PHIL SELWAY : WEATHERHOUSE (2)

Running Blind EP

23 octobre 2014. 17h. Entre Oxford et Paris : « Oui, s’il te plait, viens ! » avait-t-il fini par me dire quand on s’Ă©tait tĂ©lĂ©phonĂ© pour parler de son deuxième album, Weatherhouse, et on en Ă©tait restĂ© lĂ , Ă  son incitation Ă  ce que je vienne le voir jouer Ă  la Maroquinerie, le 6 fĂ©vrier prochain. J’avais dit : « Oui… », comme on dit spontanĂ©ment dans ces cas-lĂ , parce qu’on vient de passer un bon moment avec le gars et que ça semble naturel que ça ne s’arrĂŞte pas lĂ , qu’il y ait suite parce qu’on a un peu l’impression d’ĂŞtre devenu pote. D’avoir coincĂ© la bulle dans la bulle. Alors « Oui… j’essaierai ».

J’avais dit pareil Ă  David Paich, le claviĂ©riste de Toto après l’avoir interviewĂ©, comme je l’ai aussi dit Ă  tout un tas de musiciens après pareille occasion. Par politesse, empathie et sens du happy end. En Ă©cho Ă  l’injonction enthousiaste de le retrouver sur scène avec ses petits camarades. Comme si oui, ça comptait vraiment pour lui, qu’on se reconnaĂ®trait une fois lĂ -bas, et qu’on irait boire une bière. Mais souvent il n’y a rien après. Chacun retourne Ă  sa vie, moi ma petite, eux leur grande. C’est d’ailleurs ce qui s’est passĂ© avec Toto, parce que je n’avais pas vraiment envie de les voir live.

Pour Phil Selway c’Ă©tait diffĂ©rent. Je n’avais pas totalement envie de le voir en concert. Je me disais que sa musique ne se prĂŞtait pas forcĂ©ment Ă  de grands Ă©clats scĂ©niques mais que pourquoi pas, ça pouvait ĂŞtre agrĂ©able de voir ses belles complaintes pop-folk nimbĂ©es d’arrangements electronica, comme en tĂ©moigne son nouveau single, « Coming Up for Air ». Et puis c’est Phil Selway quand mĂŞme, le batteur de Radiohead. Et je me disais : « Mec, t’as toujours souhaitĂ© te rapprocher de Radiohead pour pouvoir les interviewer un jour alors y’a pas 36 solutions, vas-y, approche. »

Dans mon Ă©lan je n’avais pas fait les choses Ă  moitiĂ©, je m’Ă©tais rapprochĂ© d’un second Phil pour me rapprocher de Radiohead, j’avais proposĂ© mon entretien de Selway à ManĹ“uvre, de Rock & Folk, qui avait dit oui. C’est pour ça que j’avais resollicitĂ© une interview de Philip Selway. Pour faire le plus beau papier possible pour Philman. Qui sait ? Ça me permettrait peut-ĂŞtre de mettre le pied dans la porte et de me placer s’il leur fallait un jour du sang neuf pour interviewer Thom Yorke. (Quoi ? On peut rĂŞver.) Mais finalement ManĹ“uvre refusera mon interview de Phil Selway.

Ce n’Ă©tait pas la première fois que je me frottais Ă  lui pour lui proposer un article. Je n’y vais jamais avec plaisir (je sais qu’on a des conceptions diffĂ©rentes du journalisme rock et le type globalement imbuvable) mais par calcul (c’est con mais son mag continue d’exercer un certain attrait pour qui veut Ă©crire sur la chose). BoostĂ© par ma passion pour (presque) tout ce qui touche Ă  Radiohead, j’avais donc opportunĂ©ment fait fi de nos prĂ©cĂ©dentes envolĂ©es de bois vert. Et j’allais en ĂŞtre rĂ©compensé : je n’avais jamais Ă©tĂ© aussi près du but. Il a trouvĂ© l’entretien ennuyant, Ă  chier.

Ce sera très sympa d’ĂŞtre allĂ© Ă  la Maroq ce 6 fĂ©vrier 2015. Le concert sera bon, les morceaux servis sur un plateau par des musiciens ultra complets, talentueux, pointus (je serai notamment sĂ©duit par leur relecture de « Running Blind », issu de l’EP du mĂŞme nom sorti Ă  l’Ă©tĂ© 2011) et j’aurais mĂŞme l’occasion de sympathiser avec Phil cĂ´tĂ© resto après le concert. Je lui demanderai mĂŞme son mail, prĂ©textant l’envoi de 2-3 trucs pour rafraĂ®chir son rapport Ă  notre langue, et le dĂ©sir de rester en contact (mail obtenu mais restĂ© sans rĂ©ponse). C’Ă©tait cool de se re-avoir au tel le 16/12/2014. 

« il y a quelque chose à retenir du dernier Coldplay » 

 

Chris Vatalaro (batteur), Phil Selway (guitare voix), Katherine Mann (synthé, violon, scie musicale) et Adem Ilhan (guitare, basse) à La Maroquinerie le 6 février 2015 (photo : Gaëlle Riou-Kerangal)

Chris Vatalaro (batteur), Phil Selway (guitare voix), Katherine Mann (synthé, violon, scie musicale) et Adem Ilhan (guitare, basse) à La Maroquinerie le 6 février 2015 (photo : Gaëlle Riou-Kerangal)

 

Bonjour Philip. Ça va ?
Ça va et toi ?

Très bien, merci. Alors quoi de neuf depuis qu’on s’est eu au téléphone fin octobre pour parler une première fois de la sortie de Weatherhouse ?
Et bien de la musique et encore de la musique. C’est tout et c’est l’endroit oĂą je me sens bien.

Tu es plus que jamais dans la musique ?
Oui, c’est comme ça en ce moment et tu sais quoi ? Ça me plaît d’en être là.

Qu’est-ce qui explique cet recrudescence de musique dans ta vie ? Des enregistrements studio, des concerts un peu partout ?
En fait, c’est un mĂ©lange parce que d’un cĂ´tĂ© je travaille en studio avec Radiohead et de l’autre je rĂ©pète pour mes concerts de l’annĂ©e prochaine. En gros, en ce moment en dĂ©but de semaine je travaille avec Radiohead, en fin de semaine je m’occupe de mes morceaux et entre les deux j’Ă©coute beaucoup de musique. C’est bien, c’est mon truc.

Ok, tu es par monts et par vaux. Comment tiens-tu ? Enfin la coke à 47 ans ?!
Oh, non (rires) ! Moi c’est chocolat sur toute la ligne. Du chocolat et du café.

Bien. La dernière fois on a parlĂ© de tes batteurs prĂ©fĂ©rĂ©s, ceux qui t’ont donnĂ© l’envie de faire de la musique mais pas des singer-songwriters qui comptent pour toi. Viennent-ils pour la plupart des groupes oĂą figurent tes batteurs prĂ©fĂ©rĂ©s ?
Non, la plupart viennent d’ailleurs. Par exemple quand je travaillais sur mon premier album, parmi les singer-songwriters que j’avais en tĂŞte pour savoir un peu oĂą aller et comment m’y prendre, il y avait Will Oldham, Lisa Germano et Beth Gibbons. Je ne dis pas que je suis Ă  leur niveau, mais c’est une direction. Et je pense Ă  eux parce qu’ils sont de ma gĂ©nĂ©ration. Mais il y en a tellement d’autres que j’admire… comme Joni Mitchell par exemple.

Oh ! C’est marrant, j’ai parfois pensĂ© Ă  Joni Mitchell quand j’écoutais ton album. Parce que tes chansons gardent une mouture folk et que tu as un chant assez haut, fĂ©minin et en cela pas si Ă©loignĂ© de celui qu’elle a sur ses premiers albums.
Super, c’est cool. Et si je suis la trajectoire de Joni Mitchell, dans 20 ou mĂŞme 15 ans, j’aurai un voix vraiment grave donc la suite s’annonce intĂ©ressante, il y aura un virage ! Mais moi, comme j’allais te le prĂ©ciser j’adore particulièrement l’écriture de Will Oldham. C’est comme ça, quand tu te focalises sur les auteurs-compositeurs un peu classiques, ceux qui font Ă©cole, tu te tournes, comme lui, vers des gens comme Neil Young, Carly Simon (ses deux plus grands succès sont « You’re So Vain » et « Nobody Does It Better », la chanson-thème de L’Espion qui m’aimait, le James Bond de 1977, que Radiohead reprendra durant ses premières annĂ©es – nda) ou Carol Kaye (considĂ©rĂ© comme la bassiste de studio la plus prolifique elle aurait jouĂ© sur plus de 10 000 disques en 55 ans de carrière dont beaucoup de Phil Spector, de Brian Wilson et de Simon & Garfunkel – nda), parce que tu vois d’oĂą tout ça vient, cette espèce de direction… mĂŞme si je suppose que bon, les auteurs-compositeurs les plus classiques se mettraient peut-ĂŞtre plutĂ´t du cĂ´tĂ© de l’AmĂ©rique qu’incarne quelqu’un comme Stephen Sondheim (compositeur et parolier de comĂ©dies musicales, notamment de celles de West Side Story – nda). Reste qu’il y a tant de travail chez tous ces gens, un travail si minutieux dans ce qu’ils font, que voilĂ , c’est vers ça que je veux me diriger. Tu peux aussi voir ça chez quelqu’un comme Nick Cave. On peut voir ça prendre forme au fur et Ă  mesure de sa discographie, il a affutĂ© son art d’auteur-compositeur. Et c’est ça maintenant mon but… Le chemin est long, dur, heureusement il y a beaucoup de bons modèles Ă  observer, pour voir comment ils y sont parvenus et avec eux tu comprends que pour qu’une chanson soit bonne et qu’elle rentre dans la vie des gens il faut qu’elle soit vraie, qu’elle sonne vraie. Paul Simon a cet incroyable catalogue de chansons qui font exactement ça. Neil Finn aussi…

Oui, il a fait quelques super tubes avec Crowded House : « Don’t Dream It’s Over », « Fall at Your Feet », « Weather With You »… Il y a quelques annĂ©es j’ai rĂ©alisĂ© que mĂŞme son fils Ă©tait ultra douĂ©. J’ai beaucoup aimĂ© son premier album, I’ll Be Lightning. L’as-tu Ă©couté ?
Liam ? Oui, il est excellent. Très bon, absolument.

Pour un premier album, j’étais étonné. En plus il fait tout dessus !
Je me souviens que lorsqu’on travaillait sur le projet 7 Worlds Collide avec Neil, le premier album du moins (7 Worlds Collide est un projet musical humanitaire lancĂ© par Neil Finn et dont le premier album, regroupant ses prestations live avec des amis tels qu’Ed O’Brien, Eddie Vedder, Johnny Marr, Lisa Germano, a Ă©tĂ© suivi en 2009 par un second album, studio cette fois, The Sun Came Out – nda), c’Ă©tait en 2001 et Liam avait dans les 14 ans. Et dĂ©jĂ  Ă  l’époque c’était chanteur-compositeur accompli. Et une fois de plus, c’est quelqu’un qui affĂ»te son art. Il continue Ă  faire ça et devient un auteur-compositeur puissant crĂ©ativement… et multi-instrumentiste en plus. C’est injuste mais c’est comme ça (rires) !

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Chris Vatalaro (batteur bidouilleur) à la Maroquinerie le 6 février 2015 (photo : Gaëlle Riou-Kerangal)

Comment Ă©volue ta relation avec la musique en tant qu’auditeur ? Écoutes-tu toujours autant la musique des autres depuis que tu en fais toi-mĂŞme ?
Oui, encore plus maintenant qu’avant… Je suis en train de rĂ©flĂ©chir Ă  ce que j’ai par exemple Ă©couté aujourd’hui… Ah oui, j’ai Ă©couté MĂ©lanie De Biasio, Miles Davis, Dusty Springfield, et St.Vincent aussi. J’en Ă©coute plus que jamais parce qu’aujourd’hui il y a plus de musique qu’il n’y en a jamais et qu’il y a aussi plein de moyens pour y accĂ©der facilement.

Avec le temps Ă©coutes-tu toujours de la pop et du rock ou cela ne t’intĂ©resse plus trop ?
C’est toujours lĂ , dans un coin de ma tĂŞte. Au risque de rentrer par une oreille et de sortir par l’autre,cette musique s’infiltre toujours en toi, que tu le veuilles ou non, parce qu’elle passe Ă  la radio donc si tu l’allumes, voilĂ . Mais je n’ai pas de problème avec ça, j’ai comme un filtre qui fait que je ne stocke que ce qui m’intĂ©resse vraiment et qu’une sorte d’osmose s’opère, si bien que je ne me sens jamais parasitĂ© par cette pop. Et puis, tu sais, j’aime la pop, il y aurait d’ailleurs beaucoup de choses Ă  en dire, et Ă  faire. Si tu as un bon arrangeur, tu peux mettre plein d’idĂ©es brillantes dans un tout petit coin de ta pop song. On se dit que la pop n’a, par nature, pas besoin de ce genre d’efforts. Mais pour moi c’est juste que la bonne pop cache se doit de cacher les difficultĂ©s de son Ă©laboration. Il y a donc toujours de bonnes chansons pop dans les parages.

Dans le genre as-tu écouté les derniers U2 et Coldplay, des choses comme ça ?
J’ai écouté deux-trois morceaux du dernier Coldplay, pas tout l’album.

Tu as trouvé cela inspirant, inspiré ?
Hmm, disons que lĂ  aussi, quand tu regardes ce qu’ils font et comment ils se dĂ©veloppent en tant qu’artistes, tu peux comprendre comment leurs dĂ©cisions ont Ă©tĂ© prises, pourquoi ils ont voulu aller dans telle direction, telle collaboration, et comment ça a changĂ© leur façon de fonctionner en tant que groupe, et je trouve ça fascinant. Il y a de l’inspiration lĂ -dedans. Quelque soit le genre de musique que tu Ă©coutes, tu peux en tirer quelque chose parce que tu sens que ces gars y ont mis leur cĹ“ur et leur âme, qu’ils assument les choix qu’ils ont fait et le fait que certains de leurs auditeurs ne s’y reconnaĂ®tront pas. Oui, pour moi il y a donc quelque chose Ă  tirer du dernier rĂ©alisĂ© par Coldplay.

Il y a quelques jours je parlais avec un ami et il m’a dit qu’il adorait ton dernier album, qu’il le préférait même au dernier Thom Yorke, parce que sur le tiens il y a de vraies chansons. Qu’en penses-tu ?
Tu sais, ça fait un petit bout de temps que je suis un bien meilleur auteur-compositeur que Thom, je ne peux donc que donner raison à ton ami, il a ouvert l’œil et le bon (rires) !

Pour lui chez Radiohead, depuis quelques albums il y a clairement une volontĂ© d’Ă©viter les structures pop, il te loue donc pour Ĺ“uvrer en sens inverse… Que penses-tu de cela, de l’approche soit-disant dĂ©constructiviste de Radiohead, la vois-tu vraiment comme telle ? Je veux dire, il y avait de vraies chansons sur un album comme In Rainbows
Oui et c’Ă©tait Ă  nouveau moins Ă©vident sur The King of Limbs mais pour moi il y avait encore des chansons. En fait chez Radiohead il y a une dynamique et une raison prĂ©cise qui motive tels arrangements plutĂ´t que d’autres. Et j’aime toujours l’atmosphère de dĂ©fi dans laquelle on se retrouve Ă  chaque fois qu’on se remet Ă  travailler des morceaux de Radiohead. Quand tu as cinq personnes qui amènent chacune quelque chose Ă  un morceau et que ces cinq personnes travaillent ensemble depuis longtemps, tu es sans cesse poussĂ© Ă  tenter de nouvelles choses pour continuer Ă  te faire plaisir et, avec un peu de chance, Ă©veiller l’intĂ©rĂŞt de tes camarades. Aucun de nous n’est donc frustrĂ© de ces nouvelles mĂ©thodes d’écriture. Je suis aussi fier de ce qu’on fait que de ce que je fais avec mes propres compos. Ça me permet de faire un vrai tour du monde musical.

Cette diffĂ©rence de songwriting entre quelqu’un comme toi et quelqu’un comme Thom ne se joue-t-elle sur le fait que lui, comme je l’ai lu quelque part (dans Les Inrocks pour la sortie en 2006 de The Eraser), ne se voit pas en songwriter mais plutĂ´t en songwriter (il a dĂ©clarĂ© dans cette entretien qu’il n’Ă©tait en effet « pas vraiment un songwriter », qu’il n’en Ă©coutait pas, « hormis quelques anciens comme Scott Walker ou Stephen Malkmus », qu’il Ă©tait plus branchĂ© « sons, beats, grooves » et que c’est pour ça qu’il « peut ĂŞtre très frustrĂ© par l’Ă©coute de Radiohead », parce qu’Ă  son « corps dĂ©fendant » ils font des chansons) ?
Thom a littĂ©ralement la musique dans la peau et un sens rythmique incroyable. En tant que batteur, travailler avec quelqu’un qui voit les choses comme ça, c’est gĂ©nial, ça règle tout comme du papier Ă  musique. Mais au fond, ça ne fait pas moins de lui un incroyable auteur-compositeur-interprète. Au contraire. Il s’en tire toujours avec ce qu’on lui propose. Et c’est ça le cĹ“ur de ce qu’on fait avec Radiohead. J’aime son approche iconoclaste, sa libertĂ© musicale. Je suis donc avec un rĂ©el intĂ©rĂŞt ce qu’il fait en solo et avec Atoms For Peace.

Je comprends. D’ailleurs au dĂ©part j’Ă©tais un peu mĂ©fiant, rĂ©ticent, mais j’ai finalement trouvĂ© que l’AMOK de Atoms for Peace Ă©tait un super album.
Absolument. Il a un Ă©ventail large musical que j’aimerais retrouver sur la feuille de route du groupe. C’est comme les musiques de films de Jonny (Greenwood, guitariste et clavĂ©riste de Radiohead – nda), c’est Ă©galement diffĂ©rent de ce que fait Radiohead, mais il y a lĂ  aussi une patte Ă  l’oeuvre, quelque chose qui fait que c’est identifiable. Et c’est ce mĂ©lange spĂ©cifique, ce lien fort entre nous tous que tu peux entendre dans Radiohead, ce terrain oĂą l’on se retrouve et oĂą s’entrechoquent nos bagages respectifs. C’est vraiment super d’écouter les projets de chacun et de pouvoir trouver cette alchimie musicale au sein de Radiohead.

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Katherine Mann (aka Quinta) à la Maroquinerie le 6 février 2015 (photo : Gaëlle Riou-Kerangal)

Te livreras-tu Ă  une session From the Basement avec tes chansons comme l’ont dĂ©jĂ  fait Radiohead et Thom Yorke ?
Ce serait chouette. Ça dĂ©pend un peu des sollicitations que je recevrai l’annĂ©e prochaine en plus des dates de concerts que j’ai prĂ©vues. Mais oui, ce serait chouette de le faire, ne serait-ce que pour avoir ce genre de regard Ă  un moment donnĂ© sur les versions live de mes morceaux. On pu faire ça avec Radiohead quand on a sorti In Rainbows et The King Of Limbs et on s’est rendu compte que ça prenait toute sa valeur quelques annĂ©es plus tard, quand on se repenchait dessus comme une photo de ce qu’on Ă©tait Ă  ce moment-lĂ . Parce quand tu les fais, t’es dans le vif du truc, tu ne vois pas tout. Mais c’est gĂ©nial de pouvoir revenir dessus quelques annĂ©es plus tard avec un regard plus objectif, c’est presque comme si tu dĂ©couvrais enfin la prestation pour ce qu’elle Ă©tait, en pur spectateur.

Les sessions From the Basement sont-elles aussi la seule solution pour que Radiohead puisse de nouveau jouer dans l’intimitĂ© d’une petite salle ?
On a joué dans plein d’endroits différents et on continue.

Mais force est de reconnaître que vous ne pouvez plus vous produire dans des petites salles depuis un bail. Est-ce problématique pour vous ?
Ça devient un problème quand tu le laisses devenir un problème. On peut rĂ©duire la taille des salles parce qu’au final nous sommes juste cinq gars qui jouent ensemble. Oui, en rĂ©flĂ©chissant un peu aux arrangements des chansons, on peut jouer partout en fait. On essaie donc de rester ouverts Ă  tout et de ne pas se sentir coincĂ©s dans une certaine approche des concerts au dĂ©triment d’une autre, tout comme on se permet de s’Ă©manciper dans nos projets solo. Faire mes propres albums me permet d’ailleurs de garder un ?il sur tout ce qu’il est possible de faire parce que les salles oĂą je joue sont justement des petites salles, celles qui te permettent de ressentir l’immĂ©diatetĂ© du rapport au public. J’ai jouĂ© dans des endroits ravissants. Tu veux toujours que les gens fassent la plus belle expĂ©rience musicale possible et le choix de la salle en fait partie.

RĂ©cemment j’interviewais le cĂ©lèbre journaliste rock Nick Kent, que je sais aimer Radiohead. Je l’ai lancĂ© sur le sujet, lui demandant pourquoi il n’avait pas encore Ă©crit un livre sur vous, parce qu’en plus il vous a dĂ©jĂ  vu en concerts Ă  plusieurs reprises, et il m’a dit qu’il n’y a pas si longtemps quelqu’un l’avait approchĂ© pour lui proposer d’Ă©crire une bio sur Radiohead, mais que ça ne le branchait pas parce qu’il estime qu’il n’y a rien Ă  raconter sur une tournĂ©e de Radiohead. Vous jouer dans des grandes salles, vous faites le taf, bien, mais basta, ce n’est pas rock’n’roll. Non, par contre ce qui l’intĂ©resserait – et lĂ  je le rejoins – ce serait d’Ă©crire sur le processus crĂ©atif de Radiohead, sur comment naĂ®t un disque de Radiohead entre le moment oĂą Thom pond des dĂ©mos et oĂą elle passe ensuite dans les mains du groupe. Que cet angle-lĂ  Ă©tait excitant.
Ça fait plaisir d’entendre que le processus crĂ©atif est ce qui intĂ©resse le plus notre public et que les concerts sont du plaisir immĂ©diat, qu’il s’agit d’y ĂŞtre. Ça me rĂ©conforte. C’est un point de vue intĂ©ressant.

Et donc toi tu seras le 6 fĂ©vrier Ă  la Maroquinerie pour nous prĂ©senter live les morceaux de Weatherhouse. A quoi doit-on s’attendre ? Y aurait-il des surprises ? Des reprises ?
Des reprises ? Non, j’ai deux albums à jouer (il a aussi sorti Familial en 2010 – nda)  alors je piocherai dedans. Mais tu as des idées de reprises à me suggérer ?

Je ne sais pas. Pourquoi pas un morceau de Neil Finn dont on parlait tout Ă  l’heure ?
RĂ©flĂ©chis et envoie moi ta liste (rires) ! Non, mais tu sais si on a pas mal Ă©vitĂ© de faire des reprises avec Radiohead, c’est que c’est très difficile de faire une version convaincante d’une chanson dĂ©jĂ  existante et ça l’est encore plus si cette chanson est la tienne ! Je vais donc m’appliquer Ă  reprendre mes mes propres morceaux, ce sera dĂ©jĂ  pas mal.

Dis-moi, pour finir, sais-tu si Colin (Greenwood, le bassiste) et Ed (O’Brien, le guitariste) ont eux aussi envie de sortir des albums solo avec leurs propres compos ?
Je l’espère car ils ont beaucoup de bonnes idĂ©es et assez de compĂ©tences au-delĂ  de leur instrument de prĂ©dilection pour proposer une vraie vision musicale. J’imagine que ce sera encore très diffĂ©rent de ce que chacun a pu faire jusqu’Ă  prĂ©sent en dehors du rĂ©pertoire de Radiohead. Oui, j’adorerais entendre ça, je pense que ce serait gĂ©nial.

Dis-leur que c’est leur tour !
Je n’y manquerai pas (rires) !

Merci, au revoir.
Merci, passe une bonne soirée.

Phil Selway (révérence du révérend) à la Maroquinerie le 6 février 2015 (photo : Gaëlle Riou-Kerangal)

Phil Selway (révérence du révérend) à la Maroquinerie le 6 février 2015 (photo : Gaëlle Riou-Kerangal)