STAIRCASE PARADOX : « LOWER MANHATTAN HIPSTER ELITE »
4 juillet 2012. 23h30. Paris 11e. Bar le Rigoletto : « Hey, sont où les skeuds ?! » lance Pierre, rustre et taquin alors qu’on s’en grille une dehors après le concert. Taquin comme un gosse qui veut une glace, qu’a passé l’âge et qui doit se lancer et mettre la main à la poche pour assumer son petit plaisir. Rustre comme un marchand de glace qu’achète à un autre marchand. Car lui aussi a son groupe de pop-rock : Sonic Satellite. Lui aussi il aime ce Warpaint of Being Pure at Heart, ce pain béni (oui oui) à la My Bloody Valentine, tout ça. Il me dit qu’il aimerait écrire un morceau comme ça, ambiancé avec des synthés, comme le fait Staircase Paradox. Ne serait-ce qu’un. Pour voir ce que ça donnerait. Rêve de gosse ?
En tant que bassiste (ce qu’il est) et pas guitariste, c’est peut-être plus dur de composer ce genre de choses. A 38 ans, avec une femme et une gosse, on a sans doute passé l’âge pour ce genre de choses, cette musique un peu complaisante où la beauté est dans l’œil de celui qui se regarde. Ça ne tombe plus sous le sens. On est plus cash (ce qu’on devrait être aussi à 32 ans, sans instrument ni femme ni enfant), non ? On n’est pas fan de la voix du chanteur (elle lui fait défaut) et Pierre du jeu du batteur (pourquoi ? je ne sais plus trop), mais ce soir « Calotte sur ta bouche l’adulte + cassage de tirelire l’enfant » (ou l’inverse) : on achète chacun un disque, moi leur deuxième EP, lui leur premier. Alors, bonne pioche ?
Songwriting, production : sur le deuxième, Lower Manhattan Hipster Elite, ils livrent une copie bien plus claire que sur le premier, Songs Are Minute Made To Last Forever. Alors bon, le groupe a tendance à réciter sa leçon (New Order + My Bloody Valentine sur « Maple ») et le chant laisse toujours à désirer (ce qui est dommage quand on pratique ce genre de pop car, bien que shoegaze, rêveuse, elle véhicule toujours ce quelque chose d’arrogant qui réclame une voix bien en place) mais ça sonne. Ce soir-là, je l’écouterai trois fois avant d’aller me coucher, posant les bases de cet entretien + chronique avec Billy (chant/guitare), Pauline (basse/chœurs), Janilis (clavier/chœurs), Alexis (guitare) et Benoit (batterie).
« j’ai réalisé quelques fantasmes New Order/Depeche Mode/NIN »
Bonjour à tous. Billy, comment as-tu découvert My Bloody Valentine ?
En 1992, j’ai participé à un concours pour devenir sosie officiel de Daniel Balavoine en Isère. Un directeur de casting à l’humour douteux m’a suggéré d’essayer plutôt d’être sosie officiel de Kevin Shields (le leader de My Bloody Valentine – nda). Contre toute attente, ça a marché. Puis, intrigué par sa pochette, je suis tombé par hasard sur Loveless (second album, sorti en 91, du célèbre groupe noise/shoegaze irlandais – nda). J’avais l’impression d’entendre la fin du monde lorsque je mettais la chanson d’intro, « Only Shallow ». Ce n’est que bien plus tard que j’ai réalisé l’énorme potentiel « street cred » du groupe auprès des milieux autorisés, et la relative obligation de le citer comme référence dès que l’occasion se présentait. Faisant partie de la liste restreinte des groupes incompris, cela me les rend d’autant plus attachants.
Comment composes-tu ? Seul ?
J’ai commencé le groupe tout seul dans ma chambre avec un 4 pistes K7, donc j’ai gardé des habitudes de « songwriter solitaire » (d’emmerdeur ?), d’autant plus que je suis atteint d’une maladie pénible pour moi et mes quatre amis imaginaires : dès que j’ai une idée de chanson, je l’entends en ENTIER, du moindre instrument au moindre effet de production, ce qui rend le travail collectif assez souple et jouissif.
Staircase Paradox est-il ton premier groupe ?
J’ai eu joué dans des formations sans nom, sans concert et sans production musicale, d’où la nécessité de créer un projet sur lequel je pouvais mettre un nom et mes compos. Ce sera aussi mon dernier groupe parce que, primo, je ne compte pas me le faire piquer (vu que je suis armé et dangereux), et deuxio, je ne fais pas partie de la secte des musiciens qui utilisent des noms de projet différents lorsqu’ils ont momentanément envie de faire autre chose. Donc si demain on se mettait à faire du math-folk, du grind ou de l’electroclash lesbien, on serait toujours Staircase Paradox (il se pourrait même que toutes ces musiques figurent sur le même disque).
C’est important d’être en groupe ?
Billy : Du moment qu’il n’y en a qu’un qui compose et qui décide, oui, c’est important…
Alexis : Surtout quand tu joues à Grenoble et que pendant tout le set tu fais des blagues sur l’équipe de foot nationale italienne…
Janilis : Ben, pour moi ça dépend. C’est vrai qu’une certaine émulation se crée dans un groupe. Et l’émulation est source de vie…
Benoît : Quand tu es en groupe tu peux avoir des tarifs au Parc Astérix et ça c’est cool…
Comment le groupe est-il né ?
Billy : Il est né au milieu des années 2000. Je donnerai la véritable date et tous les détails technico-sexuels le jour où quelqu’un aura la bonne idée de nous créer une page Wikipedia !
Pauline : La formation actuelle va sur ses deux ans, mais on se connait depuis presque dix. Quand Billy a eu besoin de nouveaux musiciens, ça s’est un peu fait tout seul. On a toujours aimé ses compos, on a plein d’idées à apporter, on communique facilement et on est très investis donc c’est un peu une situation de rêve !
Deux belles brunes dans le groupe, c’est important ?
Billy : La première, c’est moi !
Pauline : La déco c’est primordial ! D’ailleurs je suis abonnée à Modes & Travaux.
Quelle est la moyenne d’âge de Staircase Paradox ?
Billy : Du line-up tu veux dire ? D’âge mental, je dirais 13 ans et demi, mais à Wii Fit on fait 85 ans de moyenne. Et encore, c’est grâce à Alexis qui fait du Yoga Bikram.
D’où venez-vous ?
Billy : Moi je me suis créé dans la région de Grenoble (Sud-est du Groland). Les autres membres du groupe viennent de partout en France… Sauf un qui est breton.
Staircase Paradox : c’est un groupe de scène ou de studio ?
Billy : Je n’en ai aucune idée. Quand on rate un concert, on se dit : « Mouarf, de toute façon, on est un groupe de studio », et quand on enregistre un truc à peine audible, on se dit : « Mouarf, de toute façon, on est censé être un groupe de scène, c’est ça, hein ? ». Du moment qu’on essaye de sonner un peu différemment sur disque et sur scène, tout me convient.
Esprit d’escalier #1 : Staircase > Telecaster ?
Billy : J’aimerais bien mais malheureusement il y a quatre problèmes majeurs la bassiste qui s’acharne à vouloir jouer de la basse, le batteur qui refuse de remplacer ses cymbales par des Telecasters mexicaines, la claviériste qui trouve que cette guitare est « un peu trop scolaire » et l’autre guitariste qui possède 14 guitares dont aucune Telecaster ! Pfff…
Chanter, pour toi c’est un kiff ? Naturel ?
Ayant de gros problèmes respiratoires (il y a une légende selon laquelle je n’aurais pas assez de trous de nez, mais le dernier à avoir dit ça s’est fait arracher les testicules par un tracteur), je t’avoue que chanter s’apparente plus à de la torture qu’à un plaisir. En fait, ça me permet d’éviter le trip : « Regardez-moi comme je suis beau et fort quand je chante, on dirait un ange tombé du ciel venu pour vous expliquer la vie et la crise de la zone euro ». En réalité, je suis juste en train d’étouffer. Après ce que j’apprécie vraiment c’est cette espèce de connexion magique que peut apporter une ligne de chant sur un morceau qui a l’air banal en apparence. Comme si la voix permettait de justifier la présence de tous les autres instruments (je voulais faire une métaphore culinaire mais j’y ai renoncé).
Dans « Desperately » je n’ai pas bien compris ce que tu chantes : « I feel… » ?
Billy: « Atoll ». « I feel Atoll ». J’adore cette marque ! Beaucoup moins commerciale qu’Optic 2000 (à la réflexion et à la réécoute, je crois qu’il chante : « I feel little » – nda).
Qu’est-ce que la musique te permet d’exprimer ?
Billy : J’ai toujours pensé qu’au fond, j’étais un gros serial killer. Faire de la musique, des disques et monter sur scène me permet de relâcher la pression qu’il faut pour éviter de faire une connerie genre m’inscrire dans un parti politique, téléphoner à des émissions radio de foot, intégrer un groupe de variété par dépit ou envahir la Pologne.
La musique pour pécho ? Les filles pour composer ?
Billy : Je vais faire mon « making of » comme dirait ma mère, mais je fais partie des 0,01% qui ne se sont pas mis à la guitare pour se faire des nanas, même si oui je fais désespérément partie des 99,9% qui composent à cause de ces mêmes personnes suscitées derechef.
Connaissez-vous le groupe Rhesus ?
Billy : Si tu fais référence au fait que la bassiste-chanteuse dudit groupe, Laura Rosello, figure sur trois chansons de notre dernier disque (« You vs You », « D.A.W.N. » et « Sunday »), alors tu connais la réponse : oui (ce que j’ignorais totalement – nda).
Benoît : J’ai un pote qui les a vus en live il y a quelques années. A priori, c’était : « Pas mal, mais pas si bien que ça ».
Quels sont les groupes français dont vous vous sentez proches ?
Billy : Mes trois groupes français préférés sont (dans le désordre) Tahiti 80, Phoenix et Pull. Et je rajouterai College en bonus dont j’ai récemment découvert l’entière discographie.
Avez-vous tous, plus que moins, les mêmes goûts musicaux ?
Billy : Dans le groupe des artistes font l’unanimité comme Indochine, U2, Phil Collins, mais je ne dirai pas dans quel sens. Et, sans vouloir dénoncer, un de nous écoute Mark Knopfler.
Alexis : Sur ce point, Billy a imposé au groupe une discipline de fer et un dogme intangible, détaillé dans un ouvrage de 457 pages intitulé Le bon goût-core expliqué à ma chienne, disponible sur demande. Cela explique de manière très précise comment on peut par exemple parfaitement apprécier U2, mais absolument pas Bruce Springsteen.
Pauline : On est tous assez orienté « rock indé » (terme super large qui ne veut plus rien dire). On a tous nos petits particularismes mais il y a des groupes sur lesquels on se retrouve tous comme les Smashing Pumpkins, My Bloody Valentine, Metric ou Phoenix.
Oasis ou Radiohead ?
Billy : C’est compliqué de répondre à ce genre de question. C’est un peu comme si tu me demandais de choisir entre la peste et le bonheur universel, un match de Coupe du monde et un concert de post-folk-rock, l’art et la maladie…
Benoît : Oasis, j’aime bien leur pub avec les fruits qui parlent mais c’est vraiment trop sucré donc plutôt Radiohead.
Esprit d’escalier #2 : Billy > Corgan ? Staircase Paradox > SP > Smashing Pumpkins ?
Janilis : Putain, je n’avais pas remarqué ! Je croyais que c’était à cause de Silversun Pickups !
Billy : Pantera et Nirvana étant déjà pris, j’ai dû me rabattre sur un nom de groupe avec des initiales en « SP ». Manque flagrant de personnalité… Par contre « Montoya », c’est à cause de Juan Pablo Montoya (je suis fan de moto).
Des médias et des groupes vous soutiennent-ils ?
Billy : Internet nous kiffe, la radio nous apprécie pas mal et la télé nous méprise cordialement (à ce propos, j’aimerais faire une « spéciale dédicace » à Blytch, un médium à lui tout seul, et qui nous soutient de surcroît). Concernant les groupes, la musique étant un univers altruiste où tout le monde est prêt à s’entraider à la moindre occasion, disons qu’ils nous soutiennent tous quand on ramène suffisamment de monde à leur concert et que j’accepte de lâcher le numéro des membres féminins du groupe… Et ne m’oblige pas à sortir une citation d’Axl Rose avec les mots « jungle » et « mourir » dedans.
Avez-vous déjà joué Outre-Manche ?
Billy : Tu veux dire les States, je présume ? (Rires enregistrés.) Non, c’est trop loin. En plus, je n’aime pas l’avion.
Pauline : Pas encore, mais on adorerait ! J’ai de la famille et on a tous des amis en Angleterre qui aimeraient nous voir, mais on doit encore bosser la logistique…
Quels sont vos faits d’armes ?
Alexis : Jouer dans un squat punk et s’entendre dire qu’on joue un peu fort, quand même…
Benoît : Une interview sur Radio Intensité à Châteaudun près de Chartres… La classe !
Billy : L’un des rares plaisirs de la vie de musicien est de rencontrer de temps à autres un parfait inconnu qui n’a rien à te vendre, qui a l’air d’avoir de parfaits goûts musicaux, et qui t’explique que lorsqu’il écoute ta musique, il ressent tout un tas de trucs que tu ressentais toi aussi quand t’écoutais tes groupes favoris dans ta chambre d’ado. Ça c’est un pur bonheur ! Mais bon, une fois sur deux, tu te rends compte qu’il veut aussi coucher avec ta bassiste, d’où des doutes possibles sur son objectivité… Comme vrai fait d’armes, y’a aussi la chronique d’un de nos concerts dans un webzine métal où le mec nous pourrissait la gueule en disant : « C’est super professionnel, mais c’est pas mon style de musique donc c’est de la merde », glissant même une comparaison avec Coldplay. Une sorte d’extase.
Quel est votre meilleur souvenir de groupe ? Et le pire ?
Billy : Mes meilleurs souvenirs ? Nos road-trips improbables semés d’embûches, d’imprévus, de galères, dont on sort en se disant : « Bon, on a survécu, donc c’est devenu une machine à anecdotes géniales, non ? ». Nos pires ? Toutes les fois où l’on réussit par miracle un concert dans des conditions apocalyptiques et où l’on repart gonflé à bloc en se disant : « Bon, merde, la prochaine fois, il faut qu’il y ait tous les gens qu’on aime bien et qui ne nous ont jamais vu. Si on fait 60% de ce concert-là, c’est dans la poche ». Et au coup suivant, il y a tout le monde, mais tu livres le PIRE concert de tous les temps : t’as eu 14 secondes pour faire les balances, tu t’entends pas chanter, tu prends le jus sur scène, la moitié des instruments pètent en plein milieu du concert, un incendie se déclare, tu te prends la tête avec un gars bourré au premier rang qui crie « Bip bip ! » pendant les morceaux, le patron de la salle monte sur scène pour baisser ton ampli avant de se rendre compte qu’en fait il était éteint, plus tout un tas de choses qui feraient un livre entier. En général, on y a droit une fois par an, et c’est la fois qui permet à tes dix « amis officiels » qui ne t’auront vu qu’une seule fois dans leur vie de dire, lorsqu’ils parleront dorénavant de toi : « Son groupe, c’est un peu… surprenant. Enfin faut pas être regardant sur beaucoup de trucs, mais bon, c’est pas trop mal, quoi. Ça ressemble un peu à… Enfin c’est de la musique, quoi. »
C’est quoi ce crucifix en peluche (ou cette peluche crucifiée) sur la pochette de votre EP, Lower Manhattan Hipster Elite (LMHE), votre logo ?
Billy : Non, notre logo, on planche encore dessus. Et a priori ce sera un truc plutôt simple à mi-chemin entre une rune, un swastika, le logo du MoDem et un heptagone que-si-tu-regardes-bien-ça ressemble-à-une-loutre-mais-en-fait-non (un « S » et un « P » entremêlés). Par contre, pour le crucifix, désolé, je ne vois pas à quoi tu fais référence, moi je vois juste une poupée avec les bras écartés et des instruments plantés dans le corps.
C’est quoi ce nom de groupe, le « paradoxe de l’escalier » ?
Billy : C’est un concept artistique qu’on retrouve dans les travaux de Maurits Cornelis Escher (peintre néerlandais dont les travaux inspirèrent au mathématicien britannique Roger Penrose son premier objet impossible, le triangle de Penrose, objet qui, en 1958, inspirera à son père, Lionel Penrose, généticien, l’escalier de Penrose, autre objet lui-même impossible qui inspira à Escher une œuvre intitulée Montée et Descente – nda) Pour résumer, c’est « l’escalier qui monte et qui descend sans fin que tu-sais-pas-où-il-commence » (et, tel un ruban de Möbius, le boucle formée par ce dessin d’escalier qui fait trois virages à angle droit et qui revient à son point de départ comme s’il n’y avait ni haut ni bas, est une illusion d’optique, un paradoxe : porté en trois dimensions, il y aurait une différence de niveau entre les deux extrémités – nda). Genre comme dans Inception, quoi (sous le concept de « rêves emboités » ce film refourgue en effet une version « Matrix » du concept de « l’escalier paradoxal » développé par Penrose et Escher : les escaliers paradoxaux y sont des créations mentales du rêveur, créations qui lui permettent d’échapper aux menaçantes projections du subconscient – nda)… Et c’est dans ce genre de moments que je me félicite que le groupe n’existe pas que depuis seulement 6 mois.
Esprit d’escalier #3 : Staircase Paradox > Songs from the big Escher ?
Billy : Chapeau bas pour la référence à Tears For Fears (l’album Songs from the Big Chair – nda) ! Insinuerais-tu que nous faisons de la grosse synth-pop FM ? J’en suis flatté… J’aurais préféré que tu me parles de Songs of Faith and Paradox (en référence au Songs of Faith and Devotion de Depeche Mode – nda), voire de Song to the Staircase (référence au « Song to the Siren » de Tim Buckley – nda), mais bon…
Quelles sont vos ambitions avec Staircase Paradox ?
Billy : Mon ambition ultime est qu’on devienne tellement connu que 90% de nos auditeurs sachent correctement orthographier notre nom. Après, les stades, les millions de fans, l’argent à foison, les hôtels de luxe, tout ça, pfff…
Alexis : Pour les filles, c’est essentiellement de pouvoir coucher un jour avec Kevin Drew du groupe Broken Social Scene. Pour les gars, c’est éviter d’avoir à coucher avec Emily Haines du groupe Metric. Mais bon, ça va être dur, elle est sacrément accrochée…
Pauline : Jouer ! Faire plein de concerts et arriver à enregistrer des morceaux en étant 100% satisfaits du résultat pour pouvoir se dire sans que ce soit une blague : « C’est exactement ce que je voulais faire ! ». Et si en bonus je peux payer mon loyer en faisant de la musique toute la journée, c’est banco !
Quelle chanson auriez-vous rêvé d’écrire ?
Billy : N’importe laquelle d’Elliott Smith. Au hasard : « The White Lady Loves You More » ou « Ballad of Big Nothing » ou « I Didn’t Understand ».
Pauline : Grosse question. Il y a un groupe américain assez récent dont je me sens très proche (je vois déjà les autres membres rouler des yeux vu que je les bassine en permanence avec), c’est Warpaint. J’ai quelques compos perso qui sont un peu dans le même trip atmosphérique mais pop. Du coup pour répondre à la question, je vais dire « Burgundy » de Warpaint.
« Sunday is… (a fake last song) », le morceau qui clôt en apothéose LMHE, semble votre morceau phare…
Billy : J’ai un rapport un peu ambivalent à cette chanson. D’un côté, je l’apprécie vraiment pour son côté assez direct et bizarre à la fois, mais de l’autre, je la trouve un peu trop « sunshine flower pop » pour un groupe qui se veut assez mélancolique sur le principe, voire franchement triste. Je ne sais pas si c’est un morceau « phare » mais c’est en tout cas celui que préfère une partie de notre public pour son léger côté « dancefloor » (léger, j’ai dit) or il paraît que même chez les « popeux tristes » il y en a qui aiment danser donc… ça raconte l’histoire d’un paranoïaque qui se croit poursuivi par une fille qui ne cesse de le fuir…
LMHE (2011) est plus électro et produit que votre premier disque, Songs Are Minutes Made To Last Forever (2008). Que s’est-il passé ?
Billy : Le premier EP ayant été enregistré en peu de prises et le suivant sur plusieurs mois (après avoir viré le batteur et embauché un gars qui m’a empêché de faire le mix moi-même), il apparaît peut-être légèrement plus « soigné », mais je le considère comme notre « 1 bis » vu qu’il contient quelques anciennes compos. A l’origine, le côté « électro » n’était pas voulu, mais je me suis retrouvé dans une situation où si je voulais sortir quelque chose, il fallait que j’utilise des boîtes à rythmes, peut-être pour la dernière fois de ma vie, donc autant en profiter pour réaliser quelques fantasmes New Order / Depeche Mode / Nine Inch Nails.
LMHE est un 7 titres de 44 minutes : alors, EP ou LP ?
Billy : J’aime à nous considérer comme un groupe d’EP (extended play, dit maxi en français : format musical trop long pour être qualifié de single et trop court pour être qualifié d’album, c’est-à-dire de LP, long play – nda), d’autant que c’est un format qui nous correspond bien (court mais rapide). En principe, notre 3e et notre 4e disque seront aussi des EP de 5 à 8 titres. On a d’ailleurs déjà presque fini de les écrire.
A quoi ressemblera votre prochain album ?
Billy : On va tenter quelque chose de quasi-révolutionnaire pour ce groupe, à savoir un disque qui ressemble à peu près à ce que l’on joue sur scène. Ce sera un album un peu plus sombre que le précédent comprenant quelques chansons très courtes sans les ponts et artifices à la con qui faisaient qu’auparavant elles duraient cinq minutes alors que deux suffisaient, et d’autres un peu plus lancinantes et « à tiroirs » mais pas chiantes du tout, promis !
Esprit d’escalier #4 : Staircase > to heaven ? Paradox > paradise ?
Billy : C’est marrant que tu me dises ça ! Figure que toi que l’autre jour, je suis tombé sur une femme qui était persuadée que tout ce qui brille est or, et tu sais ce qu’elle a acheté (allusion aux deux premiers phrases du célèbre morceau de Led Zeppelin : « There’s a lady who’s sure all that glitters is gold / And she’s buying a stairway to heaven » – nda) ? Quant au paradis, c’est un paradoxe. Cela a beau être l’endroit le plus aseptisé, froid et ennuyeux de l’univers, on y envoie ceux qui n’ont jamais fait de conneries de leur vie. Je te laisse réfléchir là-dessus.
(OFF RECORD.)