MONSIEUR UNTEL : « JOHNNY » (2)

20 mai 2011. 21h30. 18e arrondissement de Paris. Chez Monsieur Untel. « Yaourt au soja ou roquefort d’abord ? » me demande mon hôte. Je suis toujours chez lui. Et la discussion autour de son Opération Johnny est déjà bien entamée. Avant qu’on en vienne à la tisane et qu’il ne me fasse écouter des vinyles de Barry White, Montand et Johnny « œuf corse » (son « Requiem pour un fou » envoie du feu de Dieu !), j’ai envie qu’on creuse 2-3 choses.

Dans les années 80, comme il l’a dit dans le numéro de mai-juin 2011 de Voxpop, le célèbre photographe new-yorkais William Klein (le Gains’ trav’ de Love on the Beat c’est lui) a écrit un film « inspiré par la vie de Montand » pour « casser le truc de l’adoration » car à l’époque « c’était plus qu’un acteur. Les gens disaient toutes sortes de conneries » genre « Montand ! Oh mon dieu, c’est une conscience pour la France ! » et lui ça le « gonflait ».

Montand le gonflait comme Elvis qui, « c’est toujours la même histoire », « volait tout » aux rockers noirs. Il l’avait vu au Ed Sullivan’s Show. Ça ne l’avait pas « impressionné ». « Bon, il bougeait bien. On l’appelait Elvis The Pelvis. Mais c’était juste ça. Il faisait bien la pute à la télé (rires). Et pour ça toute l’Amérique avait décidé de l’aimer. Qu’est-ce que vous voulez faire contre ça ? » Alors il avait écrit ce projet : Le Retour du pétomane.

L’histoire ? William Klein la résume comme suit au magazine musical Voxpop : « une troupe de théâtre s’arrête dans un bistro de Provence. C’est l’anniversaire de l’un des comédiens et le patron demande au serveur : « Fais-leur ton truc pour souhaiter « bon anniversaire ! » » Alors le serveur se met à faire « bon anniversaire ! » en pétant. Tout le monde trouve ça génial et les acteurs disent au serveur : « Monsieur, vous êtes assis sur un trésor. »

« Bref, le pétomane part sur la route et devient star. Drucker l’invite dans ses émissions. On demande même son avis dans les programmes politiques. Il devient un guide spirituel pour la France (rires). Exactement comme on faisait avec Montand. » Klein avait « proposé à Gainsbourg de jouer le rôle-titre du film et il était enchanté. Le sujet le faisait rire et il se méfiait des icônes. Malheureusement, il est mort avant qu’on ait pu tourner ».

Bref (bis), contrairement à Gainsbourg, Montand et Elvis, Johnny vit encore. A quel prix ? Voilà ce que je me demande. La plaisanterie n’a-t-elle pas assez duré ? Ou, pour le dire autrement, et avec plus de nuance : à 68 ans et au stade où il en est, tout cela n’est-il pas qu’une vaste plaisanterie qui ne dupe plus personne ? C’est ce que je me demande, moi qui n’ai jamais idolâtré ces gens. Et pourquoi Untel iconoclaste s’accroche-t-il à Johnny ?

Lentilles corail englouties, on continue de déplier l’Opération Johnny, étrange combinaison d’une chanson écrite pour Johnny et d’un projet d’émission mi télé-réalité mi road-movie dont je n’en ai pas encore saisi tous les rouages. L’occasion de sonder plus en profondeur les tenants et les aboutissants du mythe Johnny Hallyday et les lubies de cette énigmatique personne qu’est Monsieur Untel. On prend le temps, déguste. « Roquefort, merci. »

 

« des charlots sillonnent le pays à la rencontre des fans de Johnny »

 

 

En fait que ce qui a l’air excitant quand on écrit pour Johnny c’est qu’on écrit sur plein de choses (le rock, la France, l’idole et soi), car c’est un prisme, une matrice. C’est aussi ça qui fait que tu as passé 9 ans à écrire ta chanson pour Johnny et que finalement tu proposes tout un projet d’émission de télé autour de cette chanson ?

Oui, pour des raisons qui, à un moment donné, sont indépendantes de ma volonté. J’ai terminé cette chanson quand démarrait la pré-prod de l’album de Johnny, avec –M–, Nucci et Hocine. Donc ça collait pas. Ça pouvait pas coller. Parce que c’est un album qu’ils ont fait ensemble. Tout à coup, dans tout ça, ma chanson aurait été un ovni. Cela dit, elle était faite pour l’être. Mais voilà, elle tombait pas dans le bon timming. On a donc réfléchi, car la chanson était là, je la tournais, elle était prête, je le sentais. Les chansons c’est mystérieux, capricieux… Moi aussi y’en a que j’ai mis beaucoup de temps à finir pour moi !

Celle-ci c’est donc un peu une chanson à toi en fait !

Oui, mais en même temps c’est pas du Untel. Vraiment pas. Même si moi, quand je la chante, y’a beaucoup de moments où je me sens en communion avec ce mec, dans ma façon de vivre intensément, un peu folle, cramant mes ailes sur des trucs, y revenant après en faisant gaffe, mais repartant toujours dans des excès de vie, d’énergie… En lui j’ai vraiment la sensation d’avoir découvert un mec entier, à moitié dingue, mais comme il faut l’être pour vivre à fond ses histoires, d’amour, de bagnoles, de femmes. D’alcool aussi, beaucoup. Je sais que voilà. La folie des concerts, l’inconscience des dépenses. Une vie sans freins. Sans réelles barrières. On y va et puis c’est un roman. (Silence.) Je sais pas, j’ai l’impression qu’à ma façon je vis un peu comme ça, tu vois ? Que vivre c’est ça. Pourquoi se limiter ? Les contingences sociales, toutes ces choses qui sont mises pour que la société existe, que les mecs continuent à faire leurs affaires, que l’Etat soit l’Etat et que dedans y’ait tous ces gens qui vont naître, grandir, faire des enfants et mourir et laisser leur patrimoine, ensuite géré par leurs enfants, etc. et que c’est ça qui tient la France. Bah voilà, le mec il est rentré, il avait rien à foutre de tout ça, il a foncé dans son truc, à mille à l’heure. Il a eu la chance de voilà…

Être la bonne personne au bon moment au bon endroit.

Ouais, bien sûr, bien sûr. Et son énergie correspondait car elle annonçait précisément mai 68. Quand il arrive y’a vraiment la fougue de cette jeunesse qu’en peut plus des carcans bourgeois des années 50 et tout ça. Pour ça, il représente vraiment le rock.

Mais il n’a jamais rayonné hors de nos frontières…

Bah déjà il chante en français. C’est pas une langue facile à chanter. Et c’est pas une langue facile à écouter en chansons quand t’es pas francophone. Ça c’est certain. Y’a très peu de gens qui ont marché à l’étranger en chantant en français. Même Montand quand il tournait aux Etats-Unis, et c’est un des rares, je crois qu’il chantait beaucoup en anglais.

Je sais pas, je n’ai jamais vécu avec Montand…

(Rires.)

Bref, entre Johnny et toi, y’a des connexions !

Oui, même si c’est pas la même époque et qu’on n’est pas pareil. Je ne suis pas blond. (Rires) Mais je l’étais petit. Vraiment très blond. Presque blanc. Curieusement c’est parti. Mais c’est assez curieux une chanson. D’ailleurs je sais pas si t’en écris Sylvain ?

Non.

Mais ça te fait peut-être ça des fois pour tes textes. Moi quand j’écris des textes qui sont pas faits pour être chantés, par exemple les textes-réclames de Polystyrène TV (son label – nda) qui sont souvent basés sur les onomatopées et sur les allitérations, je les lis à voix haute pour voir comment ils sonnent. C’est peut-être une déformation liée à mon travail de chansonnier. Mais les chansons, pour trouver les mélodies, tu joues, tu joues, tu joues. Après, pour trouver la mélodie qui va avec tels et tels mots, tu rejoues, tu rejoues, tu rejoues jusqu’à ce que les deux dansent parfaitement ensemble. Ça prend des années à se patiner une chanson. Des fois quand je suis sur scène en jouant je mémorise là où ça sonne et j’essaie de reproduire ça après, j’incorpore petit à petit tous ces éléments et un jour – à chaque fois y’a un jour, un moment – la chanson me dit : « C’est bon, je suis prête ». C’est elle qui me le dit, pas moi. Y’a un truc comme ça. C’est comme un Rubik’s Cube quand tu l’as fini : les couleurs flashent de partout ! Tu le vois : il émet une énergie harmonique. Mais évidemment une chanson parfaite c’est plus compliqué à faire qu’un Rubik’s Cube. Y’en a pas beaucoup de chansons parfaites, qui trouvent leur forme dans tous les sens. Mais y’en a quelques-unes. « Billie Jean », pour moi, est un exemple de chanson parfaite.

Mais encore ?

« Aline » de Christophe. D’ailleurs je me souviens que tu as fait une belle interview de lui. J’ai beaucoup aimé. Et donc cette chanson pour Johnny m’a dit un jour : « Je suis prête. »

Tu avais atteint ce « sur mesure » que tu n’arrives jamais à t’ôter de la tête.

Bah c’était le but. Ça pouvait pas être une chanson à peu près bien pour lui.

Je comprends. C’est même pas : « Tiens, je vais faire du sur-mesure pour Johnny ». C’est juste que tu n’arrives pas à te sortir d’un…

Perfectionnisme total et fasciste qui me… Enfin, je le vis pas mal, je suis assez bien avec ça, simplement ça me contraint à produire peu. Très peu.

Mais tu ne fais pas que des chansons, tu fais aussi des vidéos, des spectacles…

Mais c’est pareil dans les autres domaines, si ce n’est pour certaines vidéos que je suis parfois obligé de sortir alors qu’elles ne sont pas vraiment finies dans ce sens-là. Avec les chansons c’est plus facile, j’ai tout mon temps depuis que je n’ai plus pour objectif de faire des disques pour une maison de disques. En fait, j’ai jamais voulu faire ça et je le ferai jamais car je veux pas qu’on me dise : « T’es en contrat coco, tu dois avoir fini ton disque dans 12 mois. »

Le fameux « coco » !

Ouais, tu peux pas ça. C’est pas possible.

Faut être capable, tout le monde ne l’est pas.

Le problème des gens qui doivent fournir, on le voit dans leurs albums. A tel ou tel endroit, on voit bien que le mec a eu une panne et que c’était pas le bon moment pour lui…

Pour toi quels sont les albums où tous les morceaux font corps, où rien n’est à jeter ?

Ça y’en a pas beaucoup aussi des albums parfaits. Y’a Melody Nelson.

Mais on a aussi besoin d’albums imparfaits, de disques où il y a à boire et à manger, à prendre et à jeter, de ces artistes qui tentent des choses au risque de rater, bâcler. Par exemple Bashung n’a pas fait que des albums parfaits.

Bah y’en a un : Fantaisie militaire.

Mais sur ses autres disques il a semé des choses fortes et atypiques qui ont fait école.

Ah oui, bien sûr, et heureusement qu’il a fait ces choses-là.

Qu’il n’a pas été dans une sorte de constipation artistique…

Oui, je suis d’accord, mais ça c’est un problème entre moi et moi, je peux pas faire autrement, je suis contraint, c’est comme ça. Je n’ai sorti que deux disques en 17 ans (Bien à vous en 94 et Le Bureau des affaires animales en 2006 – nda) et encore, aucun n’est ce que j’appelle un « album parfait ». Mais à un moment il fallait que je les sorte, surtout le deuxième parce que j’avais pris des engagements avec des éditeurs, que y’avait plus d’argent, qu’on pouvait plus continuer à mixer. Sinon je serais encore sur le mix (rires) ! Oui, 5 ans après je pense que j’y serai encore. Et on y serait allé tous les jours. Enfin, mais y’a peut-être un moment où le truc m’aurait dit : « Je suis prêt. » On n’était pas très loin sur Le Bureau des affaires animales. Vraiment. J’aurais complètement remixé « L’Homme moderne », j’aurais changé des choses, rajouté des machins à 2-3 endroits, etc. Mais bon dans ces moments-là ce qu’il faut se dire c’est qu’il y a quand même un prisme, un angle. C’est-à-dire que la chanson peut ne pas te paraître parfaite mais si tu la regardes sous un autre angle, en considérant d’autres éléments, qui peuvent être le film que tu vas faire autour, la pochette du disque ou le disque lui-même en tant qu’enchainement de chansons, bah hop ! tu vois que tout s’équilibre et se met même en valeur par un subtil jeu de contrastes entre forces et fragilités. Ça créé même des surprises. Un ingé-son avec qui j’ai beaucoup travaillé m’avais appris un truc fantastique. Il m’a dit : « Lors du mix, ce qui est beau tu le mets devant. » Et c’est très juste. Si dans ta construction tu avais prévu que les guitares allaient être importantes dans tels morceaux et que tu te rends finalement compte que le son terrible que t’as fait est dans ta basse, bah c’est la basse que tu mets devant. Et tant pis si c’est pas ce qui était pas prévu. Ce qui est beau, c’est beau donc paf tu le mets devant. Et tes guitares on les entendra d’autant mieux qu’elles vont venir servir quelque chose qui de toute façon est beau. Ça vaut mieux que de tendre l’oreille pour chercher cette basse d’enfer que t’as masqué dans le mix par l’omniprésence de guitares moyennes. Nan, le truc extra tu le fais sonner !

Toi, justement, comment tu vas faire sonner ta chanson pour Johnny ?

Je l’ai refaite avec Rover (Timothée Régnier – nda) et Jérémy Régnier d’Haussman Tree.

Avec le coffre qu’il a Rover pourrait très bien chanter du Johnny, non ?

Le coffre de Rover ! Très bon très bon Sylvain ! Bravo. C’est les lentilles ?

On va dire ça ! Et c’est donc avec eux que tu remaquettes la chanson ?

Oui, on a fait une orchestration basse-batterie un peu plus rock pour les fans et car ça me faisait plaisir de livrer un truc un peu plus étoffé avec des musiciens qui jouent, des choses qui se passent, un solo de guitare, etc. plutôt que la pureté du trait guitare-voix, qui est l’ossature. C’est ce que tu as écouté ?

Oui.

Je te ferai écouter la version arrangée au dessert. Mais attention par contre ce ne sont pas du tout les arrangements définitifs. Primo parce que j’ai très envie de discuter de ça avec Johnny. Moi ce que j’ai voulu construire c’est une mélodie, un texte qui va avec, et que tout ça danse ensemble dans l’esprit de ce que je ressens de lui et de ce qu’il m’apparaît être pour les gens. Après, les arrangements, moi je n’ai pas envie d’imposer ça parce que du coup vers où aller ? Là, je sais pas, c’est plus délicat à percevoir. Le goût du grand public ? Non, ça veut rien dire. Les sonorités électroniques que j’aurai envie de faire ? Non plus. Ce sera plus sûrement selon son goût du moment. Je serai là et je veux bien en discuter. Mais je peux même ne pas être là. Il peut voir ça avec des musiciens à lui. Là c’est plus vraiment mon truc. Les arrangements d’une chanson c’est déjà plus tout à fait la chanson, c’est un peu le paquet cadeau. Alors oui, le paquet cadeau change un peu la perception du cadeau et le cadeau lui-même. Y’aura donc un emballage, c’est sûr, mais je ne déposerai pas les arrangements de la chanson à la Sacem. Je veux que les arrangements restent libres. C’est important.

Venons-en donc au volet télé de l’Opération Johnny. Pour amener cette chanson à Johnny, tu as conçu un projet d’émission mi télé-réalité mi road-movie. C’est bien ça ?

Oui, un feuilleton audiovisuel autour de cette chanson mystère. Tiens mon assiette est cassée. Ce sont des assiettes très rares qui m’ont été données par mon voisin qui a une merveilleuse boutique de choses étonnantes, une sorte de cabinet de curiosités, L’objet qui parle et comme il sait que j’aime bien la faïence, la porcelaine, les vieilles choses, il m’a dit que ces assiettes étaient très rares, qu’il en avait jamais vu en 30 ans de carrière. Ce qu’on voit dans l’assiette, c’est du lierre mauve et ça, il en a jamais vu. Quand il me les a données j’étais très heureux parce que tu sais à quoi ça m’a fait penser ? Ça m’a beaucoup fait penser au film étrange qu’on fait Cocteau et Prévert, que j’ai vu 100 fois mais dont le titre m’échappe soudainement (il s’agit de Les visiteurs du soir de Marcel Carmé avec Prévert au scénario et aux dialogues et Cocteau nulle part puisque, comme il le dira, ces deux-là n’ont jamais « collaboré en matière de cinéma », Untel a juste fait la « fusion mentale » de ce film avec La Belle et la bête – nda).

J’ai lu le dossier de l’Opération Johnny que tu me l’a mailé. Je l’ai trouvé ultra béton, tant dans l’idée que dans la manière dont elle est déroulée. En le lisant, je me suis dit que si j’avais été producteur, j’aurais allumé un cigare et sorti le carnet de chèques !

Bah c’est ce qu’ils vont faire. Je m’aperçois que j’ai pas fait de tisane, ce qui est quand même assez dingue. En même temps, il faut jamais boire en mangeant. Alors j’ai plusieurs tisanes : j’ai des trucs purs où on fait le mélange nous-mêmes et j’ai ce mélange de Beyrouth où il y a même des cheveux de rousse, et j’ai vu que tu en étais friand…

C’est vrai, je me suis souvent illustré dans la rousse…

(Rires.)

Je sais pas pourquoi, ça m’échappe

Tellement de choses nous échappent quand il s’agit des filles qu’on pourrait écrire une encyclopédie en 15 volumes…

Allons-y pour le mélange…

On va se défoncer. Moi je carbure à ça depuis des mois. A la base, pour moi, prendre une tisane ça voulait dire boire de l’alcool. Maintenant je découvre la vraie tisane. Formidable.

Et donc tu as monté ce dossier pour démarcher…

Oui, je cherche des partenaires, de l’argent pour faire le projet et un diffuseur pour le diffuser. A l’heure actuelle j’ai que l’équipe technique et les acteurs.

Contrairement à la chanson le projet télévisuel a vraiment été écrit à plusieurs ?

Oui, l’Opération Johnny a été montée avec des collaborateurs. On est vraiment 4 à écrire. Quelqu’un s’occupe de la plateforme web. Il est aussi un des co-concepteurs et co-scénaristes. Brushing (Emmanuel Vilin, qui avait initialement travaillé sur la chanson – nda) est revenu dans la course et est devenu co-concepteur et co-scénariste. Il va jouer dans le teaser qu’on tourne demain matin. Là on était à Cannes pendant 4 jours, j’y ai fait écouter le morceau à des gens de télé, des producteurs, des journalistes…

Les réactions ?

Concernant tes collègues du monde journalistique, ils sont tous emballés.

Par la chanson ou par l’émission de télé ?

Par l’Opération Johnny dans son entièreté. Dans ce que c’est vraiment. C’est-à-dire un cadeau pour les fans, pour nous, pour Johnny.

Ne crois-tu pas qu’ils sont aussi emballés par la dimension générationnelle du projet ? Qu’à travers l’Opération Johnny tu touches quelque chose qui leur parle au-delà de la musique et indépendamment de Johnny ?

(Silence.) Comment ça ? Parce que tu penses qu’ils sont tous vieux ?

Non, au contraire, je me dis que ce projet, avec son côté multimédia et sa quête folle du père, de reconnaissance, de flamboyance, véhicule le fantasme du trentenaire qui veut s’affranchir de la micro-célébrité dans laquelle cette époque l’enferme…

Je sais pas. C’est difficile de savoir ce qu’y voient les gens. Toi-même, qu’est-ce qui te séduit dans ce projet ? Ce qui te parle, c’est cet aspect « art total » ?

Oui.

C’en est en effet, je suis assez d’accord. Déjà parce que c’est cross media. Mais aujourd’hui tout est devenu cross media. Donc c’est pas vraiment ça non plus.

Oui, sauf que là c’est basé sur un rêve, un truc initiatique, à la fois intime et collectif. Avec Johnny au centre. C’est pas rien. C’est le symbole du rock français, d’une époque un peu bénie aussi, économiquement, sexuellement, etc. Mais en même temps, je sens que ça pourrait être basé sur autre chose, d’aussi fort, grand, inspirant…

Ça, je sais pas, y se trouve que c’est Johnny… Oui, c’est dur de savoir ce qui séduit les gens. Moi, je sais l’énergie qui me pousse à avancer dans cette histoire, je sais que là, aujourd’hui, je suis très très heureux que ce soit l’Opération Johnny et pas juste la chanson pour Johnny.

Après 9 ans d’écriture tu aurais été embêté de n’aboutir qu’à ce morceau ?

A partir du moment où il l’aurait chanté j’aurais pas été si embêté que ça.

Oui, mais comme tu avais été recalé au casting de son nouvel album et qu’en fait tu ne désirais pas y figurer, comment t’y serais-tu pris pour qu’il la chante ? T’étais bloqué. Avec ce projet du coup tu te sauves toi-même de la mouise, tu te sauves doublement, et ça semble le meilleur moyen pour atteindre Johnny et qu’il chante ta chanson…

C’est certain. Et tout le processus est beau ! On est vraiment dans une philosophie orientale. C’est-à-dire que c’est le chemin qui compte et il s’annonce magnifique. J’adore cette histoire ! Elle me touche vraiment. Je pense qu’on va vraiment vivre des moments dingues en traversant la France à la rencontre des fans de Johnny avec cette équipe de trois pieds nickelés, de doux dingues, de charlots. On fera peut-être aussi un saut en Belgique, en Angleterre, en Suisse. Je sais qu’il y a même de grands fans de Johnny à Beyrouth. J’en avais rencontrés.

Ça va être des moments de célébration !

Oui, vraiment. On va percuter la vie de fans en leur apportant une chanson que Johnny n’a pas encore chantée pour eux. Qu’on va leur faire écouter et dont ils vont pouvoir, par leur énergie, accentuer les chances d’être chantée par lui. Ils vont pouvoir la lui transmettre de cette façon. C’est quelque chose d’assez…

Vibratoire ! Là, tout ça me fait penser à Lynch qui croit pouvoir sauver la Terre par l’émission massive d’ondes positives de disciples de la méditation transcendantale !

Mais c’est ça. Mais oui. D’ailleurs pour aider on invitera des stars à chaque épisode.

Comment les convaincre ces stars ?

Bah c’est tout simple : à partir du moment où le projet sera produit, qu’il y aura de l’argent et que les gens sauront que ça se fait, on leur demandera et ils diront oui ou non. Bien entendu, j’espère qu’il y aura les copains « historiques » de Johnny : Eddie Mitchell, Dick Rivers… J’en ai déjà contacté certains. J’espère qu’il y aura aussi quelques-unes des très belles femmes qui ont partagées sa vie : Sylvie Vartan, Nathalie Baye… Pour les fans, les français et aussi pour Johnny, tous ces gens ça fait un peu un. Y’a vraiment un côté : Johnny c’est la France et la France c’est Johnny. Il y avait vraiment ça, et c’est rarissime. ça a dû exister dans très peu de pays, à de très rares occasions, autour de très peu d’hommes, ou de femmes, que quelqu’un symbolise à ce point-là l’ensemble d’un pays avec cette longévité, ce truc incroyable d’amour. La France a vu Johnny grandir, devenir adulte, faire le fou, frôler la mort. La France et Johnny ont un chemin ensemble. C’est vachement étonnant. Et rare. En Allemagne y’a eu Klaus Kinski. Kinski a joué à ça. D’une certaine façon. Il était dans un délire plus arty. Mais il avait bien compris ça. Mais sur la route de Johnny d’autres hommes sont passés qui ont eu cette dimension : Coluche, Gainsbourg…

Bashung aussi, que certains qualifiaient de « Johnny new wave » dans les années 80…

Bien sûr, mais pour Bashung c’était différent parce qu’il était plus discret. Sa vie privée était cachée derrière ses chansons. Il a été très précautionneux, pour son entourage. Moins excessif. Enfin dans son rapport aux médias en tous cas. Après dans sa vie privée je sais pas justement. (Silence.) Mais oui, pour Coluche, Gainsbourg et Bashung à un moment ça s’est déclenché. Mais Johnny, lui, c’est frénétique du début à la fin. Fou. Cinquante ans que ça dure.

Tu as prévu 12 épisodes à ton émission. Et si au 12e tu n’arrives pas à avoir Johnny ?

C’est pas comme ça que ça se passe. C’est pas un projet qui aura ou non un avenir. Il existe. Voilà. Après, le succès de la chanson, l’envie qu’aura ou pas Johnny et le cœur qu’il y mettra ou pas, tout ça, je sais pas, c’est secondaire. Le plan est parfait. C’est pas un plan d’ailleurs, c’est comme… A Noël tu te poses pas la question si c’est une bonne idée de faire des cadeaux, c’est comme ça. Je sais pas, la métaphore est complètement stupide parce qu’elle veut rien dire mais l’idée est là. L’Opération Johnny est comme elle est là, on lui a trouvé sa forme. Après, est-ce qu’il y aura vraiment 11 épisodes avec le 12e, bouquet final, où on voit Johnny chanter la chanson en studio, je sais pas. Mais y’a un truc que je tiens à préciser car ça tu l’as pas lu dans le dossier, c’est qu’il y aura du public quand Johnny chantera la chanson en studio. Y’aura 11 fans qui auront gagné ça via un jeu sur opérationjohnny.com. Onze fans qui seront derrière la vitre ou à côté de Johnny quand il chantera la chanson. Voilà, je veux aussi faire ce cadeau aux gens. Et comme c’est eux qui lui diront de chanter le morceau, c’est normal qu’ils soient là quand il la chantera. Ça fait sens. Donc voilà, l’opération je la propose comme ça aux chaînes et aux producteurs mais au final le format sera peut-être un peu différent. Ce qu’il faut c’est que ça reste un feuilleton, qu’il y ait un suspense autour de cette chanson mystère, qu’on attire un maximum de gens sur le plateforme web, qu’ils s’y inscrivent pour essayer de participer à un épisode et de gagner le droit d’être dans le bocal quand Johnny la chantera. Après si quelqu’un me propose de l’argent, qu’il est seul sur le coup et qu’il veut absolument un autre format, on peut en discuter. Mais je trouve que l’idée est belle comme ça. Il faut un rendez-vous. C’est bien les rendez-vous. Y’en n’a pas si souvent des rendez-vous marrants, beaux et tout. Moi je me souviens des premières diffusions de la série Twin Peaks sur la 5. C’était un rendez-vous incroyable ! Incroyable ! Wouah, un chef d’œuvre ! Et la musique ! Badalamenti, quel musicien ! Grand musicien. Très grand musicien. J’ai rencontré Lynch deux fois dans ma vie et c’est vraiment quelqu’un de bizarre. Y’a des moments magnétiques plus ou moins forts dans la vie d’un être humain, même d’une heure à l’autre, on le sait bien, on peut se recharger et repartir de plus belle, on vit tous comme ça. Bien je me souviens que la première fois que j’ai rencontré Lynch c’était dans un restaurant à Cannes, je lui avais serré la main et wouah ! un courant électrique m’avait traversé. Mais vraiment terrible. Un machin, je m’étais dit : « Putain… » Peu de gens te font ça. Belmondo la première fois m’avait fait ça. Un truc pareil d’énergie.

Tu as aussi rencontré Belmondo ?

Oui, 3-4 fois. Belmondo c’est quelqu’un que j’aime énormément. Enormément. C’est un soleil. Quand tu le rencontres, un vrai soleil. Et aujourd’hui encore. Je l’ai revu y’a 8 mois environ. Un soleil avec une gueule ! Ses rides, on pourrait mettre les poings à l’intérieur !

Des rides comme des canyons ?

Ouais, tout ça avec le soleil qu’il dégage ! Nom de Dieu ! Y’en a pas beaucoup des mecs qu’ont des gueules comme ça dans la vie. Y’a Sean Connery. Y’a eu Gary Grant. Des gueules qu’ont aussi absorbé les sunlights, cet aspect hollywoodien des grands acteurs, et la vie quoi. Belmondo a ça, il a absorbé les sunlights, du coup ça ressort ! C’est étonnant mais c’est ça. Dans Mulholland Drive y’a une scène où la jeune actrice blonde jouée par Naomi Watts joue une scène avec un vieil acteur buriné comme pas possible genre Hollywood pure souche avec sa gueule, son sourire, ses cheveux blancs…

Oui, lui est même super lubrique à la base car il en profite clairement pour la peloter. Mais son jeu à elle, son émotion tragique, le fait peu à peu flipper et perdre prise.

Ouais, ils sont pris dans un micmac étrange mais il est dans l’énergie qu’il faut pour la scène. C’est ambigu. On est vraiment dans une question de cinéma. Et c’est magnifiquement rendu. J’adore cette scène ! Faut que je revoie Mulholland Drive. Quelle merveille ! Et je pense que Johnny a ça aussi cette énergie en lui.

Tu trouves que c’est un bon acteur ?

Oui, je l’ai beaucoup aimé en détective dans L’homme du train. Qu’est-ce qu’il est touchant. Dans ce film il m’a beaucoup fait penser à Clint Eastwood dans Impitoyable. Le même genre de grand héro vieillissant, qui a un rapport, je sais pas, à la vie, à son corps, tout ça, une sorte de tendresse et en même temps presque déjà une abs… une sagesse.

D’ailleurs faut qu’il tienne Johnny !

Oui, cette année il a du pain sur la planche. Il faut qu’il chante ma chanson, qu’il donne tous ces concerts, qu’il joue dans la pièce de Tennessee Williams à la rentrée en septembre (Le Paradis sur terre – nda)… D’ailleurs va falloir aller voir ça, ça va être quelque chose.

Quel âge il a ?

Il va avoir 69 ans le 15 juin 2012. Mais attention, c’est une force, un gaillard.

Il a un coach sportif !

(Rires.) Il a raison. Moi dès que j’ai les moyens… T’as l’air en forme toi d’ailleurs !

Quels « acteurs » vont former l’équipe de trois pieds nickelés de l’Opération Johnny ?

Les nominés sont Rover, qu’on a vu récemment dans Robert Mitchum est mort, Charif Gatas, un auteur et metteur en scène de théâtre qui avait fait Du vice à la racine y’a quelques années, un succès à l’époque, et Aurélien Rondeau, un comédien de théâtre. Comme moi ce sont tous de grands admirateurs de la carrière de Johnny et des amoureux de certaines de ses chansons, sans être des fans absolus dans le sens où…

Vous ne portez pas de T-shirt ornés de camions et de têtes d’husky !

Ah, ça peut arriver, surtout dans l’émission. Je pense que c’est là que vont se révéler de vraies tendances de fans ! Le T-shirt à tête de loup, y’en aura ! Ouais, ça c’est sûr. Il va aussi y avoir des bagnoles américaines, en tous cas une car c’est un road-movie, donc y’aura une Cadillac. Ils ne vont pas voyager qu’en Cadillac, parfois ils seront en Ferry et ils seront contraints de laisser la Cadillac sur le port. Et ils vont aussi voyager à pieds, en train, en avion, en péniche un peu partout en France pour faire écouter la chanson mystère à la France qui aime Johnny. Et pour que cette France-là la plébiscite.

Depuis tout à l’heure tu parles de Johnny et de la France. Pourquoi ne pas faire écouter ta chanson au Président, Nicolas Sarkozy, qui semble proche de Johnny ?

(Silence.) Euh, pourquoi ne pas faire écouter le morceau à Nicolas Sarkozy ? Nicolas Sarkozy qui est, dit-il, un grand fan de Johnny… Je crois que Nicolas Sarkozy est surtout un grand fan de l’électorat de Johnny.

De la même manière qu’il avait besoin de « l’électorat de Doc Gynéco » ?

Oui, je pense que Doc Gynéco avait besoin d’un père de substitution que Nicolas Sarkozy symbolisait par son autoritarisme et que Nicolas Sarkozy avait besoin d’un presque black ou ami des blacks dans son décor. Les choses s’assemblent souvent suivant des intérêts mutuels, c’est humain, c’est naturel. On trouve ça dans la nature, dans certains parasites par exemple. Et c’est utile les parasites, ils mangent d’autres parasites. Comme les poissons-pilotes autour des requins ou les petits oiseaux qu’on voit sur le dos des rhinocéros. Mais là je ne dis pas que Doc Gynéco est un petit oiseau sur le dos d’un Nicolas Sarkozy rhinocéros ou un petit poisson sur le dos d’un Nicolas Sarkozy requin : je les mets un peu en-dessous de ces deux animaux.

Quoi qu’il pense, Johnny, lui, a toujours été associé au Président en place…

Bah oui parce qu’en fait ce que je pense c’est que ce sont les politiques qui lui courent au cul, pas l’inverse. Johnny c’est quelqu’un qui n’aime pas le conflit. ça je le sais. Quand quelqu’un vient lui donner son amitié, il la prend. Alors tantôt c’est un homme de gauche qui le reçoit à l’Elysée tantôt c’est un homme de droite, mais en fait l’Elysée c’est plus la maison de Johnny que celle du prochain Président, qui est encore une énigme. Johnny, il y sera quoiqu’il arrive. Il y est plus légitime que ces enfoirés, ah pardon ! que ces salopards, ah comment dirais-je ? que tous ces « fils de » qui nous gouvernent. Bien sûr. C’est sa maison l’Elysée ! Parce que la France c’est Johnny. Moi si j’étais lui j’irai y becqueter tous les soirs, enfin pas tous les soirs car y’a vraiment des têtes de cons à éviter, mais souvent, j’irai même en cuisine avec les gars. Moi, rien que pour ça, je me demande si y’en a pas qui essaient de briguer le poste, tu vois ? Juste pour la cantine. Y’a des gourmets en France et je pense qu’on y mange très bien.

Comme chez vous Untel !

Vous êtes bien aimable. C’était un petit peu régime bouddhiste.

7 réponses
  1. yanko
    yanko dit :

    Non non pas du tout, je reste dans le sujet!
    Johnny prend sa source dans la Religion Grecque Antique. Il est une incarnation terrestre possible de Prométhée, c’est tellement évident pour moi !

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