T.OÂ : SHE DREAMS IN VEDAS (2)
16 aoĂ»t 2012. Berlin Nord. 23h30. « Au dĂ©part je prenais pas trop ça au sĂ©rieux » m’avoue TĂ©o que je cuisine dans sa cuisine autour d’un tea time nocturne depuis dĂ©jĂ trente bonnes minutes autour de She Dreams in Vedas, le projet qu’il a formĂ© vers dĂ©cembre 2011 en tant que compositeur avec son amie wannabe be pop star, Johanna. Et je suis comme TĂ©o : moi aussi je ne prenais pas au sĂ©rieux cette « music story » lancĂ©e par elle et lui « between Berlin and Paris ». Mais alors pas du tout.
Cette histoire d’ « Alice moderne qui s’imagine ĂȘtre Bowie dans un Walt Disney Ă©crit par Ginsberg » comme elle l’Ă©crira dans sa bio, je la subodorais dĂ©jĂ , et ça ne me disait rien qui vaille. Ăa sentait le culte sans recul des idoles rock, le suivisme de la fan gavĂ©e de rĂ©fĂ©rences hors-sol, l’adulescence et le mimĂ©tisme gĂ©nĂ©rĂ© par l’industrie du rĂȘve, Warhol compris. Selfie et autographe. Bref, pour moi qui suis plutĂŽt de l’Ă©cole des Radiohead et Dominique A, c’Ă©tait tout ce qu’il ne fallait pas faire.
(Je ne dirai pas qu’il y ait pu avoir ne serait-ce qu’une once de jalousie dans ce jugement, ce n’est pas parce qu’on est journaliste musical et qu’on a des tonnes de poĂšmes qui dĂ©foncent depuis des lustres dans les tiroirs qu’on est frustrĂ© dĂšs que le premier pote venu qui se rĂȘve pop star dĂ©cide de saisir sa chance en s’en donnant les moyens, je dirai juste que putain pour moi sur le papier cette entreprise manquait sincĂšrement de mordant et de rupture avec les gods en vigueur pour trouer la page.)
Et puis j’ai Ă©coutĂ© en exclu quelques-uns des 8 titres qu’ils avaient maquettĂ©s et je me suis dit (façon Inrocks) : « Putain ! « Insomnia » ressemble Ă la rencontre de Nico, Au Revoir Simone et Belle and Sebastian. » Quelque chose s’est instillĂ© en moi. Le procĂšs latent pour pratique de rĂ©tropop ne s’est pas envolĂ© mais il a commencĂ© Ă s’estomper comme Marty McFly sur la photo de famille quand il squatte le passĂ©. Il s’est comme inclinĂ© devant l’allant Ă©motionnel de ces mĂ©lodies simples, belles.
Il y avait lĂ un bienfait, une fraĂźcheur et une candeur qui dĂ©notaient franchement de tous ces groupes qui se la racontent alors qu’ils font juste de la musique, qu’aussi bien foutue soit-elle (et parfois trop bien foutue est-elle), ils font juste de la musique, qu’ils n’ont pas les chansons, pas ce qu’on appelle bĂȘtement « le supplĂ©ment d’Ăąme ». Johanna ne l’a pas non plus : elle chante juste du lieu d’oĂč peu chantent, du lieu oĂč tout sonne juste mĂȘme chantĂ© faux : du trĂ©fonds de ses songes et ses avanies.
Et ça m’a Ă©tonnĂ© quand j’ai entendu ça. Oui, lĂ©zardouillĂ© quelque chose en moi. Des certitudes ? Ah, I’m just a jail house guy ? Alors il a fallu que j’en parle Ă Teo. En vacances Ă Berlin oĂč lui vit depuis quelques annĂ©es, je ne pouvais pas ne pas lui en parler, l’interviewer lui â dans son absence Ă elle â sur elle et She Dreams. Au dĂ©part, pudique, Teo s’esquivait, il pensait n’avoir rien Ă dire mais là ça fait dĂ©jĂ un bon thĂ© qu’on parle de pop musique et de philosophie indienne, de Velvet et Vedas…
« Johanna, c’est un personnage de Rohmer »
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TĂ©o, sur quels artistes vous vous retrouvez Johanna et toi ?
Elle aime Keren Ann. Moi aussi jâaime bien Keren Ann mais plus pour certains trucs de guitare… Elle adore Pink Floyd, et ça câest moins truc, elle adore Dark Side of the Moon, elle lâa en vinyle chez elle et elle lâĂ©coute souvent. Je crois qu’on se retrouve surtout sur Bowie en fait. Bowie, Lou Reed et Philip Glass. Ouais, beaucoup sur Philip Glass. Bon, pour lâinstant on nâa pas fait du Philip Glass (rires) ! Mais moi Glass jâadore parce que ça fait toujours : « Tudududududu » (il chante â nda). Ces rythmes, c’est ce que j’aime et je les retrouve un peu chez Placebo. Philip Glass a pris ça dans la musique indienne. Parce qu’il compose pas en fonction de notre solfĂšge Ă nous mais en fonction du solfĂšge indien. Ce genre de rythmes, jâadorerai faire ça avec Johanna mais ce sera pour lâĂ©tape suivante. Je pense que pour l’instant il faut que ça reste vachement pop. Basique quoi.
Je vois. La premiĂšre fois que j’ai entendu quelques chansons de She Dreams in Vedas et que j’ai dĂ©couvert la voix chantĂ©e de Johanna â je ne l’avais jamais entendu chanter auparavant â j’ai trouvĂ© qu’il y avait, toute proportion gardĂ©e, un truc Ă la Nico dans son chant, une sorte de lassitude, un ton assez bas qui Ă©tonne quand on connaĂźt sa voix parlĂ©e…
Ouais, Nico ça fait partie des trucs qu’on partage, et j’adore le dĂ©calage entre la musique et sa voix… Mais elle a dĂ©jĂ changĂ© sa maniĂšre de chanter. Au tout dĂ©but, elle chantait plus doucement et n’allait pas dans les aigus. Depuis elle a appris Ă avoir plus de souffle pour qu’on l’entend mieux et du coup sur un morceau comme « Love Rises » elle chante dorĂ©navant les aigus et ça rend vachement bien, je trouve. Et puis maintenant elle essaie de jouer devant des gens… Mais oui, il reste ce petit cĂŽtĂ© Ă la Nico que j’aime bien. C’est normal : le Velvet, c’est La rĂ©fĂ©rence. J’adorerais faire des trucs de ce genre. D’ailleurs l’autre jour, je lui ai envoyĂ© le morceau « I’m Sticking With You » (sorti en 1985 sur VU, compilation de morceaux inĂ©dits â nda) du Velvet oĂč ils sont trois Ă chanter. Il y a la batteuse, Maureen Tucker, le bassiste, dont j’ai oubliĂ© le nom (Doug Yule â nda) et puis Lou Reed qui arrive Ă la fin. Et le bassiste et la batteuse chantent faux, c’est ça que j’aime. Du coup quand Lou Reed arrive c’est magnifique. D’autant plus magnifique. On dit que Lou Reed ne sait pas chanter, mais c’est faux.
Comme Bashung, il a un vrai flow.
Oui et puis il sait toujours choper la bonne note. C’est comme la guitare, c’est pas vraiment un super guitariste mais il sait toujours choper la bonne note et finalement je trouve que c’est ça qui compte. C’est pas une bĂȘte de technique mais il a l’oreille. Sur l’album Transformer, il y a un morceau que j’adore, c’est « New York Telephone Conversation ». Bowie est derriĂšre et c’est lĂ©ger, naĂŻf, c’est un peu Pop Art. J’adore ça.
Quelle est ta définition du Pop Art ?
La simplicitĂ© alliĂ©e Ă un truc. Je veux dire, Warhol c’est pas compliquĂ© ce qu’il fait mais malgrĂ© tout quand je vois Mao ou Marilyn Monroe, je me dis qu’il y a un truc. Et c’est pas parce qu’ils sont connus parce que quand je vois la chaise Ă©lectrique (Big Electric Chair â nda), ça me fait aussi un truc, tu vois ? C’est efficace. C’est parfois un peu comique mais pas stupide non plus… Ouais Pop Art en fait et Nouvelle Vague aussi. Elle a d’ailleurs un cĂŽtĂ© Nouvelle Vague, Johanna. Elle n’aime pas Rohmer, mais je trouve qu’elle a un cĂŽtĂ© personnage de Rohmer.
Un mélange de naïveté, de tragique et de drÎlerie.
Oui, oui, c’est jamais trop sĂ©rieux mais en mĂȘme temps c’est compliquĂ©, c’est pas grave et je trouve que ça fait vraiment d’elle un personnage des films de Rohmer et pourtant elle n’aime pas Rohmer. Ăa me surprend un peu. Mais Arno (le choriste, clavieriste et clippeur du groupe â nda) adore Rohmer (rires) !
Johanna est une amie, tu la connais bien. Qu’est-ce que ça fait de se mettre Ă composer pour quelqu’un qu’on connaĂźt bien comme ça ? Ăa nourrit l’inspiration ? Ăa la freine ?
Je ne saurais pas dire mais c’est vrai que, la connaissant, je n’aurais pas pu faire du Vespertine. DĂ©jĂ techniquement, je n’aurais pas pu, c’est trop complexe, non, ce que j’ai vu pour elle pas rapport Ă ce que je sais d’elle, c’est des morceaux simples avec des accords mineurs, tu vois ? C’est un fond de tristesse mais pas du Barbara. Un truc qui soit lĂ©ger tout en ayant une petite profondeur. « Love Rises », c’est ça…
Une pop comme le petit parapluie qui illustre ce morceau ?
Oui comme ce petit parapluie (rires) ! Ce dessin, c’est Tim, un pote Ă moi qui l’a fait. Et tiens, Tim est d’ailleurs d’origine indienne. Il est nĂ© en Inde…
She Dreams, c’est vraiment un projet indien pop alors !
Oui (rires) ! D’ailleurs depuis que « Draft Blues » a pris des sonoritĂ©s indiennes c’est mon morceau prĂ©fĂ©rĂ©. Je trouve qu’il a vraiment dĂ©collĂ©, trouvĂ© son identitĂ©…
De quoi parle « Draft Blues » ?
Euh, ça parle d’une page blanche qui est toute seule et qui a voudrait qu’on la remplisse. C’est le blues du brouillon.
Ou de la blancheur… ?
Ou de la blancheur, ouais…
Tu penses que ça illustre Johanna, cette page blanche ?
Euh, ouais, peut-ĂȘtre, c’est vrai.. Oui, possible. Quand on ne la connaĂźt pas, on peut penser qu’elle est plus lĂ©gĂšre qu’elle n’est vraiment. Qu’elle manque de consistance, comme une page blanche. Mais en fait elle sait ce qu’elle veut et c’est ce qui me surprend le plus dans ce projet.
Elle fait preuve de poigne ?
Oui, c’est ça, et puis elle ne lĂąche pas le truc. Elle me relançait rĂ©guliĂšrement : « Il faudrait faire ça. Est-ce que tu peux me renvoyer ce morceau pour que je refasse les voix ? » Et elle m’envoyait cinq voix diffĂ©rentes. En fait, ce qui me faisait peur au dĂ©but, c’est qu’elle aime tout ce que lui propose. Et en fait, pas du tout. Pour « Draft Blues », Ă un moment j’avais fait un arrangement basse/batterie et elle n’aimait pas. Elle m’a dit : « Ăa va pas, y’a trop de batterie », alors j’ai enlevĂ© la batterie. Donc elle sait quand mĂȘme ce qu’elle veut, ou au moins ce qu’elle ne veut pas. Quand aprĂšs ça « Draft Blues » s’est remis a prendre un sens qui ne lui plaisait plus, elle me l’a dit : « Oh, il y a encore quelque chose que je n’aime pas », j’ai donc enlevĂ© la basse parce qu’elle voulait quelque chose de plus doux et aprĂšs j’ai fait les riffs de guitare et lĂ elle m’a dit : « VoilĂ , c’est exactement comme je voudrais que ce soit ». Et ça m’a surpris, car je me suis dit qu’elle a une idĂ©e vraiment prĂ©cise de ce qu’elle veut.
J’imagine que lorsqu’on est compositeur comme toi ça doit ĂȘtre bizarre Ă recevoir venant de quelqu’un qui ne connaĂźt pas la musique, du moins instrumentalement…
Ce qui est bizarre, par exemple, c’est qu’elle voulait que je fasse des chĆurs sur certains morceaux. Elle enregistrait ses voix, me les envoyait par mails et me disait : « Bon, fais tes voix maintenant ». J’Ă©tais surpris par sa proposition. Et en fait nos deux voix vont vraiment bien ensemble, je trouve. Donc oui, elle ne maĂźtrise pas instrumentalement la musique, mais comme elle en Ă©coute beaucoup, qu’elle est mĂ©lomane, ça va, c’est un bon mĂ©lange. Et je suis content de travailler avec quelqu’un qui ose prendre le et les devants. J’ai beau faire mes propres projets, si je devais choisir entre jouer mes morceaux sur scĂšne et jouer avec Johanna, je prĂ©fĂ©rerais jouer avec Johanna. J’aime bien ĂȘtre en retrait et jouer du piano.
Tu n’aimes pas trop la scĂšne ?
Si, mais en retrait. On en a fait avec Underwires (son premier groupe montĂ©e avec son frĂšreâ nda), on en a fait pas mal, Ă une Ă©poque on Ă©tait mĂȘme quatre sur scĂšne. On a mĂȘme ouvert pour SĂ©bastien Tellier au Francophonic Festival Ă Berlin…
A quelle Ă©poque ?
Je crois que c’Ă©tait 2006 (oui, aprĂšs la sortie de Sessions, son troisiĂšme album â nda). Il Ă©tait bien son concert d’ailleurs. On a ensuite ouvert pour Cocorosie en 2009. On Ă©tait donc quatre, mon frĂšre Ă©tait devant et moi j’Ă©tais en retrait avec les deux autres musiciens. Et je prĂ©fĂ©rais ça Ă se retrouver juste tous les deux comme ça a Ă©tĂ© le cas Ă la fin d’Underwires. LĂ c’Ă©tait pas drĂŽle. Et ce qui est bien avec ce projet c’est qu’on revient Ă un truc de groupe. Pour l’instant, il y a un guitariste, un bassiste et je crois qu’il y a un batteur d’origine brĂ©silienne…
Oui, elle l’aurait recrutĂ© pour sa capacitĂ© Ă jouer des sonoritĂ©s proches de celles, afro punk, qu’elle a entendu dans un morceau de l’album Tamer Animals du groupe Other Lives…
Oui, et tu vois, c’est pareil, lĂ aussi elle avait une idĂ©e prĂ©cise de ce qu’elle voulait. Elle en a parlĂ© Ă ce BrĂ©silien qui est un Ă©lĂšve qu’elle a en cours, elle lui a dit : « VoilĂ exactement ce que je veux ». Non, mais vraiment, elle sait bien ce qu’elle veut. Et puis elle se lance pour faire des concerts, elle semble mĂȘme prĂȘte Ă chanter dans la rue. Tu vois, au dĂ©but je me suis dit que c’Ă©tait sĂ»rement un doux rĂȘve, je me disais : « Est-ce qu’elle va pouvoir ensuite chanter sur scĂšne devant des gens ? » Et bien oui, pas de problĂšme.
Ăa t’a fait peur Ă un moment que ça ne puisse ĂȘtre qu’un doux rĂȘve ?
Non, car je me suis dit : « Je le fais quand mĂȘme ! MĂȘme si ça mĂšne Ă rien ce sera marrant ! » Moi, quand on me demande dâĂ©crire des morceaux, je suis toujours content. J’adore ça. Et tu vois, au dĂ©part je me disais que c’Ă©tait peut-ĂȘtre qu’un doux rĂȘve et maintenant je commence Ă me dire que c’est limite plus intĂ©ressant que mes projets (rires) ! Enfin, câest pas que c’est plus intĂ©ressant mais je suis presque plus motivĂ© Ă composer pour She Dreams que pour moi-mĂȘme. Câest juste dommage quâon ne vive pas dans la mĂȘme ville…
Mais peut-ĂȘtre que la communication entre vos deux univers qui coĂŻncident bien se trouve intensifier par cette distance.
Ouais, je pense. Et puis avec Johanna, on est dans une amitiĂ© oĂč il y a vachement de pudeur. Tu vois jâai des amis, par exemple, si jâai des Ă©tats dâĂąmes, des histoires, je vais tout leur raconter. Ils savent tout ! Avec Johanna, on a toujours Ă©tĂ© vachement discret sur ce genre de choses. Du coup ça facilite la crĂ©ation, je trouve.
La musique vient se poser lĂ Â ?
Oui, je pense que les Ă©motions passent par lĂ en fait ! Je lâai bien vu sur « Love Rises »…
L’envie de devenir pop star, le blues de la page blanche, la montĂ©e de l’amour, tout ça ne peut pas ne pas me renvoyer Ă ce que m’a dit Johanna un jour : « On nâa jamais Ă©tĂ© amoureux de moi ». Ouch, j’ai vachement compris ce qu’elle voulais dire quand elle m’a dit ça. C’Ă©tait un dur constat. Aujourd’hui, mystique indienne ou pas, j’ai du mal Ă dĂ©connecter She Dreams de cette phrase-lĂ …
Oui, câest vrai, comment dire ? Ce qui est marrant voire fabuleux, c’est que les gens pensent que tu te donnes Ă eux sur scĂšne mais en fait non, pas vraiment, câest plutĂŽt un truc Ă©goĂŻste : tu prends de lâamour ! Et au-delĂ du rapport au public, rien que de pouvoir te produire comme ça sur scĂšne, hĂ© bien ça te fait du bien : tâes en osmose avec toi-mĂȘme. Enfin avec lâimage de toi que tu aimerais pouvoir tout le temps donner de toi ! L’image rĂȘvĂ©e. Tu vois ? Par exemple, je pense qu’un type comme Marilyn Manson, ça doit un peu un bouffon dans la vie mais sur scĂšne, avec les trucs qu’il fait, il dĂ©gage quelque chose de fort. Moi, trĂšs souvent, je me suis dit : « Je me sens bien que sur scĂšne ! » Dâailleurs je me souviens qu’aprĂšs notre tout premier concert Ă Angers avec Underwires, jâavais une espĂšce dâassurance que je nâavais jamais eue dans ma vie. Je mâen suis rendu compte et pour moi ça vaut toutes les psychanalyses parce que tu communiques de la façon la plus intelligente qui soit. Avec les Ă©motions, les sons, avec ta voix chantĂ©e, amplifiĂ©e, et tu tâaimes Ă la fin. Et câest vrai que tâapprends Ă tâaimer, quoi ! Il y a des gens qui sont intoxiquĂ©s Ă la scĂšne Ă cause de ça.
Ouais, des gens accro Ă la connexion magique que ça engendre avec l’image d’eux en eux…
Ouais, et ce n’est vraiment qu’Ă la fin du concert, quand les gens applaudissent et que t’as vraiment fini de jouer que tu rĂ©alises quâil y a pleins de gens devant toi ! Et que dans ce processus de toi avec toi tâas quand mĂȘme donnĂ© quelque-chose. C’est le deuxiĂšme effet Kiss Cool : ton plaisir d’avoir Ă©tĂ© au plus proche de toi-mĂȘme se double du plaisir de te rendre compte que ça signifier quelque-chose, autre chose, un don pour les gens !
C’est pas le cas chez le psy et tâes pas applaudi !
Oui, et Ă la fin tu paies ! Alors que lĂ c’est eux qui paient eux, câest tout bĂ©nef !
A propos de thunes, pensez-vous sortir bientĂŽt un disque ?
Jâaimerais bien ! Mais je crois quâon va faire des concerts avant ! Moi je voudrais essayer dâen faire Ă Berlin. Alors le problĂšme, câest les rĂ©pĂštes. Quand les faire ? A-t-on besoin d’en faire beaucoup ? Je ne sais pas trop. AprĂšs je pense quâon sortira une dĂ©mo. Le son qu’on a nâest pas extraordinaire mais je crois que ça suffit pour lâenvoyer Ă des producteurs. Mais oui, j’aimerais sortir un disque. Avec le dessin de « Love Rises » que je trouve super beau en pochette.
Un site web en cours ?
Je ne sais pas si les gens vont encore sur les sites d’artistes, je crois qu’ils vont sur Facebook voire Twitter pour les news. Johanna a une page Facebook, peut-ĂȘtre qu’elle fera un site, mais je pense que son Facebook suffirait presque, quoi !
Je comprends mais dans l’attente d’un disque il faut bien Ă©couter les morceaux quelque part ?
Ah oui, alors elle a un, comment ça sâappelle dĂ©jĂ ? Soundcloud !
Quels morceaux propose-t-il en écoute ?
Il y a « Draft Blues », « Love Rises » et deux autres dont j’ai oubliĂ© le titreâŠ
Il y a « Lynch Maniac », non ?
Mais oui ! « Lynch Maniac », jâavais oubliĂ©.
Comment peux-tu oublier « Lynch Maniac » (sourire) ?
Câest vrai !
Un morceau qui parle de toi !
Celui-lĂ , jâaimerais bien quâil soit rock. Je ne pouvais pas lui donner cette couleur parce que jâavais quâune guitare sĂšche mais je pense qu’il faudra qu’il soit bien rock, pĂ©chu, quand on l’enregistrera !
Il a un cÎté un peu tubesque, non ?
Ouais, je trouve, mais honnĂȘtement je vise un peu ça Ă chaque morceau⊠Quoique non, c’Ă©tait pas le cas pour « Draft Blues ». Mais ouais, je pense que « Lynch Maniac » va plaire. Il y a un autre trĂšs pop qui plaira je pense, c’est « No Time To Think ». Je l’avais Ă©crit pour Underwires.
Tu lâas recyclĂ© dans She Dreams ?
Ben ouais, mon frĂšre nâen voulait pas donc quand Johanna est venue et qu’elle mâa dit : « VoilĂ mes textes », jâai recherchĂ© les vieux morceaux que jâavais pas utilisĂ©s. Il y en avait deux : un que je me suis gardĂ© pour moi et « No Time To Think » dont j’ai illico pensĂ© qu’il irait Ă Johanna. C’est de la pop pure, câest pour ça que mon frĂšre n’aimait pas. Elle a tout de suite aimĂ©. Elle a juste modifiĂ© quelques phrases dans mon texte.
Dans ce qu’elle m’avait fait Ă©couter je me souviens aussi d’un morceau tout en spirale rock, jubilatoire. Oui, un vrai petit ouragan qui rĂ©pĂ©tait quelque chose comme « Be yourself »…
Ouais, je voudrais aussi qu’il soit bien rock. Mais⊠Câest terrible, je me rappelle plus de son nom ! Je les oublie toujours. Jâavais le mĂȘme problĂšme avec Underwires. Tu me demandes quel morceau figure sur quel album, j’en ai aucune idĂ©e.
Et donc, j’y reviens, Johanna a Ă©crit une chanson sur toi ?
Oui, parce que je bois du cafĂ© David Lynch, que je fume les mĂȘmes cigarettes que lui…
Des American Spirits, câest ça ?
Ouais, et puis bien sûr je regarde ses films et je lis ses livres donc voilà , ça la faisait rire !
Tu en connaissais l’existence avant qu’elle t’amĂšne ses textes pour bosser les compos ?
Oui, elle m’avait dit : « Jâai Ă©crit un morceau sur toi ! » Mais je ne savais absolument pas sur quoi ça serait. Je pensais que ça parlerait sans doute de ma nouvelle vie Ă Berlin ou de mon goĂ»t rĂ©cent pour la mĂ©ditation. En tous cas, je ne sais pas pourquoi, mais le morceau a Ă©tĂ© trĂšs trĂšs trĂšs facile. Câest venu tout de suite ! Je lui ai juste demander de rajouter des verbes Ă la fin pour que ça soit mieux, plus long, et du coup avec la rĂ©pĂ©tition du truc elle sâĂ©nerve Ă la fin donc c’est bien !
Elle est Ă©galement fan de Lynch, non ?
Ouais, elle aime beaucoup Lynch !
Toi, câest ton artiste fĂ©tiche tous genres confondus ?
Ben comme il fait un peu de tout… Oui, probablement (rires) ! En littĂ©rature, mon auteur prĂ©fĂ©rĂ© câest Burroughs. Mais câest pareil, Burroughs a aussi fait des chansons. Mais oui, je pense que l’artiste que je prĂ©fĂšre câest Lynch ! MĂȘme sa musique me plaĂźt. D’ailleurs ce qui est intĂ©ressant, câest que, comme Philip Glass, tout lui vient de la philosophie indienne, mais il ne lâa jamais dit !
Ah ouais ?
Oui, dâailleurs dans Mon Histoire Vraie, son autobiographie (sortie aux Ă©ditions Sonatines en 2008 â nda), il y a des Vedas citĂ©s en dĂ©but de chaque chapitre. Il en parle peu de son amour pour la philosophie indienne mais moi je mâen doutais en voyant Twin Peaks, et je m’en suis Ă nouveau doutĂ© quand j’ai su quâil faisait de la mĂ©ditation.
Pourquoi t’en Ă©tais-tu doutĂ© en voyant la sĂ©rie Twin Peaks ? Parce que lâagent Dale Cooper a des mĂ©thodes d’investigation quelque peu… mystiques ?
Oui, il en parle Ă un moment de sa mĂ©thode tibĂ©taine. En plus Ă un moment il y a une scĂšne oĂč tu le vois mĂ©diter dans sa chambre. Donc je mâĂ©tais dit : « Tiens, câest bizarre ! » Et aprĂšs, il y a un nain et un gĂ©ant, et on retrouve aussi ça dans la philosophie indienne. RĂ©cemment, je me suis donc dit : « Il y a un truc ! » Et quand jâai achetĂ© le livre et que jâai vu quâil citait les Upanishads (ensemble de textes philosophiques qui forment la base thĂ©orique de la religion hindoue â nda) et tout ça, qui font partie des Vedas, je me suis dit : « Bon ben ok ! » Et le documentaire quâil est en train de faire, câest en Inde (intitulĂ© MĂ©ditation, CrĂ©ativitĂ© et Paix, il suit David Lynch dans un pĂ©riple dans 16 pays entre 2007 et 2009, Ă la rencontre de ses fans, dâĂ©tudiants en cinĂ©ma et de personnalitĂ©s de divers domaines de la sociĂ©tĂ©, de lâEstonie Ă IsraĂ«l en passant par la Bulgarie, la France, lâEcosse ou le Danemark â nda). Donc je me suis dit : « Ben voilĂ quoi ! »
Ah la logique des choses quand le dĂ©sir opĂšre… Je me souviens qu’un jour, en me parlant de She Dreams, Johanna m’a dit une phrase qui m’est restĂ©e gravĂ©e : « Si ça marche pas, ça mâĂ©tonnerait pas ! Si ça marche, ça mâĂ©tonnerait pas ! »
Bah voilĂ , ça c’est de la philosophie indienne (rires) !
Comment perdre Ă partir du moment oĂč l’on fait les choses avec amour ?
Oui, en gros c’est ce quâils disent. Il y a un livre qui fait partie des Vedas, qui sâappelle le Bhagavad-GĂŻtĂ€. Lynch en cite dâailleurs une phrase dans son livre et elle dit qu’il ne faut pas faire les choses pour les fruits que ça t’apporte mais qu’il faut les faire peu importe les fruits. Câest ça que veut dire Johanna, que si tu as envie de faire quelque chose bah tu le fais quoi !
Comme cette interview !
Oui, on l’a faite ! Et finalement, jâavais plein de choses Ă dire !
Soundcloud de She Dreams in Vedas.
Facebook de She Dreams in Vedas.
Merci Ă Sabrina AĂŻssaoui, Anna Dreyfack, Isabelle Erly et Arno Bisselbach pour leur aide dans la transcription de cette longue Berlin Conversation !