ALINE (EX-YOUNG MICHELIN) : ALINE EP

14 mai 2012. Paris. Un mail : « Tu voudrais pas faire une itw par hasard ? » me relance un RP au sujet de la sortie, ce jour, en tĂ©lĂ©chargement et en vinyle du premier EP 4 titres du groupe pop français Aline. « Y’a matiĂšre », prĂ©cise-t-il. Je le sais bien. Aline c’est le nouveau nom de Young Michelin, le projet groupal formĂ© par Romain Guerret aprĂšs ses deux albums solo sous le nom Dondolo : Dondolisme
 (2007) et Une vie de plaisir dans un monde nouveau (2009). Young Michelin je les ai mĂȘme vus Ă  leurs dĂ©buts en concert au squat La Gare aux Gorilles Ă  l’occase d’une soirĂ©e bien bordĂ©lique organisĂ©e par le site Gonzai. Je ne me rappelle plus de ce qu’ils avaient jouĂ©. J’ai juste le vague souvenir de quatre types portant les mĂȘmes pulls mais de couleurs diffĂ©rentes comme des Bioman et d’un rock en français oscillant entre rock Pixien, popitude Indochienne et rĂ©surgence punk alterno. Pas mal mais mal dĂ©grossi comme le physique de Franck Black du leader.

Dondolo/Romain Guerret je l’avais dĂ©couvert, je crois bien, dans les pages de Technikart. Le mec de la rubrique l’ayant semble-t-il pris sous son aile en mode Ă©gĂ©rie pop française, j’y avais suivi ses aventures sous ce blaze de one-man-band. Comme c’était Tech, un mag branchĂ©, un truc me disait : « Tu dois aimer » mais ouais nan en fait pas tant que ça en fait. J’avais Ă©coutĂ© 2-3 trucs sur Myspace. Je me rappelle de son « Let your daddy sleep », qui pompait la mĂ©lodie de refrain du slow de Billy Idol : « Eyes Without a Face ». Le reste ? Pop lo(l)-fi Ă  la Jacno-Gotainer (synthĂ©, boite Ă  rythme), paroles chantĂ©es-parlĂ©es Ă  la Houellebec-Katerine (« AprĂšs m’ĂȘtre fait sucer dans mes rĂȘves, c’est marche ou crĂšve »). Style pouet-pouet bĂ©bĂȘte, borderline loser au bord de la crise de nerfs mais en filigrane. Un pote musicien aimait bien. Quand j’avais vu Dondolisme
 pour 3 francs 6 sous dans un magasin d’occasion je l’avais donc ramenĂ© chez moi. Mais mon cƓur n’y Ă©tait pas.

Et puis j’ai appris que sous la pression d’une cĂ©lĂšbre marque de pneu (Michelin, gonflĂ©), ils avaient dĂ» changer de nom, avaient optĂ© pour Aline, ce qui dĂ©jĂ  changeait mon regard, me faisant penser Ă  Christophe, Ă  l’amour, la solitude, les sixties. Et puis dans la foulĂ©e, en mars dernier, fin mars, est arrivĂ© « Je danse et puis je bois », leur nouveau morceau, pas le morceau entier, juste son teaser vidĂ©o, pour buzzer en amont de l’EP et j’ai craquĂ©. On dĂ©couvrait un tube dĂ©contractĂ© du gland, droopy groovy, superficiel par profondeur. LĂ , se plaçant sous une « double influence », « anglaise pour les guitares, pop, tristes, carillonnantes et pleine d’énergie, sous haut patronage de la scĂšne C86, de The Wake, des Pastels, des Smiths et des groupes de l’écurie Sarah records, et française pour ces textes simples et directs, naĂŻfs et sans fioritures » (dixit leur bio), l’esthĂ©tique Ă©tait nickel. « HĂ©las », « Deux hirondelles », « Je bois et puis je danse », le remix : c’est du p(r)op !

Salut les copains ! J’avais envie de partager ce titre. Je l’avais mĂȘme mis sur mon mur, accompagnĂ© d’une petite accroche de mon cru (« Les pizzas c’est comme les cĂ©libataires, t’es toujours content d’en trouver une en fin de soirĂ©e. ») ce qui m’avait valu une boulette (je venais de connaĂźtre une Aline), en plus d’une rĂ©putation de goujat et queutard patentĂ©. De mon cĂŽtĂ© je chĂ©rissais le romantisme et la fausse candeur d’Aline le disque, leur cĂŽtĂ© french spin off des Cure et des Smiths, leurs arpĂšges qui flirtent le soleil qui filtre entre les persiennes, leur musique de quatre gars qui font l’Ă©cole buissonniĂšre, cƓur et f(a)illes en bandouliĂšre derriĂšre leur fronde Pastels (« Longtemps je me suis levĂ© dĂ©bonnaire. »). GrĂące Ă  Bester (toujours dans le secret des dieux), j’ai mĂȘme pu Ă©couter une prĂ©-version du 12 titres Ă  venir d’Aline (attention spoiler : 8 sont dĂ©jĂ  connus, exit « Elle et moi » et « Les Eclaireurs » et il s’ouvre et se clĂŽt sur « Les Copains », Laplantine’s cover incluse).

Alors oui y’a matiĂšre. Le 11 mai, lors de la soirĂ©e GonzaĂŻ V Ă  la Maroquinerie, Ă©coutant Bester distiller ses conseils biz-biz Ă  l’ami AV Ă  propos de ses plans avec les maisons de disques (« Tarde pas, signe avec lui, il est top »), j’en ai mĂȘme appris une belle sur Aline. Enfin une moche. Selon lui, ils auraient loupĂ© le coche, se grillant devant tous les D.A. de Paris en foirant leur date au Point FMR lors de la soirĂ©e « TombĂ©s pour la France » du magazine Magic. Et cet Ă©chiquier biz des nouveaux jeunes gens modernes, en plus de leur musique de post Valentins, ça m’intriguait. « Mais moi je suis fatiguĂ© » comme le chante Romain alors il me fallait un petit plus, comme un cadeau Bonux. Le RP a su trouver les mots (bleus) : « Ils avaient trĂšs trĂšs peu de vinyles mais je crois qu’ils en ont re-pressĂ©. Je te redis ça. Et ok, pour une itw par mail, par contre dans ce cas on la fait pas fleuve. » Vendu. Voici mon itw shot (tant que possible) d’Aline, le 11 juin Ă  la Maroq. Rdv pris.

 

« Quand les gens veulent nous vexer ils nous traitent d’Indochine »

 

 

Bonjour Romain, bonjour Arnaud. A vos dĂ©buts, quand vous vous appeliez encore Young Michelin, on vous disait que votre musique Ă©voquait Indochine, ce qui n’est plus le cas maintenant. Comment expliquez-vous cela ?

R : Quand les gens veulent nous vexer ils nous traitent d’Indochine. Aujourd’hui on nous en parle encore alors que ce qu’on fait n’a rien Ă  voir (ou alors faut ĂȘtre sacrĂ©ment tordu).

A : C’est un raccourci assez facile : boites Ă  rythmes + chant en français = Indochine.

R  : C’est un truc qu’on traĂźne comme une absurde Ă©tiquette made in France. AprĂšs il est bien vu de cracher Ă  la gueule d’Indochine : Indochine les tocards et Taxi Girl les gĂ©nies. Les choses ne sont pas aussi simples que ça. Moi je m’en fous d’Indochine, ce ne sont pas mes hĂ©ros, mais ils ont fait quelques bons morceaux voire de sacrĂ©s tubes Ă  leurs dĂ©buts : « Miss Paramount », « Canary Bay », « Tes Yeux Noirs », c’Ă©tait pas dĂ©gueu du tout, personne ne faisait ça en France, cette guitare surf sur un fond pop/new-wave et force et de constater que ça a trĂšs bien marchĂ©.

Aujourd’hui, Ă  juste titre, on vous compare plus aux Cure et aux Smiths, Ă  tous ces groupes indie pop anglais en vogue au milieu des annĂ©es 80. Mais moi par moments je vous trouve aussi des airs du groupe Les Valentins. Ce groupe indie pop français du tout dĂ©but des annĂ©es 90, que Daho contribua Ă  lancer, ça vous quelque chose ?

A : Bien sĂ»r !!! C’est d’ailleurs Jean-Louis PiĂ©rot des Valentins (alors qu’Edith Fambuena assurait micro-grattes, il tenait les claviers – nda) qui a rĂ©alisĂ© notre album et notre EP.

R : Moi, je connaissais deux ou trois titres mais je n’Ă©tais pas un spĂ©cialiste des Valentins. Ce fut un trĂšs bon groupe de pop Ă  la française, un bel exemple. On nous compare aussi souvent Ă  Gamine et aux Fils de joie, deux groupes qu’on a dĂ©couverts assez rĂ©cemment. Pour ce qui est des Smiths, je pense que la comparaison tient Ă  certains sons de guitare et la façon de jouer. Arnaud agrĂ©mente, il est le liant de mes parties de guitare rythmique assez basiques et nerveuses. Nous serions une rencontre entre Johnny Marr (guitariste des Smiths – nda), pour les arpĂšges jangly/twang, et Robert Smith (leader des Cure – nda), pour la guitare rythmique tendue (un de mes guitaristes prĂ©fĂ©rĂ©s de tout l’Ă©tang Robert !). Bon, Ă  la base, moi je voulais surtout faire une musique d’inspiration jangly et post punk, un truc assez large qui va de Shop Assistants Ă  The Wake, des premiers Cure aux Pastels. Et puis je voulais y rajouter des ingrĂ©dients typiquement français, qui n’ont rien Ă  voir avec le pudding, comme François de Roubaix, que j’admire profondĂ©ment.

Romain, Aline est-elle la formule musicale que tu voulais atteindre avec Dondolo ?

Non pas vraiment, avec Dondolo, j’ai essayĂ© plein de choses, je cherchais, j’expĂ©rimentais Ă  mon niveau, avec les outils que j’avais, je dĂ©couvrais les ordinateurs, ça partait un peu dans tous les sens : synth-pop, Ă©lectro, chanson, rock. Avec Aline j’ai volontairement resserrĂ© le propos, restreins ma palette, c’est plus concis, plus stylĂ©, peut-ĂȘtre plus pointu et rĂ©fĂ©rencĂ© aussi. Je veux aller vers l’Ă©pure, le blanc, affiner mon langage, ma technique, mes gestes. Je reviens Ă  mes fondamentaux mais avec plus d’expĂ©rience. Ce qui fait sens, le fil rouge du truc, c’est le dĂ©sir profond d’Ă©crire des pop-songs dĂ©finitives Ă  ma maniĂšre. Toujours ce vieux fantasme d’Ă©crire le morceau parfait, tout dire avec rien en 3 minutes
 Le reste ne m’intĂ©resse pas vraiment mais les plus belles chansons restent Ă  Ă©crire comme on dit dans Pif Gadget.

Aline c’est quatre gars. Comment vous ĂȘtes-vous rencontrĂ©s ?

R : En fait nous sommes cinq sur scĂšne avec mon cousin JĂ©rĂ©my qui joue des claviers et qui remplace au pied levĂ© mon autre cousin Laurent qui jouait avec nous au temps de Young Michelin. Avec Arnaud (Pilard – nda), on se connaĂźt depuis un bail. Pour Dondolo (en amont de la sortie du deuxiĂšme album, en 2010 – nda), je voulais monter un groupe pour faire de la scĂšne, je lui ai demandĂ© s’il voulait jouer de la guitare, je savais que c’Ă©tait un bon musicien, et il a bien voulu s’y coller. On a ensuite passĂ© des annonces pour trouver la section rythmique. Romain Leiris s’est proposĂ© pour la basse et puis sa copine nous a prĂ©sentĂ© Vincent Pedretti, un batteur qui a fait le forcing pour venir passer une audition alors qu’on en avait dĂ©jĂ  trouvĂ© un ! Il a vraiment bien fait. Au final, on trouve sur Aline les mĂȘmes personnes que sur Dondolo.

Vous ĂȘtes, semble-t-il, « marseillais d’adoption ». D’oĂč venez-vous donc ? Et est-ce bien pour des musiciens pop comme vous de vous tenir si Ă©loignĂ©s de la capitale ?

R : Nous venons d’ailleurs, plutĂŽt de la moitiĂ© nord de la France. On habite Ă  Marseille, on s’est rencontrĂ© ici, ça fait partie de notre histoire. Marseille c’est pas des plus pratique pour la vie du groupe, c’est pas une ville pour la pop. C’est bien pour plein de raisons, mais pas pour faire de la pop. Marseille, je la vois comme un sanctuaire : tu y es bien pour te reposer, mais aprĂšs faut en bouger le plus possible sinon tu t’enterres. De par sa gĂ©ographie c’est un cul de sac, ça a une fin : la mer d’un cĂŽtĂ©, les montagnes de l’autre. C’est pas une ville de passage, tu es encerclĂ©, faut s’Ă©chapper

A : Personnellement, j’aimerais vivre Ă  Paris… C’est pas simple de dĂ©velopper un groupe en province et plus particuliĂšrement Ă  Marseille, qui est loin de tout. La scĂšne pop y est trĂšs rĂ©duite voire invisible et il y a peu de salles correctes pour jouer.

Finalement, aprĂšs coup je veux dire, diriez-vous que c’est une bonne chose que vous ayez dĂ» troquer votre ancien nom de groupe, Young Michelin, pour celui d’Aline ?

R : Je ne sais pas, c’est comme ça, on n’a pas eu le choix. Aline c’est plus facile Ă  retenir, et on sera dans les premiĂšres pages des futurs dictionnaires de « Rock Français »…

A : C’est toujours un peu pĂ©nible de changer de nom par rapport Ă  la fan-base qu’on s’était faite avec Young Michelin. Maintenant c’est vrai que le son a un peu changĂ© notamment avec la « patte » de Jean-Louis PiĂ©rot. Prendre un nouveau nom peut orienter nos envies.

Opter pour Aline, c’est une maniĂšre de revendiquer une certaine fĂ©minitĂ© ?

R : Non, on ne revendique rien. Aline est juste la ville natale des Young Michelin et oui c’est un prĂ©nom fĂ©minin. Sa sonoritĂ© est douce et surannĂ©e, ça colle bien avec notre son. Sinon moi j’adore les groupes de pop de filles. J’aime les chanteuses qui ne braillent pas comme des putois. Les hystĂ©riques Ă  la Björk, beurk ! Celles qui cherchent la « joliesse » Ă  tout prix, qui minaudent Ă  longueur de morceaux ou qui misent tout sur leur pouvoir de sĂ©duction me fatiguent aussi trĂšs vite. J’aime les filles qui ne cherchent pas Ă  faire comme les hommes et ne font pas tout Ă  fait comme des femmes… J’aime percevoir leur douceur, leur poĂ©sie, leur vulnĂ©rabilitĂ©, leur belle Ăąme derriĂšre des guitares punks pas trĂšs carrĂ©es. En gĂ©nĂ©ral elles ne visent pas la dĂ©monstration technique Ă  tout prix et jouent Ă  l’instinct. Comme c’est maladroit c’est beaucoup plus fin que la musique de mecs. Il y a pour moi quelque chose de magique dans ce que peuvent faire des groupes de filles (ou groupes oĂč la chanteuse est une fille). Je pense Ă  Talulah Gosh, Shop Assistants, Electrelane ou carrĂ©ment les Shaggs pour ne citer qu’elles. Quelque chose de virginal, de trĂšs enfantin, presque asexuĂ©. C’est archi basique et ça peut toucher au sublime.

A : Je dirais qu’on a une certaine sensibilitĂ©, qui est peut-ĂȘtre propre Ă  la gente fĂ©minine. Et puis on parle souvent d’amour et de filles dans nos chansons.

R : En rĂ©sumĂ©, Aline c’est de la musique faite par des hommes qui voudraient faire de la musique comme la font les femmes qui voudraient faire de la musique d’hommes. Enfin, Ă  la base, tout ça c’est rien que du punk rock adolescent transcendĂ©…

Quels sont, à chacun, le premier et le dernier disque qui vous a émerveillé ?

R : Le dernier en date, c’est le dernier John Maus (We Must Become the Pitiless Censors of Ourselves – nda) et le premier, comme tout le monde, ce doit ĂȘtre V.U. du Velvet.

A : Pour moi, le premier, c’est trĂšs classique mais je dirais l’ « album blanc » des Beatles. Le dernier en date ? Forget de Twin Shadow.

Si je ne me trompe pas vous avez actuellement 7 chansons en circulation sur le net (« Elle m’oubliera », « ObscĂšne », « Les Copains  », « Je suis fatigué », « Je bois et puis je danse », « HĂ©las », « Deux hirondelles »). OĂč en est votre premier album ?

A : Tu en as oubliĂ© 3, il y a aussi « Teen Whistle », « Elle et moi » et « Les Éclaireurs ». En fait l’album est quasi bouclĂ©, on l’a enregistrĂ© en octobre et novembre dans le studio de Jean-Louis PiĂ©rot Ă  Clamart. Certaines choses restent Ă  peaufiner.

Vos chansons vous demandent-elles beaucoup de temps d’Ă©criture et de production ?

A : C’est variable, mais en gĂ©nĂ©ral on n’aime pas trop y passer des mois, histoire de garder une certaine fraĂźcheur.

R : Les premiers morceaux, les « historiques » (« Les Copains », « Elle m’oubliera », « Les Éclaireurs », « Je suis fatigué ») sont venus trĂšs rapidement, paroles et musiques, quasi instantanĂ©ment. Il s’agissait d’aller vite et au plus simple  avec une boite Ă  rythme, une basse, une guitare, une ligne de synthĂ© si nĂ©cessaire, une voix et quelques backs, production rĂ©duite Ă  portion congrue. C’Ă©tait le parti pris de dĂ©part, une contrainte que je m’Ă©tais infligĂ©e comme pour me punir de toutes les erreurs que j’avais pu commettre par le passĂ©. Envie de retrouver l’essence de la pop que j’aime, pas de fioriture, que du rĂȘche, des sentiments, quelques larmes, de la rĂ©vĂšrb, du ciel, du blanc, du bleu, du gris, des bons et des mauvais souvenirs, l’envie de repartir de zĂ©ro. Ça a posĂ© la base pour tout le reste. Maintenant, le processus a un peu changĂ©, les autres membres s’impliquent plus dans la composition et on passe par la case studio, ce qui change la donne. MalgrĂ© tout je veille Ă  ce que le postulat de dĂ©part soit respectĂ© coĂ»te que coĂ»te et contre vents et marĂ©es.

Comment est née «  Je bois et puis je danse  » ?

A : Peu de temps avant de rentrer en studio, on cherchait Ă  faire un titre un peu diffĂšrent, sur un tempo plus lent, plus mid tempo.

R : La dĂ©mo a Ă©tĂ© faite cet Ă©tĂ© dans le garage de ma mĂšre Ă  la campagne. J’avais envie de changer de registre, un test, pour voir ce que ça pouvait donner avec la « charte » Aline. Des blancs-becs qui s’essayent au « funk » avec leur bagage « indie pop »… C’est parti d’un pattern de boite Ă  rythme, congas cheap comprises, puis d’un riff un peu groovy. J’avais « Rip it Up » d’Orange Juice (le groupe d’Edwin Collins – nda) dans la tronche. Le texte est venu aprĂšs. Ça parle de frustration, encore et toujours.

Quel est votre alcool préféré ?

R : La vodka Skittles d’Audrey et Jeremy Dervaux et la biĂšre « Saint Glinglin » fabriquĂ©e prĂšs de Lille.

A : Le vin.

Pourquoi sortir un EP ? Ce format vous plait en soi ou c’est plus un truc business ?

R : C’est un format qu’on aime bien, pas trop cher, joli comme tout. J’aime l’idĂ©e de sortir des EP rĂ©guliĂšrement, ça donne une libertĂ© plus grande que sur un album. C’est aussi un produit d’appel pour le LP (album – nda) et dĂ©couvrir notre musique par petites touches. Les gens peuvent aussi se prendre en photo avec l’édition vinyle du EP ce qui est, et vous en conviendrez, quasiment impossible Ă  faire avec un morceau tĂ©lĂ©chargĂ© sur iTunes…

Il paraĂźt que votre dernier concert parisien au Point FMR a Ă©tĂ© quelque peu ratĂ© et qu’il vous a mis Ă  mal devant plein de directeurs artistiques (D.A.) qui comptaient vous signer. Qu’en est est-il selon vous ? Craignez-vous un coup d’EP dans le 2.0 ?

R : Tu as l’air bien mieux renseignĂ© que nous… Nous n’avons pas eu de retours des D.A. en question, par contre le public a eu l’air d’apprĂ©cier, enfin surtout le public de devant. Une salle en gĂ©nĂ©rale se divise en trois zones propres Ă  une catĂ©gorie de « public ». Devant les jeunes et les fans qui veulent profiter du concert et participer au maximum, danser, chanter, boire, gueuler. Au milieu, plus ĂągĂ©s et rĂ©servĂ©s, ceux qui font attention Ă  ne pas trop tacher leur vĂȘtements avec leur biĂšre et dodelinent attentivement en rythme. De la scĂšne on peut les voir sourire. Et au dernier rang, les invitĂ©s, les officiels, les D.A., qui discutent beaucoup entre eux et analysent la situation entre deux cigarettes. Pour en revenir Ă  ce concert du Point FMR, oui, on Ă©tait ultra tendus, sur les dents (je me suis Ă©corchĂ© la main sur ma guitare, le sang giclait et je ne voyais pas), beaucoup s’attendaient Ă  Ă©couter de la pop un peu lĂ©chĂ©e, mignonne et sympa mais nous on l’a plutĂŽt jouĂ© punk toujours au-dessus des tempos, sans vraies nuances, pied au plancher comme on aime le faire parfois (on aime les Smiths mais aussi beaucoup les Ramones et les Buzzcocks…). En plus, personne n’a compris un traĂźtre mot des paroles. Visiblement, c’Ă©tait pas le jour pour faire ça ! Au stade oĂč on en est avec Aline, on est surveillĂ©, scrutĂ©. A chaque concert tous les D.A. de Paris sont prĂ©sents, ça met une pression assez dingue, c’est dur de jouer, de chanter souple pour un traqueur sensible comme moi. Il faut savoir que maintenant tout passe par le live vu que les disques ne se vendent plus. Il faut ĂȘtre bon tout de suite, irrĂ©prochable, pas le temps de s’aguerrir, de se bonifier, pas le droit Ă  l’erreur. Une mĂšche mal placĂ©e, un pantalon mal ajustĂ©, une fausse note, un chƓur Ă  cĂŽtĂ©, un kilo en trop ou une blague mal comprise et t’es mort, tricard, tu dĂ©gages. C’est la sociĂ©tĂ© qui veut ça. C’est du sport de haut niveau, de la compet. C’est le jeu, on est en plein dedans. Ça fait aussi progresser, on l’a prouvĂ© ensuite Ă  de trĂšs nombreuses reprises.

A : Ce concert Ă©tait trĂšs bien ! Peut-ĂȘtre un peu trop punchy et Ă  l’arrache pour des D.A. de majors habituĂ©s ou en quĂȘte de choses plus lisses, surpris du rendu d’Aline sur scĂšne ce soir-lĂ . Mais ce n’était pas notre dernier concert parisien : FlĂšche d’Or, Boule Noire et Palais de Chaillot sont les derniers en date et ils furent vraiment rĂ©ussis.

En ce moment la presse Ă  tendances parle d’un « renouveau de la pop française », reboot 20 ans plus tard de la new-wave des « Jeunes gens modernes » des annĂ©es 80 et vous y met en bonne place. Qu’est-ce que cela vous inspire ? Cela vous grise-t-il ?

A : Je crois qu’une certaine partie du public a envie d’entendre des groupes qui chantent en français… Que la presse nous soutienne, c’est chouette, ça nous permet de jouer et de sortir des disques… AprĂšs, de lĂ  Ă  nous sentir grisĂ©s…

R : C’est toujours agrĂ©able d’avoir bonne presse, ça prouve qu’on intĂ©resse le public mais aussi les journalistes qui, de par leur mĂ©tier, sont forcĂ©ment plus sceptiques, circonspects et parfois plus blasĂ©s que le commun des mortels. Depuis le dĂ©but en 2009 on a toujours eu bonne presse, de la part de la presse nationale mais aussi de la blogosphĂšre, qui est un bon thermomĂštre de ce qui ce passe musicalement en France et dans le monde. On Ă©tait les premiers surpris, surtout qu’on Ă©tait un peu les seuls Ă  faire ça il y a trois ans (Ă  part Doggy d’Anorak Records et leurs potes que personne ne cite jamais et qui Ɠuvrent dans l’ombre depuis plusieurs annĂ©es). Avoir des bons papiers dans des magazines que je lis depuis tout mĂŽme, c’est aussi trĂšs motivant. Outre l’effet de mode de la pop en français, les jeunes gens modernes 2.0, et le renouveau de la scĂšne française, ça fait du bien de se sentir compris, soutenus et accompagnĂ©s. Depuis, de nombreuses nouvelles formations de « pop française » avec des styles diffĂ©rents (nous on aime beaucoup Lescop par exemple), ont vu le jour. C’est trĂšs bien, le niveau est Ă©levĂ©. Faut croire que l’envie Ă©tait commune, un souffle partagĂ© par plein de gens en France. Maintenant faut pas que ça devienne un argument de vente, une caution branchĂ©e genre : « C’est de la pop en français alors c’est forcĂ©ment super gĂ©nial ! ». Chanter en français n’est pas forcĂ©ment un gage de qualitĂ©. DĂ©sormais va falloir voir au-delĂ . On veut dĂ©passer ce phĂ©nomĂšne de mode et s’inscrire dans la durĂ©e. On prend notre temps. Seuls les meilleurs resteront. Ainsi soit-il.

4 réponses
  1. Rosario
    Rosario dit :

    Beau papier, belle prĂ©sentation en profondeur d’un bien beau groupe qui devrait faire boire et danser (ou prier !) tout le monde ! Sylvain, je te trouve juste assez sĂ©vĂšre quand tu parles de « Dondolisme » : la comparaison avec Katerine (si celui-ci s’Ă©tait mis Ă  faire un morceau comme « J’ai deux amours », il l’aurait flinguĂ© avec un chant idiot et en foutant des gimmicks service minimum style « gna gna gna gna » et « la la la la la », et musicalement no comments), l’aspect « loose » n’apparaĂźt vraiment que dans « La Ligne du Temps », je trouve, « inversement », une chanson comme « Chanteur Ă  succĂšs » est tellement bouleversante qu’elle vire d’emblĂ©e toute trace d’ironie, de 4Ăšme, 5Ăšme degrĂ©, « Zarte Melody », Ă  pleurer, Ă  l’eau de rose, pas guimauve qui colle aux dents mais qui reste Ă  l’estomac un peu comme l’enfance, « Flying HervĂ© Perrin », c’est un putain de jeu de lĂ©go de voix et de bidouillages et de « coin coin coin coin » mais pas de « pouet pouet », « Fluffy Angel », du tonnerre, mais tonnerre douceatre, « A Question Of Will » un sacrĂ© coup de punch drunk love… « Dondolisme », c’est un disque oĂč il y a Ă  boire et Ă  danser (oh oh oh ! :), oĂč tout est bien dosĂ©, et personnellement, il reste, indĂ©trĂŽnable, parmi mes prĂ©fĂ©rĂ©s en (presque que) V.F !

  2. Sylvain Fesson
    Sylvain Fesson dit :

    Merci Headbanger ! Je ne suis pas sĂ©vĂšre, non, juste schĂ©matique sur Dondolo, histoire que le public lambda qui n’a jamais entendu parler de lui puisse voir vite fait dans quel mood il se situe. Or il est plus proche de Katerine (Katerine ce n’est pas que ce que tu en dis, il a fait plein d’autres trucs avant 2010…) que de, je sais pas, Julien Clerc quoi. AprĂšs si toi tu aimes Ă  fond, tant mieux, c’est ton cĂŽtĂ© Technikarteux (Benoiteux Sabatieux) !

  3. Rosario
    Rosario dit :

    Ahaha Headbanger !
    Bien Ă©videmment pour Katerine, j’aimais bien quand j’Ă©tais enfant (« Mes Mauvaises FrĂ©quentations ») au moins il faisait une musique adulte, maintenant que je le suis, adulte, lui fait de la musique d’enfant (rĂ©gression, et non grĂące et puretĂ©), et je pense que tu fais plus rĂ©fĂ©rence, quand tu parles de Dondolo, Ă  cette pĂ©riode qu’aux « anciennetĂ©s » ! AprĂšs oui, dois-je te rappeler que j’ai, par exemple, du mal avec la musique de Valette qui est pourtant Technikartienne ?! En somme, il pourrait y avoir cette citation en accroche mise en abyme, de Dondolo sur « Dondolisme » : « Quand Sylvain veut me vexer, il me traite de Katerine ! »
    Allez bise Sylvain, et merci pour cette interview en tout cas !

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