça faisait 7 ans qu’elle n’avait rien sorti. Beauty & Crime, le précédent, n’avait pas fait grand bruit. Et son prédécesseur, Songs in Red and Gray (2001), non plus. En tous cas, pas chez nous. Il faut dire, pour parler beauté et crime, que l’américaine a beaucoup pâtit de son premier tube. Ce tube, vous le connaissez tous, il passe toujours sur des radios comme Nostalgie, RTL et Chérie FM. C’est « Luka ».
« Luka » c’est le genre de chanson qui te tue un auteur-compositeur-interprète. Un truc tellement célèbre, passe-partout, évident, que son créateur disparaît derrière. S’y trouve comme résumé. Encapsulé. Transporté, lacté, hors du temps et des modes.
Ce tube, il figure sur Solitude Standing (1987), le deuxième album de Suzanne. Je n’ai jamais suivi sa carrière. De la même manière que j’ai toujours plus ou moins pensé que « Blue Hotel » figurait sur le premier album de Chris Isaak, comme une apparition parfaite, immaculée, j’ai toujours eu tendance à croire que « Luka » figurait sur son premier album. Mais non, c’est sur le deuxième.
Suzanne vient donc de mon enfance, les années 80. Cette période où tu vis la musique passivement via l’autoradio de la voiture des parents, par exemple. Cette période où, tranquillement lové sur la banquette arrière, le nez collé à la vitre Saint Gobain, tu fredonnes naturellement des paroles en anglais dont tu ne comprends pas un mot. Total yaourt. Sensations pures.
Ainsi, derrière sa mélodie douce-amère, je n’avais pas du tout tilté que « Luka » parlait de violences sur mineur. Et derrière ce morceau folk radio-friendly, je ne découvrirai que tardivement qu’elle a aussi sorti des disques qui lui attirèrent les faveurs du milieu rock indé.
Comme annoncés par la main pan-pan cul-cul de Days of Open Hand (90), ces disques sont 99.9°F (92) et Nine Objects of Desire (96). Considérés comme les albums de sa période « expérimentale », ils marquent le début de sa rencontre et de son idylle avec Michell Froom, producteur, entre autres, de Tasmin Archer, The Bangles, The Corrs, Elvis Costello, Sheryl Crow, Crowded House, Randy Newman, Ron Sexsmith…
Ces disques n’étaient pas véritablement expérimentaux. Troquer la « sèche » pour des sonorités plus physiques, modernes, ça remontait à Mathusalem. Quand Dylan passa à « l’électrique » au Newport Folk Festival de 1965. Mais Suzanne Vega était une femme, « la vierge qui sort du lac pour jouer de la guitare », comme elle le dira à Libé à l’époque de Nine Objects of Desire.
A mesure qu’elle s’épanouissait dans cette relation amoureuse et bénéficiait des talents de celui qui allait devenir son producteur et mari (1995), ses horizons musicaux se sont juste élargi pour aller explorer, au « fur » et à mesure, des voix plus audacieuses, sensuelles, moins (f)rigides.
Le hasard (et les mags rock qui dictaient mes découvertes d’alors) a voulu que dans toute sa disco le seul disque que je m’achète d’elle soit le disque de son « virage », 99.9°F. Il n’y a pas si longtemps d’ailleurs. C’était en occasion, genre 4 €, à la librairie Gilda. Je me rappelais en avoir lu du bien.
Mais je dois dire que ce jour J, dans la boutique, j’ai surtout pensé à la pochette du disque. J’adorais cette image vaguement grunge où on la voit, l’oeil complice lascif et les cheveux en fusion, porter une main à sa bouche. Juste l’index et la majeur. Comme si elle fumait une tige. Tirait une flèche (remember Kate Bush sur le single « Running Up That Hill »). Mais il n’y a ni clopes ni flèches. C’est elle qui rougeoie, allume le brasier intérieur. Et te regarde de là. On dirait Sheryl Crow.
Ce jour-là si j’étais tombé sur Nine Objects of Desire, il y a fort à parier que sans trop savoir ce qu’il contenait je l’aurais aussi acheté. Oui, je serai parti avec, j’aurais eu envie de le posséder, et encore une fois en raison de sa pochette. Suzanne y apparaît encore dans un style complice jouant avec l’auditeur et son sex appeal. Cheveux attachés, frange droite, petit diamant à l’oreille, au doigt, pomme verte (c’est une Granny Smith et granny signifie « grand-mère ») sur son œil gauche (prunelle se dit « apple of the eye » en anglais) : tout y est très smart, rangé.
C’est genre : « Je suis une dame ». On dirait Audrey Hepburn dans Breakfast at Tiffany’s (Diamants sur canapé, en français). Mais en fait, si tu sais lire (et vous avez lu « di-amants », n’est-ce pas ?), elle t’allume en mode coquine, MILF. Du coup on a un peu l’impression d’être en face d’une pub Gleeden, « Le 1er site de rencontres extra-conjugales pensé par des femmes » qui prêche par exemple qu’ « Etre fidèle à deux hommes, c’est être deux fois plus fidèle ».
Sur cet album j’aurais pu déguster le suave « Caramel », et son mood bossa que ne peux pas ne pas connaître quelqu’un comme Keren Ann, qui s’y connaît en beauté, crimes, etc. C’est un des rares morceaux que je connais de so long de Suzanne, comme ça, sans savoir comment ni pourquoi. D’ailleurs je vais vous laisser là-dessus pour cette fois, d’ac ?
A bientôt.
Elle jouera le 5 août prochain au Festival Interceltique de Lorient