SONIC SATELLITE « SONIC SATELLITE EP »
14 septembre 2011. 21h. 11e arrondissement de Paris. « Love, Peace and Harmony » au Pop In. Oui, ambiance « very nice, very nice, very nice » dans ce petit bar rock anglophile de la capitale. Une soirée un peu Parlhot dans l’esprit s’y prépare car deux jeunes groupes que je soutiens vont investir la scène. Il s’agit de Sonic Satellite et de Peter P. J’ai déjà dit tout le bien que je pensais des premiers. Je n’en pense pas moins du second. Un vrai coup de cœur. J’en reparlerai plus tard. En attendant, le hasard m’a permis de le placer en première partie de Sonic Satellite. Ça me ravit. D’ailleurs, plus tôt dans l’aprem, j’ai mailé à la cantonade – à tout mon répertoire gmail ainsi que sur le mur de mon Facebook : « Ce soir Pop In comme poppons avec Peter P et Sonic Satellite ».
Pour moi ce soir n’a donc rien à voir avec celui du 14 janvier où j’avais découvert Sonic Satellite au Truskel – ça faisait des lustres que je n’étais pas allé tout seul dans un petit bar rock pour y exciter ma veine de journaliste défricheur, et avant qu’ils ne se mettent à jouer, tout seul à boire mon demi, je me demandais un peu ce que je foutais là. Or là, je suis un peu le MC de la soirée. C’est moi qui régal. Bon, ça se passe que dans ma tête mais ça me fait kiffer. Il y a plein de potes. Quand j’arrive je ne sais plus où donner de la tête. C’est bises à droite, bises à gauche. Ambiance collégiale de rêve. Le paradis. Mais où est St Pierre ? Et les targets potentielles ? Ah j’en vois, là, salut, bise, bise. Targets qu’il va malheureusement falloir délaisser. Car ce soir je « représente ».
Ah mes Sonic Satellite, ces pure player pop-rock aux fines gâchettes mélodiques qui collent un peu au fond de la casserole. Ça fait bien 6 mois que j’ai leur 5 titres chez moi. Que je me repasse à loisir ces pop-songs New Order-like qui filent en se fichant du qu’en dira-t-on. Leur côté sharp, take it or leave it. Leur côté Chups, clap clap. En tête la basse fusante de « Show me the way » et la sautillance au taquet d’« I wish ». Imparable. J’ai l’impression d’être un ado quand j’écoute ça. Amoureux. Invincible. Les Sonic Sat’ c’est pas de l’indie rock pète-couilles ! Six mois que je dois parler d’eux dès que l’occasion se présente. Comme si j’étais leur manager et RP. Je suis content de les revoir sur scène, d’autant que je les faits partager à des potes. S’agit de montrer l’exemple.
Ça se passera de commentaires. Le concert sera aussi bon que l’autre fois. Solide, pop et revêche à la fois. Ils joueront tous les titres de leur EP et 7 autres, où le chant du bassiste Pierre Dubost – sa façon de rugir, de cacher un tigre dans le moteur – et la gratte et la batterie des deux autres donnent encore des merveilles. Plus de copine à appeler en plein set, mais des ami(e)s avec qui trinquer des yeux. Et Pierre avec qui resympathiser et tiser après coup. Parler de musique, de love less(on) et de pain of being pure at art. En faire une itw d’esprit Parlhot. Sur le chemin du retour, le refrain d’« A New Joy » viendra m’escorter avec cette question qui me tombera cash sur le coin de la gueule : « L’amour qui dure est-il toujours la rédemption des amours qui n’ont pas duré ? ».
« The XX m’a conforté dans l’idée que j’avais pour Sonic Satellite »
Bonjour Pierre. Alors, dis-moi, où en es-tu de tes démarches e label…
J’ai envoyé l’EP à Discograph, Third Side, Domino, Because, Differ’ant, Vicious Circle, Talitres, Super, Cinq7 aussi. Je connais quelqu’un Chez Cinq7 mais ce qui fait chier c’est qu’ils viennent de signer Dissonant Nation, du rock de jeunes, et qu’ils sortent actuellement Rover, un type plus rock mature, donc j’imagine que c’est super serré.
Oui, Rover je connais et je viens d’écouter l’EP, qui ne m’a pas trop convaincu…
Rover, je comprends pas le délire ! En fait je pense surtout qu’ils vont synchroniser le refrain de son single ! Dans 2 mois je suis sûr qu’on l’entend sur EDF ou SFR…
Possible, oui. Votre EP à vous sort bientôt. A défaut de label as-tu trouvé une promo ?
Toma des Boutiques Sonores a bien accroché sur l’EP. On va donc apparaitre dans leur prog de novembre et on jouera à l’International le 20 novembre avec deux autres groupes de notre choix. C’est une bonne date, puisque ça figurera dans la prog des Nuits Capitales, et c’est donc une good news en terme de promo ! Mais non, à part ça on n’a pas trouvé quelqu’un pour faire la promo de l’EP qu’on prévoit de sortir début novembre. D’ici là si on n’a pas trouvé de label et donc de distrib physique, je sortirai le disque en autoprod. Je le vendrai en physique sur le site du groupe, que je suis en train de créer, et en digital sur les plateformes Believe, etc. On recherche donc toujours un manager ou une attaché de presse, quelqu’un de sérieux et de pointu dans ce domaine et qui aime le projet. Ce serait plus simple ! Si tu as quelqu’un à me conseiller…
Je verrai ça ! On s’est rencontré grâce aux Smiths. Comment les as-tu découverts ?
J’ai entendu les Smiths dans la voiture du père d’un pote, à 15 ans. Il nous conduisait à une soirée. Je m’en souviens comme si c’était hier, c’était « William, It Was Really Nothing ». Il y a tout les Smiths dans ce morceau : la chanson, le groove, le son clair et un peu « chorusé » de Marr, les envolées lyriques de Morrissey, etc. Je n’avais jamais entendu quelqu’un chanter comme ça et en sortant de la voiture j’avais plein de mélodies en tête. C’est à cette époque que j’ai commencé à acheter mes premiers disques. Et par la suite, je passais mon temps dans la chambre de potes à écouter des vinyles : Joy, New Order, The Cure, Trisomie 21… La musique c’est un truc dingue. Tu te rappelles la vieille pub dans laquelle une femme ouvre la porte de son frigo et arrive dans une caverne incroyable remplie de glaces ?
Bien sûr !
Hé bien quand j’ai vraiment accroché avec la musique, j’ai eu l’impression qu’on m’ouvrait une grande porte derrière laquelle se trouvait un trésor infini. Jusqu’à présent rien ne m’avait vraiment plu, je ne m’intéressais pas vraiment à la musique, et mes sœurs écoutaient de la variété française. C’était assez compliqué de s’intéresser à la musique en entendant du Balavoine ou du Goldman toute la journée… Mais là d’un coup je voyais de la musique partout !
Aimes-tu tout des Smiths ou un disque en particulier ? En tant que bassiste-chanteur, es-tu plus sensible à Morrissey, sa voix, ses textes, son personnage ou à leur son de groupe en tant que tel, marqué par le jeu de guitare de Johnny Marr ?
Des Smiths, finalement, je connais plus les compiles comme Hatful of Hollow que les albums comme The Queen is Dead car je préférais l’accroche évidente des titres compilés. Morrissey, il est beau, il a une voix géniale, une poésie que chaque mec un peu sensible aimerait avoir. C’est aujourd’hui que je me penche sur ses textes, ceux de « This Charming Man », « Half a Person » … Arriver à mêler la poésie pour parler du quotidien, des problèmes amoureux, du côté obscur de la vie sur des mélodies pop happy, c’est génial ! Le jeu de Marr est tellement particulier. Je suis fan du son clair en guitare, c’est ce que j’ai essayé de faire sur Sonic Satellite. Mais on ne parle jamais du basse-batterie des Smiths alors qu’ils sont incroyables dans le groove, la mélodie et le son ! Après pour ce qui est de la carrière solo de Morrissey, j’avoue que je n’ai pas vraiment suivi, mais il faudrait que je m’y penche. Là-dessus tu vas devoir aussi me conseiller !
J’y compte ! A propos des Smiths, qu’en est-il de ceux qu’on a un temps décrit comme « les Smiths d’Amérique », et qui viennent justement de raccrocher les gants : REM. Tu aimes ?
La première fois que je les ai entendus, c’était en live à Nulle Part Ailleurs avec « Losing My Religion » et j’avais flippé sur le son de basse. Hé oui quand on est bassiste, on ne fait pas exprès mais c’est l’une des choses qu’on entend en premier. Le lendemain j’ai couru acheter l’album à la Fnac et sans déconner j’ai écouté « Losing My Religion » en boucle pendant un mois. Je n’arrivais pas à me lasser de cette chanson. J’ai ensuite découvert les autres albums, notamment Green, mais je suis passé rapidement à autre chose. Mais là encore, ça a été un déclic, alors que je n’avais pas vraiment de « culture » musicale, c’est ce genre de groupe qui m’a ouvert les oreilles et m’a permis de comprendre tout le bien-être que l’on pouvait tirer de la musique. C’est peut-être même grâce à eux et à leur pop que j’ai su me sortir des disques très sombres que j’écoutais à l’époque.
A cette époque où tu découvrais Joy Division et la basse, si je ne m’abuse tu te passionnais aussi pour les comics. Pourquoi as-tu donc plutôt opté pour la musique que pour le dessin ?
Parce que j’étais naze en dessin ! J’ai découvert les comics bien avant mon premier choc musical. J’ai lu mon premier Special Strange en CM2 dans la cours de récré grâce à un mec de ma classe qui était le seul à ne pas jouer au foot ou à courir après les filles. C’était l’époque de la saga du Dark Phoenix dans les Uncanny X-Men et du Daredevil de Frank Miller. J’ai passé des heures à lire ces histoires, et ça rendait ma mère un peu dingue. J’ai essayé de dessiner mais je me suis vite rendu compte que je n’avais aucun talent pour ça. Le dessin est une force d’expression incroyable, et je pense que l’on est bon – comme dans toute autre activité – si on a quelque chose à raconter, et à l’époque je devais être encore trop « lisse » et trop « clean » pour avoir des trucs à raconter et donc à dessiner. Comme n’importe qui, c’est ado que j’ai ressenti l’envie de m’exprimer et que je me suis mis à la basse. A cette époque le lycée regorgeait de musiciens et tous les week-ends on organisait des concerts chez l’un ou chez l’autre. A cet âge-là, je prenais plus de plaisir à aller jouer dans une église dans le fin fond du 77 (Seine et Marne – nda) qu’à rester chez moi à fantasmer sur Jean Grey (super héroïne membre des X-Men – nda)… Ça ne m’a pas empêché de continuer à lire des comics et même des BD « classiques ». Ce qui est génial avec une BD c’est que tu peux les relire très facilement : en une page tu es transporté dans un univers. Enfant, j’ai réellement pleuré de rire sur des Gaston Lagaffe et j’ai plus appris sur Clovis et François 1er en lisant des BD qu’en écoutant mes profs d’Histoire. En ce moment je me lis les New Gods de Jack Kirby et je tripe sur Blaast de Manu Larcenet.
Dans tout ça, comment as-tu fini par devenir bassiste professionnel ?
C’est grâce à Philippe Wampas (Philippe Almosino, connu comme guitariste des Wampas – nda). On était voisins de palier et un soir j’ai recueilli une de ses copines qui l’attendait dans l’escalier. Pour me remercier il m’a invité à boire un coup chez lui. Et on a discuté de nos boulots respectifs, lui musicien et moi consultant…
Consultant en quoi ?
En organisation pour le développement de projets informatiques ! Après de la socio j’ai fait des études d’ingénieur mécanique en systèmes de prod industrielle, rien à voir avec le Schmilblick ! On s’est donc rencontré comme ça avec Phil Wampas, on a commencé à se voir régulièrement et après quelques bœuf ensemble il m’a dit : « T’as pas envie de bosser dans la musique plutôt que d’aller à La Défense en costard ? ». Forcément ça m’a fait réfléchir et ça m’a aidé à prendre la bonne décision : quitter mon job ! Un an après, suite à une audition qu’il avait organisée avec Gaëtan Roussel et Arnaud Samuel, je partais sur ma première tournée avec Tarmac (groupe post Louise Attaque formé en 2001 par Roussel et Arnaud Samuel – nda).
Sonic Satellite c’est toi à la basse et au chant, avec Jean-Baptiste Ayoub à la batterie et Guillaume Fresneau à la guitare et aux chœurs. Comment les as-tu rencontrés ?
JB, je l’ai rencontré y’a 20 ans ! J’avais 18 ans, snif ! Je cherchais un batteur avec qui jouer et c’est ma copine de l’époque qui me l’a présenté ! Humainement et musicalement, ça a marché d’un coup, une évidence. On a beaucoup joué ensemble, surtout du funk et du hip hop, puis on s’est perdu de vue, lui commençant à beaucoup bosser dans la prod et l’illustration musicale pour des génériques télés, des pubs, et moi continuant mes études. On se donnait encore des news et on se voyait de temps en temps, mais on ne faisait plus de musique ensemble. Mais pendant la tournée de Tarmac, je l’ai vu un matin, à la télé : il jouait de la basse sur l’émission de Cauet sur Fun TV ! Quelques jours après il m’appelait pour l’enregistrement du disque des Sugarbeans. C’est là que tout a recommencé !
C’était quoi les Sugarbeans ?
C’était un groupe de rock mainstream monté autour de Ray Cole, un pote de JB. On est allé faire mixer le disque à Londres par Mark Rankin. C’était en 2005. L’album (Secondhand – nda) est sorti en 2007. Il a eu son petit succès (de bons échos chez Rock & Folk, Rock Mag et Rock One et 2 singles sont passés sur des radios régionales et nationales – nda). La suite de Sugarbeans ça a été Deneuve, la même chose en plus « groupe » pour un résultat plus rock anglais. En 2007 on est retourné à Londres pour un disque qui est sorti en 2008.
J’ai écouté : il y avait de belles choses dans Deneuve !
C’est vrai ! C’est dommage de n’être pas allé plus loin : une histoire de groupe qui part en sucette. Ces moments m’ont appris énormément sur le studio et les à-côtés d’un disque, c’est-à-dire les démarches pour se vendre, sur la galère d’être petit et de ramer pour tourner : on s’est monté une tournée qui nous a fait un mal de chien, une dizaine de dates avec 3 pelés dans des rades pourris ! Mais ça reste des purs moments, du plaisir et des bonnes engueulades de potes qui arrivent à se mettre sur la gueule pendant un concert !
Et Guillaume Fresneau, comment l’as-tu rencontré ?
C’était durant la tournée Tarmac. Il assurait leurs premières parties avec son groupe Dahlia. Et si mes souvenirs sont bons, la première fois qu’on s’est croisé c’était fin 2003, à Toulouse au Bikini, et le courant est vraiment passé un peu plus tard, à la Laiterie, à Strasbourg. De leurs côtés, JB et Guillaume ont chacun leur propre groupe. JB c’est Magic Pop Hotel (le fameux groupe trip hop « un peu trop Morcheebesque Petits Poneys pour moi » c’est lui – nda) et Guillaume Redeye.
Redeye, je viens enfin d’écouter. Je suis pas fana fana : trop folk forestier pour moi.
Ahaha pour moi il a une sacrée voix ! On devrait en entendre plus parler.
Le premier concert de Sonic Satellite avec eux, c’était quand alors ?
En septembre 2010 pour le concours Les Aventuriers de Fontenay-sous-Bois, qu’on a remporté, avec la participation de Jérôme Faby (ex-Deneuve) à la guitare lead.
Comment composes-tu pour Sonic Satellite ? En commençant par la ligne de basse ?
Je compose généralement à la guitare mais quelques titres sont en effet partis de la ligne de basse. C’est le cas de « Show Me The Way », entièrement composée à partir de la basse, et de « Blue » dont le basse groovy du couplet m’est venue durant les balances d’un concert de Berry (chanteuse française qui a sorti Mademoiselle, un premier album Carla Bruniesque et donc tout à fait dispensable en 2008 – nda) !
Tu n’es ni poète ni chanteur à texte, quel est ton rapport aux textes des pop-songs ?
Je dirais que quand j’écoute une chanson, j’entends une mélodie. Si j’ai envie de la chanter c’est qu’elle me touche, indépendamment de son sens. C’est ensuite que je vais faire attention au texte. Si le texte est bon, ça devient génial ! Si le texte ne m’intéresse pas, ça ne m’empêchera pas de chanter ou danser. Quand j’écoutais The Sisters Of Mercy ou Christian Death, je me foutais des textes, c’était l’ambiance macabre et glauque qui m’interpellait. Aujourd’hui quand j’écoute Curtis Mayfiled ou Parliament, c’est le groove que j’entends, pas l’histoire du ghetto ou du mothership. Et paradoxalement, sans comprendre le sens exact des textes, j’en perçois très bien le sens global grâce à l’interprétation et à l’atmosphère qui émane de la chanson. J’ai passé des années à écouter de la musique sans comprendre le sens réel des chansons. Aujourd’hui je fais plus attention aux textes, sans doute parce que j’ai progressé en anglais, grâce à l’écriture.
Et ton rapport à tes propres textes ?
Hé bien quand je compose, le premier jet m’amène toujours sur des mots ou des phrases qui vont me donner l’idée générale du texte, et parfois même la mélodie. Vu que la langue anglaise chante, elle m’inspire, et vu qu’à la base je n’ai pas d’idée arrêtée sur ce que je veux raconter, je peux me laisser complètement aller à la recherche d’une mélodie. Ce n’est une fois que j’ai la mélodie que je me penche sur les mots et que j’essaie d’utiliser les plus pertinents pour enrichir la mélodie, tout en modelant le sens de mon texte.
Sur Internet j’ai vu un petit texte où l’on comparait Sonic Satellite à Thin Lizzy et à T-Rex. S’agit-il de références autoproclamées ou de l’étiquette subjective d’un critique musical ? Et puis c’est quoi Thin Lizzy ? Je ne vois pas trop le T-Rex en Sonic Satellite, mais au moins T-Rex je connais un peu, alors que Thin Lizzy pas du tout !
Ce texte a été écrit par un pote il y a de ça quelques temps et je l’assume toujours car je suis fan des chansons de Marc Bolan, surtout « Cosmic Dancer », et que Thin Lizzy était un super groupe des années 70 mené lui aussi par un bassiste chanteur compositeur. Il s’appelait Philip Lynott et il était métis brésilien/irlandais, le mix absolu ! Il est mort d’overdose aux débuts des années 80… C’est un groupe terriblement « méconnu ». Et ça se comprend parce qu’à l’époque, y’avait entre autre Led Zep, donc c’était dur d’exister, même si t’avais Gary Moore à la gratte.
De mon côté j’avais spontanément schématisé Sonic Satellite comme un croisement entre Les Smiths et les Strokes, ce qui ne t’avait pas déplu…
Ouais, c’est pas dégueu les Strokes !
Héhé mais parlons « VF ». Que penses-tu des « Strokes français » : Phoenix ?
Les « Strokes français » ? Je trouve la comparaison vachement limitée, il y a tellement de choses dans leur musique : cold, new wave, rock, pop, hip hop groove, classique… Phoenix c’est le groupe français que je peux écouter en boucle. It’s Never Been Like That (leur troisième album, sorti en 2006 – nda) est l’album parfait. Il aurait été produit comme Wolfgang Amadeus Phoenix, je pense qu’il resterait un album énormissime dans l’histoire de la musique. J’aurai rêvé de jouer dans Phoenix, mais ils ont déjà un bassiste ! Ce que j’arrive pas à comprendre c’est que ce groupe reçoit un Grammy, le plus prestigieux des prix musicaux aux USA et qu’en France ils n’ont même pas une Victoire de la Musique. Pire, ils ne sont même pas nominés. C’est flippant, non ?
Oui ! Toi, que réponds-tu à ceux qui disent que ta musique manque d’originalité ? Que les Strokes c’était pas non plus original, mais qu’ils avaient de vraies chansons ?
Je leur réponds qu’ils ont tort héhé ! Parce que c’est super original de jouer avec des guitares en son clair quand on fait du rock ! Par exemple dernièrement j’ai adoré l’album de The XX pour son mélange de cold et de soul. C’est super réussi. Minimal Compact (groupe de post punk / new wave formé à Tel-Aviv en 1981 – nda) faisait déjà ce type mélange il y a des années. Et je me suis aperçu que ce qui me plaisait chez eux c’était aussi leurs guitares en son clair, leurs riffs d’une simplicité et d’une efficacité redoutable. Ça m’a conforté dans l’idée des guitares que j’avais créées pour Sonic Satellite. Je crois qu’on aime les choses parce qu’on y retrouve une partie de nous, on est touché parce qu’on se sent proche… Quand j’ai écouté l’album de The XX j’avais l’impression d’être avec eux, vraiment ! Ce que je dis peut sembler prétentieux, mais c’est pas ce que j’ai veux dire ! C’est juste que dans ce cas t’as l’impression de participer à la même chose au même moment, tu vois ce que je veux dire ?
Oui.
La grosse différence c’est qu’ils ont sorti un album qui a cartonné, et que moi à l’époque j’en étais au stade de la réalisation d’un 5 titres ! Putain, y’a du chemin ! En dehors de ça, j’adore l’idée qu’il puisse n’y avoir qu’un album de ce groupe.
Qu’écoutes-tu en ce moment ?
Oh, plein de trucs ! J’écoute encore et encore Lovers, le premier Sleepy Jackson, un disque ouf ! C’est que des tubes ! Je me demande encore comment tout le monde a bien pu passer au travers ! A l’époque je me rappelle même des potes qui me disaient : « Mais c’est quoi cette merde ? » Alors que cet album est génial ! J’écoute aussi The Headphone Masterpiece, le double album de de Cody Chestnutt, le compositeur de The Seed… Je suis pas mal sur LCD Soundsystem aussi. J’ai découvert via le dernier album (This Is Happening – nda). Là je viens d’écouter le précédent (Sound of Silver – nda) et il est top ! En fait on dirait que leur dernier est une déclinaison un peu plus pop de celui-là, comme s’il avait repris les mêmes beats avec des nouvelles mélodies
Qu’il avait trouvé son langage et qu’il l’avait articulé ?
Oui et le dernier c’est vraiment la maîtrise de ce langage : des prod plus abouties et des voix plus assumées. Il est vraiment devenu chanteur, d’où la classe de certains titres ! Dans les nouveautés sinon j’ai bien aimé Wu Lyf (Go Tell Fire to the Mountain – nda).
Argh, j’y ai jeté une oreille et ça m’a saoulé !
Ah ouais ?! A cause du côté « gueulé en permanence » ou « enregistré dans une église » ?
Non, c’est juste que j’ai pas « vu » les chansons, que j’ai trouvé leur son confus, que j’ai lu une interview d’eux et j’ai pas aimé leur discours, j’ai senti ça bidon…
Moi c’est vrai que la première fois j’ai eu du mal, mais après plusieurs écoutes j’ai été surpris de vraiment aimer les mélodies, l’ambiance… Ah, et en ce moment j’adore le « Maniac » de Clap Your Hand Say Yeah ! Le refrain fait : « I miss the way you stare at me / As if I were a memory ». Ça c’est du refrain qui tue !
Quel est ton morceau préféré sur l’EP que tu vas sortir, si tu en as un bien sûr ?
A « New Joy » est un titre que j’arrive à réécouter régulièrement. C’est sans doute le plus abouti niveau prod. Sur ce morceau, JB a pu s’exprimer pleinement, apportant son côté « producteur ». On a cherché à avoir des arrangements un peu plus sophistiqués et j’adore ce qu’on a réussi à faire : chaque couplet et chaque refrain a sa propre ambiance, du coup y’a une évolution permanente. Il reflète très bien le sens du texte, à savoir l’envie de tout laisser derrière soi et de partir avec ses proches pour se faire oublier et s’oublier soi-même, tout recommencer, chose impossible à faire. Mais cette envie vient par vagues et la chanson réussi à communiquer ce rythme de vagues.
Parle-moi un peu de Keren Ann que tu as récemment accompagnée live sur quelques dates. Comment l’as-tu rencontrée ? Connaissais-tu sa musique ?
C’est Phil Wampas – encore lui – qui m’appelle un soir et me demande mes dispo pour assurer un remplacement. Je dois bosser quatre titres et passer une audition. D’elle, je ne connaissais que les titres « I’m Not Going Anywhere », « Lay Your Head Down » et « In Your back », ses standards. Je la rencontre deux semaines plus tard chez EMI avec ses musiciens, Phil à la guitare, Marc Chouarain aux claviers, Christophe Deschamps à la batterie, et Nicolas Fiszman à la basse, le gars que je dois remplacer pour quelques dates. Que des rois de l’instrument quoi ! La pression. Elle, elle est super cool, très accueillante. Je m’installe, on joue les titres une fois, deux fois, et elle me dit : « Je kiffe ton son », je me dis : « Yes », puis elle me dit : « Mais je dois aussi écouter d’autres bassistes » et moi je me dis : « Merde ». Sur le coup je me suis pas trouvé super, pas vraiment dedans à cause du stress. Et puis j’imaginais bien qu’il y aurait des tueurs derrière moi. Le soir même, je buvais un verre avec Jean Pierre Chalbos (l’un des maîtres du mastering français qui travaille à La Source, la boîte parisienne incontournable en la matière – nda) auprès de qui je venais de récupérer le mastering de l’EP de Sonic Satellite. Phil m’appelle : « Elle t’a grave kiffé, elle veut pas essayer les autres, t’es pris ! Félicitations mon pote ! ».
Quels souvenirs en gardes-tu ?
Après c’est que du bonheur : trois concerts à Tel Aviv, deux à New York au Bowery Ballroom, deux à La Cigale, un à Grenoble. J’avais rêvé de jouer à New York, Keren Ann l’a fait, et ça restera le souvenir musical le plus puissant que j’ai connu ! C’est d’ailleurs la dernière date que j’ai fait avec elle. C’est une grande compositrice, très inspirée et aussi généreuse humainement que musicalement, c’est donc un véritable plaisir de tourner avec elle. J’ai hâte de repartir avec elle. Ça me manque. Tu sais, une artiste de cette envergure qui te fait confiance et t’apprécie comme musicien et comme personne, ça te conforte dans ton choix personnel, quand tu doutes de toi, de ton projet de vie. Ces moments avec elle m’ont donné une assurance que je n’avais pas avant.
Ce premier EP parle de la naissance d’un amour et de l’envie de le faire perdurer, de construire dessus, autour. De quoi parlera le suivant ? Est-il en construction ?
J’ai pas mal de titres déjà maquettés. En fait j’ai un album sous la main. Après la construction amoureuse, celui-ci parlera des difficultés qu’il y a à préserver un amour sur la durée, de toute la difficulté qu’il y a à vivre avec les gens qu’on aime en continuant à s’épanouir personnellement sans blesser ceux qui nous entourent, de préserver son égoïsme dans la relation amoureuse et familiale mais dans le bon sens du terme, car c’est important d’être égoïste. La suite logique d’une rencontre amoureuse en fait. (OFF RECORD)
Crédits photos : Jérôme Faby
Cool l’itw…de bonnes questions et des réponses à la hauteur …
Merci Adrien !