JEAN-LOUIS COSTES : L’ART BRUTAL (2)
20 dĂ©cembre 2006. 20h. Saint-Denis, banlieue nord de Paris. « Tu veux voir la cave ? ». Ăa fait dĂ©jĂ prĂšs dâune heure que je discute (schön) connerie avec Costes et que sa voix sâemballe, juvĂ©nile, en dĂ©bit mitraillette, suit des heurts, des rires quand le photographe qui devait mâaccompagner, arrive enfin lâĂ©paule chargĂ©e, albatros, essoufflĂ©. (On dirait que lui aussi a galĂ©rĂ© Ă trouver sa maison sise en bord de canal.) On en profite donc pour faire la pause photo et Costes de nous proposer une petite visite des sous-sols. Cette cave par laquelle on accĂšde via une petite trappe et un escalier de bois, câest lĂ quâil se libĂšre, se soulage. Ici oĂč traĂźnent un synthĂ© Casio, un magnĂ©to 4 pistes et les vestiges lubriques de quelques bricoles en plastique quâil lĂąche son cerveau reptilien pour faire ses morceaux.
« Je suis un peu comme un Ă©picier. Si quelqu’un entre dans mon magasin, je suis content. Le tout, c’est d’Ă©chapper Ă la routine », dĂ©clarait-il aux Inrocks en 1995. En sa compagnie on s’offre donc un mutuel dĂ©collement de routine. Pause « c’est moi qui l’ai fait ! » finie, retour Ă la surface de sa grotte, loin du croque-mitaine es voodoo child qu’il devient quand il fait, on revient au rez-de-chaussĂ© oĂč il est juste Jean-Louis Costes, cet homme timide et sain d’esprit qui nous sert du thĂ© dans une ambiance Herta, humain, trop humain, et pas COSTES, ce nom, comme un coup de poing qui a Ă©masculĂ© le prĂ©nom de celui qui le porte, comme (go)golem, une machine, une marque de fabrique. On retrouve le canap et reprend le dialogue Ă bĂątons rompus qu’on avait entamĂ© sur l’art, la bĂȘtise, la merde, l’Ă©criture…
« ce qu’on appelle lâintelligence, câest le mal qui tue lâhumanité »
Jean-Louis, des gens te comparent Ă Antonin Artaud, quâen penses-tu ?
Oui, il y a un truc, câest clair, sauf quâArtaud nâa rien fait. Moi jâai fait, câest ça ma diffĂ©rence avec Artaud. Artaud, on me lâa fait lire rĂ©cemment mais je nâaime pas le mythe. Je ne suis pas dâaccord, que ce soit lui ou un autre dâailleurs. Quand tu regardes les prescriptions quâil a donnĂ©es pour le thĂ©Ăątre, je les ai toutes faites. Un bouquin sâappelle Artaud pour les nuls, tu le connais ?
Non.
Câest une sĂ©rie, ils ont mĂȘme fait Heidegger pour les nuls. Donc voilĂ , jâai tout en BD avec des citations donc jâai lu. Mais jâavais dĂ©jĂ lu Artaud avant Ă©videmment ! Si tu nâavais pas lu Artaud dans les annĂ©es 70 tu Ă©tais un dĂ©bile. Donc jâai lu ce quâil fallait lire. En philo et tout, jâai tout lu ! Heidegger, je ne peux pas te dire de quoi ça parle, mais jâai tout lu.
Tu nâas pas compris ce que tu lisais ?
Bah je mâen fous, je lis mĂȘme quand je ne comprends pas. Il fallait lire ça, je lisais ça. Je suivais, quoi. Je voulais tout lire pour ĂȘtre bien dans le coup. Je lisais tout. Je connais tout. Mais maintenant jâai arrĂȘtĂ©.
Lire Artaud tâa-t-il aidĂ© Ă te fixer une ligne de conduite ?
Non, pas ce mec-lĂ , il ne mâen reste rien. Et pourtant il en a sorti des bouquins, il a exploitĂ© son truc, il a dĂ» en vendre sur Le thĂ©Ăątre moderne (Le ThĂ©Ăątre et son Double, essai sorti en 1938 et rĂ©Ă©ditĂ© en 64, 72 et 85 – nda). Je ne sais pas si ça a servi. Je ne sais pas oĂč est passĂ© son argent. Mais bien sĂ»r que des gens mâont marquĂ© dans ce que je fais. Il y a les vieux Fassbinder, des petits films indĂ©pendants comme LâannĂ©e des treize lunes. Jean Genet, Jean Rouch, plein de gens mâont marquĂ© et je continue Ă les respecter, sans trop savoir tout ce quâils ont fait.
Et cela tâa-t-il aidĂ© Ă passer Ă lâacte ?
Bah oui, parce que moi si je vois un truc artistique intense, ça me donne envie de travailler. Mais si je vois un faux truc artistique, ça me donne envie dâarrĂȘter. Quand tu sors dâun concert avec la pĂȘche, si tu es journaliste tu as envie dâĂ©crire un article. Si tu sors de lĂ sans avoir envie dâĂ©crire, câest que ça ne va pas.
Je reviens Ă ce que tu as dit sur Artaud : « lui nâa rien fait, moi jâai fait »…
Artaud nâa pas fait parce quâil nâavait pas les moyens, il Ă©tait complĂštement barjot la plupart du temps, Ă lâhĂŽpital. Seuls les cons croient que câest bien dâĂȘtre fou. Ce nâest pas bien, ce nâest pas vrai. Artaud ce nâest pas parce quâil Ă©tait fou quâil Ă©tait Artaud. Il Ă©tait aussi malade, ce qui nâa rien Ă voir. Il faut ĂȘtre con pour prendre les fous pour des gens bien. Câest super grave la folie. Je connais des fous, ça fait rire cinq minutes parce quâils sont super incohĂ©rents, mais eux sont en train de se dĂ©truire, dâailleurs ils sont enfermĂ©s. La diffĂ©rence câest que moi je ne suis pas enfermĂ©Â : je louvoie. Enfin je vois bien que je peux me faire flinguer pour ce que je fais, mais ils ne mâont pas encore flinguĂ©. Ils nâont pas encore trouvĂ© le prĂ©texte. Contrairement aux fous. Van Gogh ou le suicidĂ© de la sociĂ©tĂ© dâArtaud, câest un texte Ă©norme ! Au niveau style, Artaud dit nâimporte quoi et ça nous parait cohĂ©rent, mais il nâa pas rĂ©flĂ©chi ça avec un rĂ©seau de concepts philosophiques. Il balance. Il balance, il balance. Et des fois câest Ă©norme. Mais maintenant, ses prescriptions sur le thĂ©Ăątre, je les aie toutes suivi et je ne crois pas que lui ait fait ne serait-ce quâune seule piĂšce de thĂ©Ăątre oĂč il les ait mises en Ćuvre.
Contrairement Ă lui, tu as assumĂ© ta bĂȘtise dans la chair plus que dans le verbe. Tu es donc plus iconoclaste que lui qui en est restĂ© aux mots. Et sâil Ă©tait passĂ© Ă lâacte, peut-ĂȘtre n’aurait-il pas vraiment osĂ© appliquer ses prescriptions et qu’il serait restĂ© trop acadĂ©mique voire Ă cĂŽtĂ© de la plaqueâŠ
Il nâĂ©tait pas acadĂ©mique, câĂ©tait un clochard ! Alors maintenant câest un peu facile et dĂ©gueulasse dâapprĂ©cier ces gens-lĂ parce que les putes, genre les mĂ©decins qui crachent sur moi osent aimer Artaud et tout. Mais ce mec-lĂ câĂ©tait un clochard. Quâune ou deux personnes friquĂ©es lâaient aidĂ©, ok, mais ça nâa pas Ă©tĂ© plus loin. Il avait tout le milieu artistique contre lui. Dâabord parce quâil Ă©tait fou, donc sĂ»rement trĂšs chiant Ă vivre. Et je ne pense pas que son gĂ©nie ait Ă©tĂ© reconnu, Ă part par 2-3 personnes. Mais il a eu des Ă©clairs, des trucs super forts.
Mais quâest-ce qui te fait dire avec certitude que tu as Ă©tĂ© plus loin que lui ?
Les moyens. Moi jâai les moyens de tout faire sans mĂ©cĂšne. Parce quâil y a le RMI, le magnĂ©toscope, lâordinateur, Internet, la photocopieuse, on nâa plus besoin dâaller mendier chez un Ă©diteur. Chez le roi. Aujourdâhui tu nâas absolument pas besoin de subventions pour lâart. Les mecs qui en ont câest des putes, des ordures ! Maintenant, moi, avec peu de moyens je fais une tournĂ©e dans le monde entier. Je vais faire tous les pays dĂ©veloppĂ©s, ça veut dire que des milliers de personnes mâattendent. Donc voilĂ , jâai des moyens que nâavait pas Artaud. Lui, il Ă©tait bloquĂ© dans Paris.
Mais tu penses que tes performances ont plus dâimpact que les bouquins dâArtaud ?
Bien sĂ»r, jâai plus dâimpact sur mon Ă©poque que lui nâen a eu sur la sienne. A son Ă©poque, Paris Ă©tait la capitale culturelle mondiale, donc on peut avoir lâimpression quâil a eu de lâimpact, mais il nâa touchĂ© quâune poignĂ©e dâintellectuels dans des villes oĂč personne ne le connaissait. Heureusement pour lui, la classe sociale qui lâapprĂ©ciait sâest agrandit et elle lâa donc portĂ© avec elle. Moi câest Ă©vident que jâai plus dâimpact sur mon Ă©poque parce que jâai les moyens de le faire. Je nâattends pas Ă galĂ©rer pour jouer dans la piĂšce de thĂ©Ăątre de quelquâun d’autre. Mais moi je suis hors milieu. Parce quâaujourdâhui le milieu artistique qui se pose comme le successeur de lâart français des annĂ©es 20-30, câest des merdes, tous ces mecs qui traĂźnent encore Ă Saint Germain des PrĂšs. Il faut aller chercher au fond des citĂ©s de Saint Denis pour trouver des mecs qui dĂ©chirent vraiment. Aujourdâhui, lâart ça ne se passe plus dans le 6e arrondissement parce quâils sont trop riches. Dans les annĂ©es 20, il y avait des choses Ă y trouver parce que Paris Ă©tait une ville de pauvres, une ville de dingues ! Je crois quâon ne peut mĂȘme plus imaginer la libertĂ© et lâintensitĂ© quâil y avait Ă cette Ă©poqueâŠ
Revenons Ă la bĂȘtise : on dit que tes performances sont bĂȘtes mais ne cherchent-elles pas plutĂŽt Ă rĂ©vĂ©ler la bĂȘtise des spectateurs ?
Non. Enfin oui, dans le tas il va y avoir un mec qui me dit : « Câest bien, tu critiques le capitalisme. » Les rĂ©actions que je suscite sont vraiment Ă double tranchant. Si je mâhabille en nazi sur scĂšne, un mec va me dire : « Putain, tu critiques le nazisme ! » Parce que tout a lâair ridicule dans ce que je fais. Moi aussi, jâai lâair ridicule, que je mâhabille en nazi ou pas ! Mais des gens vont aussi interprĂ©ter le truc Ă lâenvers et dire : « HĂ©, tu fais lâapologie du nazisme ! » Et câest pareil, si je mâhabille en juif, certains vont me traiter de raciste, dâautres d’antiraciste. Tu vois, tu nâen sors plus. On peut dire que je me moque dâun nazi parce quâil a lâair con, et câest ce que je fais en gĂ©nĂ©ral, mais en fait, Ă ce niveau-lĂ , moi je ne fais ni dâapologie ni de critique. Dâailleurs je ne me suis jamais habillĂ© en nazi sur scĂšne, mĂȘme si certains le disent. Jamais. Parce que je nâai jamais Ă©tĂ© spĂ©cialement intĂ©ressĂ© par Hitler. A la limite, câest eux qui mâont fait mây intĂ©resser. Parce que je me suis dit que ça devait ĂȘtre un super sujet pour quâils en parlent autant.Â
A lâĂ©poque, tu t’intĂ©ressais plus au personnage du Christ ?
Non, ça aussi câest rĂ©cent. Parce que câest un truc de vieux ça. Maintenant je mây intĂ©resse au catholicisme. A fond. Je trouve ça super intĂ©ressant.
Tu as reçu une éducation religieuse ?
Mon Ă©ducation mâa plutĂŽt dressĂ© contre le catholicisme, parce que je me faisais chier. CâĂ©tait lâĂ©poque du Vatican II, les cĂ©rĂ©monies Ă©taient dĂ©cevantes. Enfant, moi jâattendais des cĂ©rĂ©monies religieuses quâelles me CASSENT la tĂȘte avec 200 tonnes dâencens et ils nâen mettaient pas. Jâattendais, je ne sais pas, des trucs super excessifs, des opĂ©ras ! A ma premiĂšre communion, jâattendais quelque chose dans ma tĂȘte, je me disais : « Il y aura une grande messe. » Et en fait, ce ne fut pas terrible, pas intense. Maintenant, je mâintĂ©resse Ă fond au catholicisme parce que sâil y a un truc qui te fait lâapologie de la merde et de la connerie et qui en fait un truc gĂ©nial câest bien le catholicisme ! Regarde le portail de la cathĂ©drale de Strasbourg : tu as des mecs qui se chient dans la bouche de A Ă Z en se sodomisant Ă rang entier. Ăa a dĂ» coĂ»ter des milliards et mettre 100 ans pour ĂȘtre sculptĂ©.
Pourtant, Ă ce que jâen sais et ce quâon en voit, le catholicisme condamne la chair pour mieux cĂ©lĂ©brer lâesprit et lâidĂ©e de ParadisâŠ
Ce nâest pas vrai ça. Câest de la propagande pure et dure. Câest faux, mon vieux. Câest faux. Jâai achetĂ© le catĂ©chisme pour voir. Et regarde dans Dante. Lâenfer de Dante (La Divine ComĂ©die, poĂšme de Dante Alighieri qui aurait Ă©tĂ© composĂ© entre 1307 et 1321 – nda). Moi, je pensais que lâorgie, le sexe, les abus sexuels, tout ça, câĂ©tait classĂ© bien grave dans les pĂ©chĂ©s et bien pas du tout ! Il y a 250 niveaux dâenfer et le plus mauvais niveau câest celui de la mĂ©disance, câest de dire aux autres de sâamĂ©liorer. Ăa, ils le condamnent gravement dans ce manuel pour jĂ©suites. Et laisse tomber pour ce qui est des mĆurs sexuelles dans lâĂglise. Qui est-ce qui les matraque pour ça ? Ce nâest pas lâĂglise. Elle nâa rien dit lâĂglise sur ça. Elle sâen fout en fait des histoires de cul. Câest la sociĂ©tĂ© laĂŻque qui dit que les prĂȘtres sont des ordures de sâĂȘtre plus ou moins branlĂ© pour je ne sais pas quoi. Câest eux qui font scandale avec ça, ce nâest pas le catholicisme. Dans ce manuel pour jĂ©suites que jâai achetĂ© aux puces, jâai appris quâau 19e siĂšcle ils organisaient des stages, huit jours de retraite spirituelle, pour rebooster les prĂȘtres dĂ©couragĂ©s et leur redonner la foi. Et il est dit que dans le couvent les mecs baisent entre eux. Il est dit que ce nâest pas un pĂ©chĂ©. Parce que ça, ça sâappelle la faiblesse de la chair, et que câest normal. Si tu crois que tu vas lutter contre tes instincts sexuels, tu perds ton temps ! Par contre, ce qui est considĂ©rĂ© comme un pĂ©chĂ© câest de chercher Ă se remettre sans arrĂȘt en situation dâabus sexuels. Câest-Ă -dire quâimagine tu es un prĂȘtre et tu es en prĂ©sence dâune jolie nana que tu tâaies dĂ©jĂ faite : bon, ça câest la faiblesse de la chair. Mais si tu crois que ça ne va jamais se reproduire, tu vas plonger encore pire. Si tu crois que tu es plus fort que ta bite tu es cuit. Parce que lorsquâelle bande, ça te coupe le cerveau pour que tu ne penses Ă rien dâautre quâĂ passer Ă lâaction. Câest pour ça que câest facile de juger les gens qui bandent. Mais Ă©videmment que lâĂglise nâest pas contre la sexualitĂ©, parce que comme toute religion, elle est pour la reproduction. Donc ils sont Ă fond pour la sexualitĂ©. Ils sont juste contre la sodomie !
Si je te suis bien, ça te fait donc plaisir quand on te décrit comme « le plus grand écrivain catholique de France » ?
Je ne sais pas. De toute façon, moi quand on me dit que je suis le plus grand de quelque chose, je suis content ! Mais câest vrai que maintenant, artistiquement, je suis trĂšs portĂ© sur le catholicisme. Mais je nâen suis pas OBSĂDĂ ! Câest-Ă -dire que câest juste quâactuellement il y a une telle dĂ©faillance, politique, philosophique et culturelle que tu tâaperçois quâun truc artistique peut commencer Ă ĂȘtre tout. Regarde : pourquoi DieudonnĂ© peut-il sâavancer sur des champs philosophiques ? Pourquoi il les tĂąte ? Parce quâil nây a personne ! En ce moment, quel est le visage charismatique â en tĂ©lĂ©, en philo ou en religion â qui te fout Ă genoux ? Il y a peut-ĂȘtre BenoĂźt XVI, mais il est un peu rĂ©servĂ© quand mĂȘme. Donc non, il nây a personne qui te met une BAFFE mentale ! Ou alors il faut le chercher dans lâart : un chanteur, un acteur, un rĂ©alisateur. Donc, voilĂ , le champ artistique peut avancer sur le religieux, politique et philosophique. Moi jâai donc tendance Ă avancer comme ça en me disant que lâart pourrait ĂȘtre la forme de la transe religieuse ! Tu sais, un jour un prĂȘtre mâa vu Ă lâĂ©mission dâArdisson et il mâa branchĂ©, genre : « Vous vous intĂ©ressez au catholicisme ? » Je lui ai dit : « Oui, Ă ma façon. » Et voilĂ que je lui raconte une anecdote, comme quoi un jour, aprĂšs un spectacle, je suis sorti bourrĂ© dâune fĂȘte oĂč je mâĂ©tais fait chier et que par hasard, je suis tombĂ© sur un lieu de pĂšlerinage, mais abandonnĂ©. CâĂ©tait Ă cĂŽtĂ© dâun supermarchĂ©, au milieu il y avait une croix avec une vieille chapelle et une source magique oĂč les gens venaient pour des miracles. Il y avait ça en plein Ă©change routier. Jâai commencĂ© Ă partir en extase lĂ -dedans, je suis descendu dans la source, jâai pissĂ© dedans, parce quâil faut offrir quelque chose Ă la source. En gĂ©nĂ©ral les gens mettent un vĂȘtement, dâailleurs ils le font encore, il y avait des vĂȘtements encore accrochĂ©s. Donc je lui raconte ça au prĂȘtre. Et hop, quelques jours aprĂšs, un curĂ© me contacte pour parler de ça dans une Ă©mission catholique le jour du vendredi saint sur la chaĂźne de BollorĂ©.
Direct 8.
Mais comme câĂ©tait en direct, jâai Ă©dulcorĂ© le truc, je nâai pas dit que jâavais pissĂ© dans la source, parce que je me suis dit : « Je ne vais pas les matraquer, ils ne savent pas qui je suis. » AprĂšs la diffusion de lâĂ©mission, le curĂ© mâa invitĂ© chez lui et mâa dit : « Jâai Ă©tĂ© vachement déçu que vous ne disiez pas que vous aviez pisser. Parce que vous ne comprenez pas que le catholicisme câest plus dâaller chier devant une croix que de faire de fausses priĂšres ou de faux discours. Ătre catholique, câest ĂȘtre Ă©mu par un truc. Ce nâest quâune histoire dâĂ©motion artistique. » Il mâa sorti ça, puis mâa dit : « Vous savez, au Moyen Age on disait : tel quâon pratique, on croit. » Les mecs, tu loupais un truc dans le rituel, ils tâĂ©cartelaient. Mais ce que tu pensais de la foi et tes histoires de cul, ça ils sâen foutaient ! Tu leur faisais de beaux rituels et de beaux cantiques et ça voulait dire que tu croyais et que tu avais la PATATE ! A lâĂ©poque, il nây avait pas de thĂ©Ăątre, pas de cinĂ©ma, pas de radio. Les mecs habitaient dans des huttes en branchage (rires) ! Imagine, ils ne faisaient pas plus de cinq kilomĂštres dans leur vie. Alors quand une fois par an ils allaient Ă trente bornes pour voir un gratte-ciel en pierre, câĂ©tait le film, ils tombaient en transe ! Il y a eu ça et moi je le comprends trĂšs bien. Et le prĂȘtre qui mâa dit ça ce nâest pas un petit prĂȘtre, il est super bien placĂ© dans lâĂglise catholique.
Comment sâappelle-t-il ?
Je ne sais plus son nom. Câest le conseiller religieux de lâĂ©mission Merci mon Dieu (il s’agit en fait de Dieu Merci !, diffusĂ© entre 2005 et 2012 – nda). Sur le plateau de Direct 8, il y avait aussi un spĂ©cialiste de la passion du Christ et il mâa dit que ce que je disais au niveau sensuel et instinct câĂ©tait plus justifiĂ© que ce que dit un mec qui sort les dogmes du catholicisme. CâĂ©tait mieux vu de ressentir que de croire. A ce sujet, jâen ai dâailleurs entendu une belle de BenoĂźt XVI. Quand il Ă©tait encore cardinal, il a dit que Dieu, tel quâon le conçoit dâhabitude, il nây croit pas. Ăvidemment quâon ne peut pas croire en un Dieu qui est en trois personnes, qui est partout, nulle part, nĂ© dâune nana qui nâa pas baisĂ© et qui fait des bouts de pain et des bouts de vin (rires) ! Benoit XVI nâest pas plus con que nous, il nâest pas plus illuminĂ©. Il y a peut-ĂȘtre des fous mais lui nâest pas fou, donc philosophiquement il nây croit pas. Ce nâest PAS rationnel. Cette histoires de dogmes, câest du nâimporte quoi. Au lieu de croire bĂȘtement en ça, il faut rentrer dans ce nâimporte quoi. Il faut se mettre dans une certaine attitude mentale et artistique, comme au cinĂ©ma oĂč tu sais que tu nâes que devant un film sur grand Ă©cran mais tu fais semblant dây croire, tu rentres dedans, car si tu tournes la tĂȘte il nây plus de film. Des Des spectacles comme ça, câest un Ă©quilibre et une accumulation de choses qui ne veulent rien dire, mais quand câest bien fait, ça te transporte. Il nây en a plus trop Ă notre Ă©poque, mais avant ça le faisait. Les mecs voyaient un ensemble artistique et ça leur faisait du bien, ils rentraient chez eux et ils avaient envie de bosser, de baiser. Le but câest toujours de les faire prospĂ©rer.
Par une fiction bienfaisante.
Oui. Je connais un pasteur haĂŻtien, deux de ses sĆurs sont parties en transe, possĂ©dĂ©es par le dĂ©mon. Lâune des deux a dit : « Tout est impur chez moi, je dĂ©teste les papiers, la tĂ©lĂ©, tout ce quâon est dâaccord de faire en tant que bon gauchiste. » Alors elle a cassĂ© chez elle tout ce qui renvoyait au capitalisme. Elle voulait brĂ»ler lâimmeuble, brĂ»ler les dealers. Elle a commencĂ© ! Elle a dĂ©chiquetĂ© toute sa moquette, tout enlevĂ©, repeint ses murs en blanc. Le pasteur est arrivĂ© chez elle et lâa dĂ©senvoĂ»tĂ©. Il a dit : « DĂ©jĂ , si la religion nâamĂ©liore pas ton existence, câest que câest de la merde. Alors ce nâest pas la peine dâaller plus loin car la religion câest fait pour prospĂ©rer et avoir la paix. » Du SUPER concret ! Tu peux dire ça Ă SĂ©golĂšne Royal, Ă tout le monde : on sâen fout de ton discours. Juste regarde : est-ce que les poubelles sont ramassĂ©es ?
Pour toi, la bĂȘtise siĂšge donc quelque part dans le dĂ©ni que l’esprit fait du corps ?
Oui, pour moi, il nây a pas de bĂȘtise dans le corps, on nâest que ça : un intestin. La tĂȘte câest greffĂ© comme un kyste Ă cĂŽtĂ©. Le corps, ça marche sans tĂȘte. Il nây a aucune bĂȘtise lĂ -dedans. Au contraire, câest super intelligent. Lâintestin, ça analyse tous les produits chimiques. A tout instant, tu marches dans la rue, tu ne tombes pas par terre. Si on commence Ă tâexpliquer comment ça fonctionne, tu as le vertige. Câest dingue, les systĂšmes que tu as dans les oreilles et dans le ventre et qui analysent tout en fonction de ce qui se passe. Le cerveau qui est soi-disant intelligent ce nâest rien ça, ce nâest que de la merde. Pratiquement. Ăa sert dans certains cas, trĂšs limitĂ©s. Ăa ne sert Ă rien pour la survie de lâespĂšce. Câest surĂ©valuĂ© par les connards qui se posent en petits chefs de cette intelligence et surĂ©valuent donc leur propre aptitude. La bĂȘtise, câest la certitude intellectuelle. Câest vraiment grave ça. De se croire le plus fort, le meilleur, imbattable. Ăa, câest dangereux. Mais le gros pet, il nây a pas de connerie lĂ -dedans. Je ne vois pas en quoi. Je ne peux pas dire que ça ne pue pas, ça pue, mais ce nâest pas MAL. Câest normal ! Ce nâest quâune fonction vitale ! Ce pet, il fallait le faire sinon tu avais mal au bide. La connerie çâaurait Ă©tĂ© de le garder. Donc tous les trĂ©sors culturels qui viennent de ton intestin sont bons. Parce que câest ton intestin qui te dirige. Câest comme le fonctionnement du cĆur ou de tes poumons, ça te supplante. MĂȘme les couilles. Le cerveau passe aprĂšs les couilles.
Le corps est plus important que lâesprit ?
Non, je ne suis pas dans ce rapport de plus ou de moins, parce quâun texte ce nâest quâun appendice de lâintestin. Ce nâest pas plus, câest un des circuits, qui est lĂ , qui a un rĂŽle, je ne sais pas trop lequel, mais il a un rĂŽle. Câest juste que des gens ont complĂštement surĂ©valuĂ© ce truc-lĂ . Et eux, câest des cons, ils vont nous foutre dans le mur. Câest les mĂȘmes mecs qui nous inventent toutes ces conneries de soi-disant progrĂšs technique. Chaque progrĂšs technique est en fait une chute. Quand on Ă©tait un singe Ă poil, tout fonctionnait bien, on nâavait pas besoin de tant de matos. Mais chaque jour on achĂšte plus de merde. Des prothĂšses pour handicapĂ©s. Câest-Ă -dire que tout ce quâils appellent « fruits de lâintelligence humaine », câest de la dĂ©cadence intĂ©grale. Lâhumain est malin : il n’arrive plus Ă manger avec les doigts ? Il trouve un petit bĂąton ; il y a trop de fourmis ? il invente le fusil. A chaque fois quâil rencontre un problĂšme, il a recours Ă la technologie, Ă une nouvelle prothĂšse, et ça signe sa dĂ©cadence. Lâhomme, câest le dernier des handicapĂ©s, il nâest mĂȘme pas foutu de bouffer et de laver son slip tout seul ! Câest trĂšs grave son problĂšme. Et il semble avoir vraiment besoin de ses prothĂšses parce quâil serait prĂȘt Ă tuer la moitiĂ© de la planĂšte pour avoir des voitures oĂč il puisse fourrer son bide. Câest triste ça.
Pour toi la bĂȘtise nâest donc pas le contraire de lâintelligence ?
Non, ce quâils appellent la bĂȘtise câest le bien et ce quâils appellent lâintelligence câest le mal, câest le diable en personne qui est en train de dĂ©truire lâhumanitĂ©, câest tout ce que câest. Câest ça quâils appellent lâintelligence. De toute façon le diable, câest toujours celui qui parle le et raisonne le mieux.Moi, je connais plein de crĂ©oles et d’haĂŻtiens branchĂ©s mystique et tu sais comment ils reconnaissent quelquâun de possĂ©dĂ© par le diable et qui fait le mal sur terre ? Câest une personne qui est en train de tâexpliquer comment faire pour amĂ©liorer ta situation. Ăa, câest le signe typique du diable. Alors, combien il y en a, Ă la tĂ©lĂ© et tout ? SĂ©golĂšne Royal, tous ces gens-lĂ , câest des gens manipulĂ©s par un dĂ©mon. Mais câest super chaud parce quâils ont lâair blanc ! Parce que Ă©videmment, le diable ne sâhabille pas en assassin, sinon ça ne passe pas. Câest le mec le plus intelligent et le plus confiant, qui explique aux autres comment sâamĂ©liorer. Or, pour les haĂŻtiens, si tu veux faire mieux, commence par amĂ©liorer ton taf Ă toi, et ferme ta gueule. Le mec bien, câest le mec, bon il a ratĂ© son truc, il refait, tout seul, dans son coin, en se disant : « Si moi je fais mieux câest dĂ©jà ça et ça va peut-ĂȘtre faire boule de neige. » Parce que tu vois, l’antiraciste typiquement, câest un gars qui rĂ©pand le mal sur terre. SĂ©rieusement. Parce que le mec est en train de dire aux autres : « Faut pas faire ci, faut pas faire ça ! » Et dans une sociĂ©tĂ©, celui qui dĂ©nonce les autres crĂ©e des scissions. Un jour, une vieille antillaise de 90 balais mâa dit : « Regarde un groupe de gens qui ont un projet commun. Tu verras ce phĂ©nomĂšne. Il y a toujours un mec qui arrive avec une putain dâexigence, genre : « On a dĂ©rivĂ© de notre but initial, on fait le billet Ă 6 euros au lieu de 5 ! » Si le mec commence Ă te mettre une pression de puretĂ© dans le projet, il va le faire pĂ©ter en deux car tout le monde va se battre. Dire aux autres quâil faut ĂȘtre meilleur, câest une source de conflit Ă©norme.
(OFF RECORD.)
Merci à Bastien pour ces photos de Costes, chez lui, dans la Sarthe, issues de son article 24H avec Jean-Louis COSTES actuellement lisible dans le numéro 2 de Gonzai magazine.
Toujours aussi intéressant !
La fin est vraiment excellente !
Encore merci
You’re welcome ! J’aime bien aussi la montĂ©e en puissance thĂ©matique qui s’est faite dans cette interview…