THE NARCOLEPTIC DANCERS « NEVER SLEEP »


12 juillet 2011. 17h. Je lis : « Cet album n’est pas dédicacé à notre père, il est pour toi Sylvain. » Mince, mon interview mail des Narcoleptic Dancers a comme un goût d’inachevé et d’enculade. Anton Louis Jr., la moitié masculine du duo ne m’a rien lâché sur la fausse bio de Never Sleep, premier album où ils s’inventent notamment un père footballeur du nom de Johnny Van Kappers. A part 2-3 boutades pseudo complices, planqué derrière son ordi, il s’est cramponné à son mytho. Il aura l’air moins drôle quand il s’agira de parler musique, qu’il ne pourra plus botter en touche. Il fera déjà moins le malin comme si on lui coupait les ailes et que parler « vrai » ne pouvait être qu’un retour déceptif au réel. Qu’au-delà de ses jolies capsules pop leur musique n’autorisait plus aucune réelle marge de manœuvre, et nous laissait en mal de mythes, en mal d’histoires, en mal d’âme-sœur.

Si leur disque s’appelle Never Sleep ? C’est un peu pour dire au gouvernement qu’ils l’emmerdent « avec sa France qui se lève tôt ». Ils se lèvent tard et ça ne les empêche pas de beaucoup bosser. Donc « le message, si message il y a », c’est qu’il ne faut « pas se laisser endormir par toutes les salades qu’on nous raconte à longueur de journée à la télé ou dans la presse » mais de « rester curieux, créatif, en éveil » car « ça permet d’être libre ». Si des mèches de popeux leur mangent le visage sur la pochette du disque ? Ce n’est pas pour railler les dogmes pop, leur Lennon Incest, car « si c’est vrai qu’en musique les looks sont un peu stéréotypés », « on se range tous sagement dans des cases sans même que personne ne nous y oblige ». Ils essaient donc juste « de vivre et de faire différemment » parce que « c’est marrant de brouiller les pistes et ça attise la curiosité ».

Petit joueur, manque de bol(locks). « On n’est pas là pour faire le jeu des attachés de presse », me lâche So Foot, qui du coup n’est plus preneur de l’interview. Je décide de continuer tout seul. Dans la foulée je pactise même avec l’ennemi en acceptant un déjeuner avec l’attachée de presse. J’apprends que derrière The Narcoleptic Dancers œuvrent en fait Axel Concato d’Axel and the Farmers (compositeur) et Melody Prochet de My Bee’s Garden (chant, texte), deux jeunes gens (elle 25 ans lui plutôt 35) qui ont sorti les premiers albums de leurs groupes respectifs il y un an. (Hunter the Sleeper et Axel and the Farmers). Chez lui, produit par l’ex-Ride Mark Gardener, j’avais bien aimé « Dream #7 », single cool crâneur parfait pour rouler toutes fenêtres ouvertes. Chez elle, j’avais plutôt eu la désagréable impression d’un maniérisme  shoegaze aussi assoupi qu’insipide.

A l’été 2010, à la sortie de l’EP des Narco, l’Angleterre avait crié au génie : « This duo perform subversively pretty indie-pop, all barmily breezy acoustica with kookily appealing melodies. » (The Guardian) « It’s just about the happiest and the catchiest thing you’ve ever heard. » (Clash) « They radiate charm and summery freshness that is redolent of The Moldy Peaches’ anti-folk and Psapp’s twinkling pop. » (Music Week). Sortant fin août 2011, le génie domestique de leur album (« Waouh, les beaux magnets pseudocandy! ») devrait s’attirer les mêmes faveurs. Anglo-centrés sur son cheptel de références indie pop proprettes (80’s / 90’s) le duo s’en félicitera. On dit qu’une tournée en Europe les attend début 2012. Nouveau mytho ? Durant l’enregistrement de Never Sleep le duo était couple. « I know it’s over, still I cling… ». Axel Concato / Anton Louis Jr. me répond seul two.

(OFF RECORD)

 

« on est les enfants de Sabrina »

 

 

Bonjour Anton. C’est la première fois qu’on te fait une interviewe foot ?

Oui, et je t’en remercie.

Si je le fais c’est que la bio qui présente votre premier album insiste sur le fait que ton père à Melody et toi, Johnny Van Kappers, fut membre de l’équipe de football néerlandaise et d’autres clubs européens dans les années 70. Pourquoi avoir choisi de mettre ça en avant ?

Il a toujours été à contre-courant des modes, dans sa coupe de cheveux, sa façon de dribbler, etc. Pour lui c’était une manière de se démarquer. Ça lui a valu le surnom de danseur narcoleptique. On lui a tout piqué. On lui devait donc ça. En un sens il fait partie de l’histoire de notre groupe.

Même si votre musique ne cultive pas particulièrement l’esprit foot ?

Comment ça : « notre musique ne cultive pas l’esprit foot » ?

Disons qu’elle évoque au mieux l’innocence enfantine du ballon rond façon bulle de savon…

Mais qui te dit qu’un jour des supporters ne chanteront pas la ligne de basse de « Rastakraut » ou d’ « Again And Again » comme c’est arrivé au « Seven Nation Army » des White Stripes ?

Je vous le souhaite.

Mais pour répondre vraiment à ta question je pense que si notre musique est si souvent associée à la candeur ou la légèreté, c’est parce qu’elle a été confectionnée exactement dans cet état d’esprit. On voulait faire un album de premiers jets, privilégier la spontanéité, ne pas torturer les mélodies et les arrangements. On a procédé de la même manière pour les textes. On gardait les premières idées qui nous passaient par la tête et comme les musiquent inspirent des textes positifs, voilà.

Je ne me suis pas penché sur vos textes mais ça et là j’ai quand même eu le sentiment que vous donniez en douce quelques tacles dans les jambes comme Lily Allen. Je me trompe ?

C’est vrai qu’il y a parfois un double sens dans nos paroles. La surface est lisse mais le fond est parfois rugueux. Mais on n’allait pas s’attaquer à des sujets lourds sur une musique aussi légère. On a essayé de faire des chansons simples et joyeuses. Si c’est ce qui ressort à l’écoute du disque c’est qu’on a réussi notre « pari ».  

Quand vous voyez des journalistes louer votre musique pour la capacité qu’elle aurait à se retrouver catapulter dans des pubs vous vous dites aussi que vous avez réussi votre pari ?

De nos jours c’est le problème quand on fait une musique gaie parce qu’on associe tout de suite la joie de vivre à l’envie de consommer. Mais pas à l’envie d’acheter des disques. C’est dommage.

Votre album comporte 13 morceaux dont seulement 6 nouveaux depuis votre premier EP sorti à l’été 2010 plus 2 doublons en version démo. Pourquoi si peu de nouveaux titres et cette vague impression d’anti jeu ? Vous n’arriviez pas à retoucher la lucarne du tube pop ?

Non, on n’a pas joué la montre. On a géré notre match avec sérénité. Sur le EP c’était des démos. Tous les titres avaient été faits à la maison. On nous a proposé de les sortir tel quel. On a accepté. Et puis on a continué à enregistrer l’album avec un producteur. Axel Concato nous a aidé à finir nos morceaux et nous a alors emmenés au studio Plus 30 où il fait équipe avec Maxime Le Guil. Tout s’est passé très simplement dès le début et on est super contents du résultat. Avec eux on a réussi à garder cette fameuse spontanéité qui nous était chère. J’espère que ça continuera ainsi. Après pour ce qui est de « la lucarne du tube pop », il n’y a pas de recette sinon ça se saurait.

Dans votre bio vous citez Zooey Deschanel, Grizzly Bear, Radiohead, Lily Allen, Broadcast et The B52’s comme spectre d’influence. Dans tout ça Radiohead fait un peu tâche, non ?

Dans nos influences on a mis quelques groupes qu’on aime en général. C’est vrai que là-dedans Radiohead fait un peu figure de « contre-exemple ». Radiohead c’est très beau et c’est très triste. Alors peut être qu’après s’être plombés le moral une heure durant en écoutant Hail To The Thief, on a eu une furieuse envie d’écrire des morceaux joyeux.

Votre père écoutait-il de la pop ?

Contrairement à ma sœur, je n’ai pas vécu avec lui. Je garde donc très peu de souvenirs, à part le maillot de son club avec lequel je dors toujours. Mais Melody m’a raconté qu’il y avait pas mal de vinyles, notamment des trucs expérimentaux comme The Residents, et les groupes allemands des années 70, comme Can, Neu, Kraftwerk. Il trouverait sans doute notre musique trop poppy. Pourtant, même si ça ne s’entend pas, ces vinyles ont dû avoir une influence sur nous.

Loin de lui t’es-tu tout de même passionné pour le foot ?

Oui, assez. J’ai vécu 5 ans en Angleterre, dans le coin de Camden, pas très loin d’Highbury, et là-bas c’est impossible de ne pas supporter une équipe, on se doit d’avoir un avis sur la question, alors j’ai naturellement choisi Arsenal et son équipe de frenchies. J’ai adoré la saison 2002-2003 quand Arsenal a gagné le championnat sans concéder une seule défaite. J’aime beaucoup Wenger (de son prénom Arsène, 62 ans, cet ex joueur de football bel et bien français entraîne le club anglais Arsenal depuis 96 et est considéré comme l’un des plus grands entraîneurs de son époque, pour choisir de jeunes joueurs en devenir et développer un jeu résolument tourné vers l’attaque et le collectif – nda), ses recrutements, son envie de développer du beau jeu. Même s’ils ont du mal à rivaliser avec Manchester, je trouve qu’ils sont plus agréables à voir jouer. Et puis bien sûr quand j’étais petit et que j’étais en France j’ai collectionné les images Panini de la coupe du monde 86. Je me souviens assez bien du fameux France-Brésil. J’ai aussi souvent acheté France Football après la Coupe du Monde 98 pour suivre les transferts des français vers l’étranger.

Vous avez décidé de placer votre premier album sous le signe d’une autre figure paternelle, celle de John Lennon, car la pochette du disque fait une référence détournée au célèbre Bed-in pour la paix que Yoko Ono et lui orchestrèrent en 1969. Pourquoi un tel clin d’œil ?

Dans cet album on s’est amusé à glisser différentes petites références, plus ou moins évidentes. La pochette en fait partie. Pour nous c’est des repères. Les Beatles ont indéniablement influencé notre manière de composer. Mais on n’est pas les seuls. Il parait que Sacha Distel était lui aussi influencé par les Beatles.

Avoir eu un père footballeur c’est plus classe qu’avoir eu un père rocker ? 

Non, ce n’est pas plus classe, c’est pareil. Surtout qu’il est mort jeune comme un rocker célèbre. Et nous ça va, on n’a pas pris la grosse tête, ce n’est pas comme si on était les enfants de Zidane. On est que les progénitures de Johnny Van Kappers, c’est plus comme si on était, je ne sais pas, les enfants de Sabrina, qui chantait « Boys Boys Boys » au coin d’une piscine dans les années 80. Une personnalité tristement boudée des médias de nos jours.

D’ailleurs, j’ai cherché, on ne trouve nulle trace de votre père sur le net…

Oui, c’est aussi pour ça qu’on a voulu lui rendre ce petit hommage dans notre bio, mais le but n’était pas non plus de raviver sa célébrité oubliée. Il a eu son heure gloire bien avant qu’internet n’existe et je ne pense pas que maintenant, d’où il est, il se préoccupe de l’image qu’il a laissée.

Ok Anton, et si on arrêtait de jouer ?

Comment ça ?!

Avoue : cette histoire de père footeux, c’est un bon gros fake mitonné pour faire le buzz !

Hey, doucement, notre père va se retourner dans sa tombe si tu oses proférer de tels mensonges ! Il a claqué des bannettes en pleine lucarne pour moins que ça. Carton jaune !

Non mais sérieux, j’ai mené ma petite enquête et Johnny Van Kappers n’a jamais existé !

Dis, tu nages en pleine théorie du complot-là ! C’est l’affaire DSK qui te fait voir le mal partout ? En 1982, l’arbitre a cru lui aussi que l’ignoble attentat d’Harald Schumacher sur Patrick Battiston était une fausse agression. Carton rouge !

D’autres journalistes ont-ils flairé la supercherie ?

A part Thierry Meyssan, personne. 

Un dernier mot ?

Fin du match. Pas de prolongations.

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