JULIEN BAER « DROLE DE SITUATION » (2)
8 juin 2011. 21h40. 17e arrondissement de Paris. Parfois le monde s’écroule. Parfois le monde c’est cool. Trois quart d’heure que je Parlhot – filmé – avec Julien Baer pour la sortie de son best of, Drôle de situation, 14 ans de « carrière » en 19 chansons dont 4 inédits. Il vient de m’en dire plus sur sa famille (en plus d’Edouard, de 2 ans son petit frère, il a une sœur, de 10 ans sa petite sœur), son nom (« des Baer y’en a beaucoup en Suisse, là-bas y’a même une grande banque d’affaires qui s’appelle Julius Baer, mais Baer à l’origine c’est juif-allemand, un peuple qui a quitté l’Alsace en 70 pour pas être occupé par l’Allemagne, qui avait gagné la guerre ») et sa scolarité poussée (« Oui, 1870, c’est ça, heureusement que j’ai eu mon bac, c’est le seul diplôme que j’ai eu ! ») et tout roule. Trois quart d’heure qu’on Parlhot et mon hôte a juste envie de faire « un mini break ».
Gorgé de bière. Noix de cajou. Regard panoramique pendant que Julien s’absente. Chez lui c’est tranquille déglingo. Dans le salon rien de tape à l’œil à part un piano et un palmier en pot. Rien de cultureux non plus. Peu de livres, cd et de dvd apparents. Simple. Jeune. Un peu à l’arrache. Julien a beau se remettre d’une petite gueule de bois et arborer une chemise déchirée dans le dos, à 47 ans il a toujours le charme du jeune homme que présentait la pochette de son premier album (un photomaton réalisé pour sa carte d’identité). Un visage d’Eyes Wide Chut et d’érotisme triste à la Nick Drake / Tim Buckley. Un parfum de mid sixties qu’on retrouve dans au cœur de ce disque, empreint par endroits (« 300 années lumières ») du romantisme pop symphonique du Gainsbourg d’Initials B.B. (1968 – nda), quand il y avait la possibilité d’une Elle et « Du nouveau monde ».
Cet album avait d’ailleurs été enregistré « en Amérique avec des pointures » comme Hal Blain, un batteur connu pour avoir travaillé avec Phil Spector et avec les Beach Boys sur Pet Sounds. Avec le recul, Julien juge que ça « n’avait aucun sens. Il y a d’aussi bons musiciens en France, peut-être même plus originaux. » Bertrand Burgalat est de ceux-là. Le musicien et patron du label Tricatel avait arrangé/réalisé deux morceaux de ce premier album (« Juillet 66 » et « Dérive »). Aujourd’hui ils sont voisins mais ne se voient pas. « On était en très mauvais terme, ça s’est très mal passé. Ça arrive. Tout travail entre être humain engendre parfois des mauvaises attentes ». Après deux minutes de break revoilà Julien, qui allume sa première cigarette depuis mon arrivée. Il reste 30 minutes de carte mémoire disponible dans la caméra. J’ai encore d’autres questions. C’est reparti.
« les petits érotismes aznavourien, je trouve ça très touchant »
Julien, comment as-tu découvert la musique ? Y’en avait-il beaucoup cez tes parents ?
Non, mon père est un homme assez austère. On n’avait pas la télévision on n’écoutait pas de disques ! Mais à 12 ans ma grand-mère m’avait donné un petit orgue Bontempi.
Ah oui ? Pourquoi ça ?
Bah je sais pas, je peux pas te dire. C’était un truc d’accompagnement automatique. Sans savoir jouer tu pouvais en tirer des trucs qui rendait tout de suite. J’écoutais la radio et j’arrivais à jouer ce que j’entendais. Ça arrive. Y’avait un truc un peu magique.
Dix ans après tu devenais pianiste aux Trois Mailletz…
Oui, mais là (cabaret-piano-bar du 5e arrondissement de Paris ouvert depuis 1230 – nda), je savais à peine jouer. Le premier soir j’ai failli pas y aller. On était au McDo Luxembourg avec un pote et j’ai dit : « Ecoute, c’est pas possible, j’y vais pas. Les gens vont s’apercevoir que je sais pas jouer ! ». Et il m’a dit : « Non, t’es fou, on y va. » On y est allé et là j’ai appris à jouer du piano à force d’y chanter des chansons d’Aznavour, etc. On faisait que des reprises. Que des trucs en français. C’était un peu notre spécialité. On faisait un peu le répertoire que Bruel a fait plus tard dans Entre deux (double album sorti en 2002 où il a repris avec le gratin de la variété Druckerienne des classiques de la chanson française des années 30 et 40 – nda). Allez je te le fais au piano ! (Il s’y rend, joue et chante : ) « Les escaliers de la butte sont durs aux miséreux… » (c’est « La complainte de la butte », chantée par Cora Vaucaire, écrite par Jean Renoir et composée par Georges Van Parys – nda). C’était vachement beau parce qu’à l’époque personne n’en parlait.
Ça marchait ?
Oui, et nos patrons aimaient beaucoup. Ça nous a aidé à percer. Tous les autres faisaient des trucs américains, genre piano jazz et nous on avait ce répertoire de vieux Trenet (il se remet à chanter : ) « Vous qui passez sans me voir / Sans même me dire bonsoir ».
Lover !
Voilà.
Et hop 10 ans après, le premier album de Julien Baer à 32 ans…
Ouais, c’est vachement tard. A cet âge les Beatles avaient déjà fini !
Oui ! Pourquoi ? Personne voulait te signer ou t’osais pas sortir d’album en ton nom ?
Non, en fait au début je faisais des chansons en anglais. J’avais mis une petite annonce dans un journal à Londres. Je cherchais des paroliers anglais. J’étais parti dans un truc pas normal du tout où j’enregistrais des maquettes avec des chanteuses ici, en France, mais en anglais. Des trucs un peu disco. N’importe quoi. Tout le monde s’en foutait. Et après un mec m’a dit : « Fais tes paroles en français et chantes-les. » J’ai d’abord trouvé un éditeur, Delabel, et lui m’a présenté à la maison de disques (Universal/Polydor – nda). Ma directrice artistique c’était Varda Kakon, la fameuse Varda Kakon qui a été à un moment une des jurées de l’émission où on chante et où on se fait virer (l’édition 2003 de La Nouvelle Star – nda). C’était une femme de poigne et de décision (et de goût puisqu’on lui doit aussi d’avoir signé Dany Brillant, Lara Fabian et Manau – nda), un des rares directeurs artistiques j’ai rencontré qui n’écoutait pas les autres et qui disait : « Ok, on y va ». Voilà.
Ok. Dans ton répertoire, j’ai remarqué que deux fois, dans « Jamais facile »…
Ah, j’aime pas « Jamais facile », ça craint ! Le reggae français c’est nul ! (sourire)
Héhé, je voulais pas parler de la musique mais du texte de « Jamais facile » et de celui de « Plein temps ». Tu t’y métaphorises en une sorte de mineur de fond…
C’est vrai, t’as raison…
Culpabiliserais-tu de faire un métier artistique ?
Oui, oui, je déteste l’idée du métier artistique.
C’est vrai ?
Oui, oui, oui, j’ai aucune fierté à faire un métier artistique. Pour moi ça n’a rien de particulier. C’est comme ça, voilà. Faut faire avec.
Alors que d’autres profitent pleinement du statut social que ça leur donne…
Oui, ce que je fuis très très violemment (sourire) !
T’aimerais faire quelque chose de plus rustique, de plus « mec » ?
Ouais, je sais pas, j’aime pas l’idée qu’entre les êtres humains y’ait que des différences qui se cultivent. Voilà.
Chez toi, c’était mal vu de se livrer à une activité artistique ?
C’était pas encouragé mais c’était pas mal vu.
« Pas encouragé » : ça faisait flipper les parents ?
Non… Tu sais, j’ai pas mal trainé entre 20 et 30 ans… Je sais pas, tu fais ça parce que c’est comme ça que tu te sens au monde, c’est pas le métier… Moi j’aurais préféré, je sais pas… Qu’est-ce que j’aurais préféré ? Non, mais je peux pas dire ce que j’aurais préféré mais quand je fais une chanson que je trouve réussie je me sens bien voilà, je me sens au monde. C’est ça le but, c’est pas d’être chanteur ou de faire le malin (il dit ça en tapant inconsciemment des petits coups sur la table avec un briquet). Et quand j’entends un de mes morceaux à la radio, je trouve ça super : j’ai l’impression de rentrer dans la grande famille des humains. Moi voilà, à part ça je demande pas mieux à ce qu’on ne voit jamais ma tête sur les pochettes, et tout ça, qu’il y ait à la place des photos de paysages abstraits, d’animaux, de tamanoirs (sourire) !
D’où vient ce thème de la mer qui nourrit souvent tes chansons ?
De Thalassa (rires) ! J’aime bien les reportages vachement lents comme ça. En plus là je dois avoir un air de marin parce que comme je suis dans un état un peu spécial à cause d’une soirée un peu arrosée j’ai mis ma casquette comme Géo Trouvetou son chapeau pour me recentrer.
Ta casquette te fait cet effet ?
Ouais (sourire). Mais sinon je sais pas, j’adore juste la mer. Je suis pas le seul. Par contre moi je suis un gros nageur. C’est mon sport. A Paris je vais à la piscine. Mais quand je suis à la mer je pars plein large et tout et je pars très longtemps. J’aime beaucoup.
Tu n’as pas la peur du requin ?
Pas du tout. Enfin… faut pas que je pense à ce qu’il y a en-dessous !
Tes chansons expriment souvent un sentiment d’insularité très rare dans la chanson française, une sorte de vibe bossa, chaloupée qui te rend un peu inclassable…
Peut-être. Je m’en rends pas bien compte ! Mais les français ils aiment bien ça aussi, non ?
Apparemment ils penchent plutôt pour les dandys post Gainsbourien à la Biolay…
Peut-être…
Alors que toi, par exemple, t’as plutôt un petit côté Joao Gilberto, non ?
Ouais, mais plus tellement j’ai l’impression.
Ouais, mais dans tes premiers albums y’avait un peu de ça, non ?
Ouais, c’est vrai, peut-être. J’ai été très admiratif de Jobim (musicien brésilien né en 1927, Antonio Carlos Jobim est considéré comme l’un des principaux créateurs de la bossa avec… Joao Gilberto, confrère brésilien né en 1931 – nda)
Il paraît que tu as une culture du tube, du 45 tours, et que tu n’écoutes pas d’album…
C’est vrai, mes albums c’est des compilations !
Quels sont les tubes que tu aimais bien écouter quand tu étais jeune ?
Je me rappelle de « Copacabana (At The Copa) » de Barry Manilow (compositeur, chanteur, acteur et présentateur américain en activité depuis 73 qui aurait vendu 300 millions de disques à travers le monde, rempli je ne sais pas combien de stades et au sujet duquel Mickael Jackson aurait dit qu’il était son « père spirituel » et Dylan « la source d’inspiration de tout artiste », bref le genre de type responsable de tubes qu’on connait sans connaître, en l’occurrence « Could It Be Magic », sommet de ballade kitsch, poignante, ampoulée – nda). J’avais 13 ans. J’aimais regarder qui était l’auteur de ce genre de chansons. C’est comme ça que j’avais découvert le fameux Romano Musumarra, qui a écrit tous les tubes de Jeanne Mas et Stéphanie de Monaco. Je me disais : « Dis donc lui il fait des sacrés trucs quand même ».
Aujourd’hui tu as la même curiosité pour les tubes de Rihanna & co ?
Non, j’ai un peu lâché ! Mais y’a toujours des tubes. Par exemple, y’a celui de Kayne West où c’est pas possible de résister ? Il est en duo. (Il le fredonne : ) « New York… »
Non ça c’est Jay-Z et Alicia Keys. Toi tu penses à « American Boy » de Kayne et Estelle.
Voilà, ce morceau (écrit par Will.I.Am des Black Eyed Peas – nda) tu peux pas résister. J’aime bien tous ces grands tubes américains.
Et sinon tu n’écoutes vraiment pas d’album ?
Non, à part certains Beatles quand j’avais 16 ans. Ou Bridge Over Trouble Water (dernier album, sorti en 70, de Simon and Garfunkel – nda) La chanson-titre c’est quelque chose.
Et t’écoutes des choses en français ?
Oui, par exemple j’aime bien cette chanson de Diam’s, celle où tu peux pas résister…
« La Boulette » ?
Ouais, c’est dément ça. C’est comme le nouveau Mademoiselle K, « Jouer Dehors »…
Je suis d’accord.
Et personne l’a compris ! Il paraît même que les radios lui ont demandé de la rechanter parce qu’elle la chantait pas bien. Et elle, elle a dit : « C’est ça qui fait la charme de ma chanson. » Ça fait ça, c’est hyper beau (il se met à la jouer à la guitare et il y arrive pas, alors il se marre et compense en la fredonnant). C’est très très joli. Et puis quand elle dit : « Je voudrais pas être vieux… ».
« Viens on va jouer dehors… »
Là t’as un peu la chair de poule. C’est la classe. Je peux vraiment me l’écouter en boucle.
Elle s’était un peu perdue sur son deuxième album qu’elle avait composé en groupe et qui avait moins marché que le premier mais là elle a repris les choses en main et bam ! Dommage qu’elle soit vue comme une artiste trop « variété » pour le milieu rock…
Ouais, mais tout ça n’existe pas, tu sais bien. Quand c’est bon c’est bon.
Oui ! A propos de variété, j’ai noté que dans une de tes chansons, « La Folie Douce », le texte démarre par une phrase « culte » d’une chanson d’un certain Joe Dassin…
On me l’a dit…
« On s’est aimé comme on se quitte » : c’est dur de ne pas penser à Joe Dassin…
Je te jure que je le savais pas. J’aime pas « La Folie Douce ». Je la trouve niaise.
« Julien Baer, le chanteur en guerre contre le niais ! »
Nan, mais tiens (il se met à la gratouiller/siffloter). Ça c’est un peu bossa par exemple. C’est des petites joliesses, c’est pas passionnant. En plus j’aime pas Joe Dassin ! Y’a des chansons réussies mais j’aime pas ce que ça dégage, ça me fout le blues Joe Dassin…
Alors que toi tu fous la patate.
Ok, on arrête tout, fin de l’interview ! (rires) Non, je sais pas, y’a un truc que je trouve faux. C’est des chansons super bien faîtes avec de super gimmicks mais je sais pas, j’y ressens le grand désespoir des années 70. Ça me fait penser aux Carpentier (Gilbert et Marie-Thérèse furent un couple de producteurs d’émissions de variétés des années 50 aux années 90 – nda). Je déteste ça. Je la trouve sinistre cette variété un peu brillante des années 70. J’aime pas cette nostalgie, contrairement au chanteur Bénabar (sourire). J’y vois une sorte d’opium du peuple, tu sais. Genre à l’époque y’avait que deux chaînes donc hop, on va leur balancer ça et tout le monde va regarder. Carlos en femme espagnole, Joe Dassin en smoking blanc, je trouve ça horrible. Après y’a de bonnes chansons de variété française, mais pas ça. Ça me touche pas.
Qu’elles sont celles qui te touchent ?
Y’en a beaucoup beaucoup ! Y’a « Il venait d’avoir 18 ans », que je trouve hyper touchante. « La plus belle pour aller danser », j’adore. (Il chante : ) « Quand la nuit refermait ses ailes / J’ai souvent rêvé… » Allez guitare ! (Il gratouille/fredonne ce morceau composé en 1964 pour Sylvie Vartan par Georges Garvarent, beau-frère d’Aznavour : ) « Décoiffée par tes mains… » Bon c’est un peu haut pour moi. Mais c’est joli. En plus à l’époque les jeunes filles faisaient elles-mêmes leur robe avant d’aller au bal. Y’a toute une imagerie derrière. Elles rêvent que le mec avec qui elles vont danser va enlever leur robe. Ça c’est des petits érotismes aznavourien. Je trouve ça très touchant. Je préfère cette période aux années 70. Là y’a quelque de complètement vrai, de très ressenti, qu’on ne fait plus trop. (Soupir.)
Tes textes sont très ciselés. Tu lis beaucoup ?
Oui, je lis énormément. J’aime beaucoup. Ça me calme. Mais je pense pas qu’il y ait un lien. On peut écrire super bien sans rien lire. Pour moi c’est un passe-temps qui me permet d’avoir d’autres ouvertures dans le monde. T’as pas que toi et le monde : t’as des livres, tu les ouvres. Ça, c’est vachement bien, c’est comme des fenêtres.
L’écriture, t’y es venu comment ? Facilement ? Tardivement ?
Par la musique. C’est elle qui porte les mots, pas l’inverse. Je fais pas de mots sans musique. Je cite toujours – dire « je cite toujours » c’est très prétentieux, ça sous-entend que je suis tout le temps interviewé (sourire) – mais je cite souvent Brassens qui disait toujours – quand on lui demandait ce qui était le plus important entre les mots et la musique – que c’était la musique. Il a raison. C’est la musique qui vient auréoler le mot (claquement de doigt).
A ce sujet j’ai vu que tu citais parfois le « Foule sentimentale » de Souchon…
Ah oui, c’est hyper beau ça !
Avec sa chute en « cheval ».
Ouais, ce passage rime avec rien, il tombe comme ça et c’est super. Il a le truc lui. Donc voilà, un beau mot avec une musique moyenne ça le fait pas. Alors que tu peux avoir de très bonnes chansons où quand t’analyses les paroles… C’est la musique qui fait le truc.
En même temps toi tes textes sont assez beaux en tant que tels.
J’en suis très content mais je pourrais pas les déclamer comme ça. Ça c’est un autre truc.
C’est Grand Corps Malade !
Voilà (sourire) !
Tes textes sont parfois si sobres et sculptés qu’ils en deviennent elliptiques…
Ah bon ? Je m’en rends pas compte. Enfin parfois on me le dit. J’espère qu’ils le sont pas trop quand même, que ça touche quand même les gens, qu’ils trouvent pas ça…
Nébuleux ?
Oui, exactement. Je recherche pas la nébulosité comme les chansons de Bashung. Ça, j’avoue, j’apprécie pas du tout du tout.
Ça m’étonne pas, ça revient à ce que tu disais tout à l’heure sur le mythe, le culte, et en écoutant tes chansons je m’étais déjà dit que tu te situais à l’opposé de Bashung…
Ça me fait plaisir que tu ressentes ça. Mais j’ai rien contre Bashung lui-même hein, c’est juste que son style et sa démarche me plaisent pas, j’ai l’impression que c’est faux…
Bashung, Joe Dassin : tout est fake !
Non, j’exagère (rires) ! C’est pas pareil, mais, comment dire, y’a un fantasme de trouver dans la chanson ce qu’est pas dans le monde. Comme si tu cherchais une vérité qu’on te donne pas, une sorte d’expression directe, d’équation directe comme ça. Je cherche ça et ça me plait bien. Quand t’écoutes « Le Freak » de Chic (écrite en 78 par les deux membres du groupe, Nile Rodgers et Bernard Edwards, et initialement intitulée « Fuck off » – nda) – j’adore cette chanson – t’as l’impression que c’est ça. Il y a ce riff incroyable, drôle et en même temps on sent que c’est là… Ça rigole pas, quoi.
Quel rapport as-tu avec ton public ?
J’en ai aucune idée.
J’ai l’impression que depuis tes débuts tu as quelques fidèles. Est-ce que ces gens t’écrivent ou te laissent des messages, sur ton site, voire sur Facebook ?
Oui, mais je sais pas, je pense qu’il faut pas trop chercher à savoir ce que je suis, faut juste que les chansons leur plaisent. Comme les chansons c’est la chose qui m’a le plus touché à un moment dans la vie, j’espère que mes chansons ont cet effet-là sur les gens. Après faut pas trop chercher ce que je pense. Je veux pas répondre personnellement et physiquement de mes chansons auprès des gens (sourire). Je suis comme tout le monde.
C’est justement pour ça que ton public semble te voir comme une sorte d’ami…
Ouais mais c’est faux, c’est pas sain, ça créé des malentendus. Tu sais, de toute façon on finit toujours par haïr celui qu’on aime. Mais je suis très touché quand les gens me disent que ça leur plait. Ça créé le lien social que j’ai pas en faisant ce métier pas normal…
Te reconnaît-on parfois dans la rue ?
Ça peut arriver, oui, alors que bon…
Et t’a-t-on déjà pris pour quelqu’un d’autre ?
Non (sourire) ! Ah si, une fois on m’a pris pour Daniel Herrero, l’ex rugbyman qui écrit dans le JDD et qui a un bandana. Mais bon de toute façon je sors plus trop.
Tu ne vas pas aux concerts, ni au ciné paraît-il : à quoi ressemblent tes journées ?
Je sais pas trop (sourire). J’expérimente des trucs. Nan mais l’air de rien prendre des photos ça te prend du temps même si tu te dis pas : « Tiens, je vais prendre des photos ». Regarde ce pont (celui de la photo qu’il a pris comme pochette de son best of, Drôle de situation – nda). Un jour je l’ai pris et je me suis dit : « Il est quand même incroyable avec son grillage bleu ». Mais il faisait tout gris. Je me suis donc dit qu’il faudrait que je revienne quand il ferait beau. Je suis revenu quand il faisait beau et ce jour-là j’ai eu la chance qu’en plus il y ait ces nuages, c’était encore mieux. Ça faisait bleu/bleu avec ces nuages très étranges, comme des dessins.
Une photo t’a-t-elle déjà inspiré une chanson ?
Je pense pas, c’est un autre truc, un petit Lexomil (rires). Qu’est-ce que je raconte là ?!
Hier soir apparemment t’es rentré dans bien fracasse. Ça t’arrive d’écrire défoncé ?
Euh non, je crois pas du tout à ça.
Tu écris parfaitement net ?
Oh, il peut quand même m’arriver d’avoir bu deux verres, mais non, je marche pas comme ça. Parce que j’ai pas commencé comme ça. Tu sais comment on fonctionne, tout ça c’est souvent lié à des habitudes. Ceux qui bossent dès le début sous influence, ils sont obligés de continuer. Faut faire un gros effort pour casser ses automatismes. Beaucoup de musiciens électroniques que j’ai rencontrés (et il a entre autres rencontré Philippe Zdar, membre du groupe Cassius qui a co-réalisé « Juger un homme » sur son deuxième album – nda) étaient très habitués à fumer beaucoup d’herbe, parce qu’ils passent des heures des heures en studio. Quand ils se sont mis à avoir une famille et tout, ça a été dur de se calmer là-dessus parce qu’ils avaient un rapport vraiment… Tu sais, l’herbe ça te rend… Tu entends la musique de façon…
Ils deviennent addict à l’état dans lequel les met ce mélange musique/drogue.
Oui, y’a un lien très fort entre la drogue et la musique. Après, plus les années passent plus ils se rendent compte que c’est épuisant. Moi, déjà que mon tempérament est pas…
Mais comme t’as pas de famille tu pourrais…
Oui, mais j’espère en avoir une un jour. Et faut aussi accepter le monde comme il est.
Une date prévue pour ton prochain album ?
Pas du tout ! Mais j’ai toutes les chansons. Je suis très excité.
Un label en vue ?
Non, je fini ce truc de photo et de best of et après on va s’atteler qu’à ça.
En espérant que ça va générer du désir chez les maisons de disques.
J’espère. Car le monde du disque c’est pas la folie comme t’as dû t’en rendre compte.
Toi qui a toujours été un peu à part, cette « crise » te passe pas au-dessus ?
Non, je m’en fous pas non plus parce que c’est important d’être dans un domaine où… Hier, là où j’ai malheureusement bu trop de vin, j’étais à un anniversaire chez des gens qui travaillent dans le monde du cinéma. Y’a pas de crise dans le monde du cinéma.
Pourtant comme la musique plein de gens téléchargent des films gratuitement.
Oui, mais y’a pas de baisse de fréquentation. Pas de crise. C’est très bizarre. Y’a pas non plus de crise dans l’édition, pas de baisse de volumes. Mais le disque… Pourtant on n’a jamais écouté autant de musique. Y’a un truc très bizarre… Et c’est quand même plus agréable d’être dans un domaine où y’a une dynamique, où tout le monde aime ce qu’on fait. Ils sont pas gais dans les maisons de disques, ils flippent. J’en ai rencontré, ils font plus confiance à leur goût, ils développent plus. L’ambiance est pas bonne. C’est dommage pour tout le monde parce que le monde du disque c’est excitant quand même, le rapport qu’on a à la musique c’est beau, c’est beau une belle chanson, ça veut dire quelque chose, c’est l’émanation d’une sensibilité. D’un individu. C’est pas rien.
(Silence) J’aime pas quand un intervieweur fait ça, mais as-tu un mot pour conclure ?
Un dernier truc à dire ? Bah écoute c’était très sympa, tes questions étaient très bonnes.
Merci (sourire).
C’est pas qu’un compliment : t’as posé des super questions et quand on voit des gens souvent c’est n’importe quoi, faut l’avouer. Et là écoute ça m’a fait plaisir, c’est toujours agréable de développer des trucs qui sont pas n’importe quoi.
Tu n’as pas l’air d’en faire beaucoup des interviews…
Si, quand même, j’en donne à chaque fois que je sors un disque, mais comme j’en sors peu… Non, non, je suis pas contre les interviews, j’aime bien. C’est comme le psy. Les questions de l’autre te font penser à des choses auxquelles t’as pas pensé.
Y’a des interviews qui t’ont vraiment… remis en cause ?
Non, mais un jour un mec très pointu m’a dit des choses incroyables. Je sentais qu’il avait écouté, qu’il était rentré dans le truc et c’était très touchant de voir que ça le travaillait.
Et tu passes parfois à la télé, dans des émissions comme Taratata ?
Non, pas vraiment. A l’époque du La j’ai joué en direct chez Taddéi. J’avais le trac parce que t’attends des heures. Si j’arrivais et que je jouais direct y’aurait pas de problème. Mais là tu restes des heures à attendre ton tour.
Comme un oral d’exam ?
Exactement. Mais c’était pas mal. En plus les conditions de son étaient très bonnes. Sinon y’a très longtemps j’ai chanté « Le monde s’écroule » dans une émission de Michel Drucker spéciale Noël. C’était au Pavillon Gabriel avec d’énormes corbeilles de fruits. C’était pas mal, là y’avait pas grand-chose à faire, c’était en play-back complet. Comme j’ai toujours peur d’oublier mes paroles, j’avoue que je suis assez partisan de ce genre de truc (sourire). Et après le lendemain dans la rue je peux te dire que tout le monde m’avait vu !
Putain je savais pas qu’il était de la bande à Varda Kakon ! C’est trop fort.
Elle est carrément à la tête d’une bande la Kakon ?!
Oui mais chut ! Il y a des secrets qu’il ne faut pas trop dévoiler. Je tiens à ma peau quand même, je veux pas me faire taper par les sbires de Dany Brillant, surtout que je le croise souvent à la piscine de la Contre-Escarpe dans son maillot de bain fifties.
Quel coup de pub pour ladite piscine !
Oui il faut y aller! On y voit aussi Catherine Frot et Costa-Gavras. Eh pas que des people, plein de jolies filles de la Sorbonne, et des lolitas du lycée Henri IV
! Dany Brillant, une fois j’ai vu son kiki dans les vestiaires.
Merci pour cette belle interview…
Merci de me communiquer votre appréciation !
Je m’attendais à vous voir…Sur une vidéo !
Sinon, c’est une chose d’écouter une chanson sur une radio, c’est autrement plus chouette d’entendre la vraie voix avec la vraie présence et l’âme…du chanteur. Ce serait bien qu’il soit en concert !
Moi auss ! En fait j’attends toujours la vidéo, pas encore montée. C’est rageant !