Jacques Air Volt : RĂȘvolt (2/3)
Barbe Ă Zappa
Le nouveau JAV ne procĂšde pas autrement. Il prend littĂ©ralement, musicalement, son temps. Je ne sais pas pourquoi, je nâai jamais Ă©coutĂ© Zappa, mais jâai lâimpression quâil y en a lĂ -dedans. Du Zappa dans cette maniĂšre presque jazz/cubiste, dâexplorer/zapper le format chanson tout au long de son disque comme sâil ne faisait quâun seul morceau. Fluide.
Un seul morceau qui vivrait lĂ diffĂ©rentes mutations, plusieurs passages, comme dans une BD on passe de case en case. Comme Little Nemo ou Alice en subduction de Yellow Submarine traversant divers wonderland et versions dâelle-mĂȘme. Oui, un album barrĂ© au sens oĂč il se barre des cases. OĂč il les barre au lieu de les cocher. Garde les bĂȘtes, congĂ©die le cocher.
Mais il sâagit â magie â de deux morceaux rĂ©partis sur deux faces, dans la plus pure tradition â rĂ©inventĂ©e ! â des vinyles des annĂ©es 70. Comme deux ailes, deux hĂ©misphĂšres dâun mĂȘme globe. Et on a lâillusion quâil dure des plombes ce RĂȘvolt ; or non. Seules 37 minutes auront passĂ© dans une alternance vallonnĂ©e de titres courts, longs ou ni lâun ni lâautre. So what ?
RĂȘvolt suspend son envolt. Je ne sais pas si vous avez remarquĂ© mais de nombreux albums de cette pĂ©riode font ça. On Ă©coute les Beatles â Revolver par exemple â les Beach Boys â Pet Sounds par exemple et on dirait que ce sont des Ćuvres fleuves, des Ă©popĂ©es. Mais chaque disque dure respectivement 36 et 35 minutes. Ce serait plutĂŽt pour nous allez des haĂŻkus.
Mais voilĂ , câest quâil sâest passĂ© tellement de choses dans ce court laps de temps, tellement de vie, de vortex, câest comme un enlĂšvement. On a Ă©tĂ© enlevĂ© au temps et lâon atterrit tout brinquebalant comme aprĂšs un phĂ©nomĂšne dâabduction. Tu vois le topo ? Câest ainsi quâil dĂ©ploie son topos que ne figure aucune carte RĂȘvolt. Sans en faire une montagne, ça crĂ©e.
On manque de nouveaux territoires, du terrain dâatterrissage de nouvelles histoires oĂč chacun pourrait faire son propre apprentissage, des histoires comme des enveloppes, des invitations au voyage et JAV, dĂ©pliant ces 10 plages comme des rĂȘves emboĂźtĂ©s, les pages dâun livre pop-up en 3D, rĂ©alise cela : tu lui donnes de ton temps, il te donne de lâespace, voilĂ .
Câest « LâAlbatross » de Peter Green/Fleetwood Mac qui rejoint celui de Charles Baudelaire. Ses « ailes de gĂ©ant » peuvent enfin voler. Et lâherbe est vraiment plus verte ailleurs. GrĂące. Whatâs in a barde ? Un truc trĂšs libre, iconoclaste, naturel. La chanson est envoyĂ©e se faire paĂźtre ailleurs pacifiquement. Elle nâest plus française. On gagne en profondeur de champ.
« Dans le taoĂŻsme, l’idĂ©al de santĂ© et
d’Ă©quilibre c’est dâavoir les pieds sur terre et la tĂȘte dans le ciel. Je pense
de fait que s’il y a un destin humain (oui, j’ai aussi envie d’y croire), ce
n’est pas de s’Ă©lever dans les airs, image qui est un peu trop dĂ©corporĂ©e,
Ă©thĂ©rĂ©e pour moi, mais câest d’allonger sa verticalitĂ©, autant sous ses pieds
qu’au-dessus de sa tĂȘte. Vous voyez ? »
Je ne
sais plus qui disait ça lâautre jour sur Facebook Ă lâoccasion dâun sympathique
dĂ©bat sur ce que signifie ĂȘtre « hors-sol »
et « est-ce que câest si nĂ©gatif que
ça si lâon y rĂ©flĂ©chit deux secondes ? » Sous-entendu :
notre trajectoire/germe Ă nous, humanitĂ©, nâest-il pas de nous affranchir une
bonne fois pour toute de notre substrat de patate (au risque de patatra) ?
Je ne sais pas qui disait ça â pas sĂ»r que ce soit un punk, plutĂŽt un acupuncteur ou un happy culteur â mais je me souviens de mâĂȘtre dit que ça collait bien Ă ce nouvel album de Denis. Cette idĂ©e dâhorizon et de rhizomes, dâenvergure dans le plan, de verticalitĂ© Ă©lastique, que câĂ©tait bien son RĂȘvolt son « Corps Mouvement » en « Soleil / Vert / Bouteille / 2 / Sky ».