Hey Sarah, pop philtre d’amour
Ce samedi 2 dĂ©cembre par un froid de canard je mâĂ©tais rendu Ă La Bocata, 31 rue Milton. Et ce nâĂ©tait pas pour ses tapas et ses carambars Ă gogo, mĂȘme si câĂ©tait les vrais, les « vintage-original », au caramel amigo. CâĂ©tait pour voir le projet qui rĂ©unit Sarah Amsellem (chant, sampleur, pad Ă©lectronique) et StĂ©phanie Acquette (guitare, basse, chĆurs).
Jâavais dĂ©couvert Hey Sarah sur scĂšne quelques jours plus tĂŽt pour la sortie de la premiĂšre compilation du disquaire-lieu-de-concert La Passerelle.2. C’Ă©tait le 27 novembre Ă l’OGIB (Montreuil) et le temps dâun court set jâavais Ă©tĂ© enchantĂ© par « My Electrodes », « Loudspeaker » et « Stormy Sky ».
https://www.youtube.com/watch?v=4I9eoMNBm1s
Dans un bref compte rendu jâavais alors saluĂ© leur « pop-rock teintĂ© de secousses orientales Ă©lectronisantes ». Ăa les avait fait rire le coup de lâorientalisme Ă©lectronisant, enfin surtout StĂ©phanie, parce que Sarah, comme elle me le dira, elle Ă©tait juste Ă©tonnĂ©e. « Câest marrant que tu ais qualifiĂ© notre set ainsi parce quâon a bien des morceaux comme ça mais on les avait pas jouĂ© ce soir-là ».
Ce soir, elles allaient jouer en mode Beyrouth, parmi les tables Ă peine dĂ©barrassĂ©es, serrĂ©es Ă cĂŽtĂ© de la rambarde colimaçon qui mĂšne aux chiottes. Il nây aurait pas le beau son dâune vraie salle de concert comme au « GIB ». Mais il nây aurait quâelles, tout un concert, et jâallais alors dĂ©couvrir aussi lâexistence de « Jack is a rose », « Holly », « The Hill », « Ok Woman », « Open Hand », « Star Frog Killer » et « Miracles ».
https://www.youtube.com/watch?v=GxTfzSQn8rE
« My Electrodes » mâa refrappĂ©. Câest un Ă©tonnant shaker qui marie Ă des couplets armĂ©s dâune rythmique martiale quasi Joy Divisionesque des refrains tout Ă coup trĂšs oniriques, enveloppants, qui sâouvrent sur une sensibilitĂ© aĂ©rienne, Ă©thĂ©rĂ©e qui rappelle les premiers Morcheeba et Portishead.
Dâailleurs, Ă peine mâĂ©tais-je dit cela quâelles proposaient une reprise du morceau inaugural dâOut of Season, le premier album de Beth Gibbons. « Mysteries », morceau ultime sâil en est, et rendu lĂ avec, comment dire, tant de justesse, de grĂące tragique, angĂ©lique⊠TĂȘte dans les mains, jâen savourais la montĂ©e des larmes et le vertige de mon propre sang, efflorescent, comme devant un miracle. Et tout cela sans forcer, simple. Guitare-voix.
Leur rĂ©pertoire rĂ©serve aussi des ritournelles plus enjouĂ©es et piquantes, comme le « Lovecats » des Cure, Ă l’image dâ« Open Hand ». Câest une pop trip-hop tour Ă tour diaphane et Ă©picĂ©e quâil nous est donnĂ© dâapprĂ©cier. Sans revival ni dogme esthĂ©tique. Quelque chose dâhĂ©doniste et sensualiste jusque dans la tristesse. Le cristal qui berce, le vin qui enivre. Et tout ça circule si naturellement dans leurs veines quâil semble nây avoir lĂ aucune prĂ©tention.
Clope dâaprĂšs concert. Des gens fumant sur le trottoir glacĂ©. Je discutais avec Marie Destouet qui aide Hey Sarah sur plein de choses, comme on le fait quand on accompagne dans ses dĂ©buts un groupe qu’on aime, de maniĂšre informelle, en faisant presque tout ce qui touche Ă lâextra-artistique. Tout ce qui touche le cĆur. Esprit de famille.
Jâapprends que Sarah nâa pas encore sorti de disque avec ce projet-lĂ , que pour lâinstant seul « Stormy Sky », le single, est en Ă©coute sur le net. Je dis Ă Marie que jâai beaucoup aimĂ© la variĂ©tĂ© de couleurs pop qui sâexprime lĂ . Comme un philtre. JâespĂšre qu’elle ne perdra rien de cette magie bien Ă elle en enregistrant. Qu’elle ne cĂ©dera pas Ă certaines sirĂšnes en homogĂ©nĂ©isant tout cela dans un son. Ces diffĂ©rentes facettes, c’est ce qui fait son charme. Jâai envie dâĂ©couter ces 10 morceaux gravĂ©s sur un beau disque tels quâelle les veut elle.
Je pense Ă Sarah qui fume une cigarette Ă deux pas. Elle ressemble tellement Ă une fille que jâaime et ai aimĂ©. Câest dans les traits, les yeux, la peau. Une question de lumiĂšre cuivre, de silhouette persane. De secousses orientales, oui, Ă©lectronisantes. A cĂŽtĂ© de moi, un type qui Ă©tait dans le public. Il dit Ă son pote, tout goguenard pour se donner du cĆur Ă lâouvrage : « Est-ce que je vais lui dire que câĂ©tait vraiment trĂšs bien ? »