Suzanne Belaubre : Tous ces mots

Suzanne Belaubre c’est une jeune (elle doit avoir quoi ? 25 ans, quelque chose comme ça) auteur-compositrice-interprète que j’ai rencontrĂ©e en octobre 2019 (le 24 pour ĂŞtre prĂ©cis !) chez le disquaire les Balades Sonores Ă  l’occasion du showcase d’une consĹ“ur, Marie Sigal.

Marie y fêtait la sortie de son EP Les Géraniums et elle avait (si ma mémoire est bonne) invité Suzanne à venir faire quelques chœurs sur un de ses morceaux. D’ailleurs elle aime ça Suzanne, faire les chœurs et secondes voix. Elle en a faits sur le très beau titre « Autre part » de Bigflo et Oli que j’ai découvert grâce à elle (il figure sur La Vraie Vie, deuxième album du duo de rappeurs toulousains sorti en 2017). Soul sister la miss. En back-up. Re-Présente. Entriste ?

Suzanne Belaubre est de cette gĂ©nĂ©ration Ă©ternelle jeune pousse Ă  qui les expressions « groupe en dĂ©veloppement Â» et « porteur de projets Â» devrait donner de l’urticaire s’ils avaient jamais connu autre chose. Quand tout est peu ou prou tombĂ©, que reste-t-il Ă  entrer ? VRP activiste d’elle-mĂŞme, en mai dernier c’est donc par voie de presse, pardon Messenger qu’elle m’a appris qu’elle allait sortir son premier EP : Tous ces mots.

Il l’a été le 26 juin sur toutes les plateformes digitales type Spotify et Deezer, comme ça se fait aujourd’hui, histoire de pas poireauter sans fin la signature qui ferait qu’ils seraient heureux-feraient beaucoup d’enfants, mais de quand même se jeter à l’eau et de voir. On sait jamais. Un hameçon pourrait traîner. Un hameçon ou quelques âmes sensibles.

Crédits photo : Céleste Leeuwenburg.

L’EP s’appelle donc Tous ces mots. C’est un 5 titres oĂą figure « Chagrin Â», « MĂ©tro Â», « Tous ces mots Â», « Un Sourire Â», « RĂŞve Â» et « Paroles Â». Vous pourrez aussi l’écouter sur Youtube car Suzanne l’y a mis avec Ă  chaque fois un visuel spĂ©cifique. Et ce n’est pas anodin. En effet Suzanne dessine aussi beaucoup. Peut-ĂŞtre mĂŞme presque autant qu’elle chante et compose. Pour un prĂ©cĂ©dent morceau intitulĂ© « La Lumière Â», elle a d’ailleurs rĂ©alisĂ© un vidĂ©o-clip intĂ©gralement animĂ© Ă  partir de ses croquis.

Il y a dans ses images quelque chose qui m’évoque le traits de Cocteau. Marie, me dira-t-elle, lui en avait d’ailleurs fait la remarque, comme quoi… CĂ´tĂ© clip, Suzanne m’a annoncĂ© qu’elle prĂ©voyait d’en faire Ă©galement un « maison Â» pour « Tous ces mots » et peut-ĂŞtre mĂŞme aussi pour « RĂŞve » ou « Chagrin ». Pour l’instant toujours rien Ă  l’horizon.

RĂ©alisĂ© avec ClĂ©ment Libes, qui s’est notamment distinguĂ© auprès de Christophe et Bigflo et Oli), Suzanne me l’a prĂ©sentĂ© comme « un premier EP de chanson française Â». Sur Facebook elle formule d’ailleurs l’espoir qu’on apprĂ©ciera ce parti pris  « un peu Ă  l’ancienne ». Si elle le prĂ©cise, c’est qu’elle compose Ă©galement dans une veine plus en phase avec son jeune âge, c’est-Ă -dire dans un mode plus gender-fluid qui mĂŞle habilement Ă©lectro, pop et rap.

Elle dit que si elle avait Ă©tĂ© d’ Â« un autre temps Â» elle aurait « bien aimĂ© Â» envoyer ce disque Ă  Gainsbourg pour voir ce qu’il lui aurait conseillĂ©. En son absence, elle m’a demandĂ© si ça me disait « d’y jeter une oreille Â». Quand c’est gentiment demandĂ©, je prends le risque. J’ose et j’y mets mĂŞme plus que mes deux oreilles. Surtout si la fille est mignonne. C’est mon cĂ´tĂ© Gainsbourg. Pardon : Nicky Larson. HĂ© vous savez quoi ? Elle a bien fait et moi de mĂŞme.

2e Androgyne, 2020 (aquarelle par Suzanne Belaubre)

« Ah bah lĂ  tu tiens quelque chose Suzanne. Bravo. Très beau. Pomme a du souci Ă  se faire ! Textes, mĂ©lodies et arrangements sont subtils tout en allant Ă  l’essentiel. Mon titre prĂ©fĂ©rĂ© ? Celui que j’aurais pris en single, tu veux dire ? Non, ça m’embĂŞte pas. Attends je réécoute pour te dire ça. HĂ© bien j’imagine que pour le single tu as choisi « Tous ces mots Â» et son gimmick vocal entĂŞtant. Il a un feeling qui me fait un peu penser Ă  France Gall et Michel Berger. Mais aussi Ă  Camille et Angèle in away. Ce ne serait pas un mauvais single ! »

« Mais j’aime aussi la mĂ©lodie guillerette d’ « Un Sourire Â», elle s’imprime bien, et le texte de « MĂ©tro Â» qui dit quelque chose de ce qu’on vit tous sans trop se le dire, « MĂ©tro Â» qui a une musicalitĂ© un peu plus moderne, nacrĂ©e. Je retrouve cette nacre dans l’onirisme de « RĂŞve Â», qui est plein – creux devrais-je plutĂ´t dire – d’une profonde tristesse, un gouffre insondable bien suggĂ©rĂ©. « Paroles Â» me touche un peu moins eu Ă©gard Ă  son exercice de style verbal. Mais lĂ  oĂą d’autres restent souvent au ras des pâquerettes je trouve que tu t’en tire bien parce qu’il s’en dĂ©gage quand mĂŞme une certaine poĂ©sie, signe que tu sais bel et bien Ă©crire ! Et la mĂ©lodie est cool. Nan si, en fait celui-lĂ  aussi est beau. Re-bravo ! Â»

Crédit photo : Céleste Leeuwenburg.

A me relire je m’aperçois que j’ai omis de parler du morceau « Chagrin Â» et c’est en fait entre lui et « Tous ces mots Â» qu’elle a « un peu hĂ©sitĂ© Â» pour vous donner envie de dĂ©couvrir l’EP. Maintenant je ne vous en dis pas plus, Ă  vous de jouer. Peut-ĂŞtre irez vous mĂŞme dĂ©mĂŞler les liens qu’elle semble avoir avec tout plein de groupes ou collectifs dont je n’ai pas trop saisi l’identitĂ© ni s’ils Ă©taient actuels ou passĂ©s.

En tous cas, en attendant des jours meilleurs qui n’arriveront peut-être jamais vu la bascule claire dans laquelle nous sommes – il n’y a plus d’industrie et au-delà d’un coup de pouce digital la plupart d’entre nous ont d’autres crèmes à fouetter que de se pencher sur l’essor hypothétique de nouvelles pousses musicales – moi de jeunes artistes comme ça, comme Suzanne je veux dire, bien qu’ils soient noyés dans l’espace intersidéral qu’on sait (pour l’instant en tous cas), ça me rempli d’espoir, de présence. Enthousiasme. Ils ne sont pas perdus pour moi ceux qui, comme elle, rêvent que ce genre de mots partagés en MP se retrouveront sur un blog. Pas perdus. Quand bien même ils seraient en prise avec une perpétuelle aube grise.

L’industrie musicale s’effondre et certaines personnes aussi, mais l’avantage que les gens ont sur l’industrie et que l’industrie n’a pas sur eux c’est que ce sont eux qui Ă©coutent la musique et forment Ă©ventuellement des structures qu’on appelle industries, pas l’inverse. Donc allons, autant passer directement par les gens. Les gens c’est l’avenir, le prĂ©sent. Aujourd’hui, plus que jamais, eux le sĂ©same. Vas-y Suzanne, belle aube : rĂ©siste, prouve que ton talent existe.

Suzanne Belaubre sur Bandcamp.

Suzanne Belaubre chez Far Prod.