FIN DU ROCK’N’ROLE ? (DANDY WARHOLS)

23 novembre 2010. Ce soir-là en discutant avec une jolie rousse (non, non pas sur Facebook, une vraie disc’ute, eyes in the eyes avec de vrais smiles), j’en ai appris une belle : Pulp serait sur le point de se reformer. Et Jarvis de divorcer. Enfin plutôt l’inverse si vous voyez ce que je veux dire. J’ai pensé : « Mince, même Pulp participe au petit manège des reformations ! », mais juste comme ça, sans réelle indignation. De retour aux dures joies du célibat à 47 piges, Jarvis Cocker se sentait de nouveau l’âme d’un songwriter. Des chansons s’écrivaient toutes seules, lui brûlant les doigts, et il voulait célébrer ça en band. Après tout, Pulp n’avait-il pas  été son seul véritable amour, ses infidélités imputables aux deux disques qu’il avait sorti en solo ? Ce genre de bullshit, « Mon fils, ma bataille » ! Non, plus sûrement était il toujours déserté par les muses mais n’avait rien d’autre à faire. Alors comme on se souvient de ses potes une fois que le couple explose, il avait rappelé chaque membre du groupe.

Rendez-vous dandy ans

Je me suis surtout dit que ce serait enfin l’occase de faire cet entretien dont j’ai toujours rêvé : Jarvis et moi évoquant ouvertement ce que fut Pulp, Separations, His’N’Hers, Different Class, This is Hardcore, tous ces disques qui m’ont marqué étant ado parce que voilà, maintenant ce ne serait plus tabou, ce serait là, cartes sur table. Une vraie « disc’ute », eyes in the eyes avec de vrais smiles. On aurait eu tout le temps pour car depuis plusieurs années il vit à Paris et ne n’aurait donc pas été là pour une simple journée promo à jongler tous les deux secondes avec un nouveau journaliste. Peut-être même qu’il aurait parlé français. Oui, en gentleman cultivé il aurait eu le temps d’apprendre notre langue et on serait en train de faire ça en français, nos deux voix débattant à armes égales dans l’enceinte d’un parc verdoyant. C’eut été à mille lieux de mon interview mail avec Courtney Taylor-Taylor des Dandy Warhols.

Je ne sais pas si vous savez mais l’été dernier les Dandy Warhols déposaient le bilan avec The Capitol Years 1995-2007. Enfin, ce n’était pas présenté comme tel mais la parution de ce best of de leurs 5 albums sortis en major sonnait comme la fin d’une époque et d’un circuit au-delà desquels les Dandy n’arrivaient plus à être Dandy. Depuis qu’ils œuvrent sur leur propre label, Beat The World, ils n’ont pas produit un seul disque excitant. Tout amateur de pop musique a déjà entendu un morceau de The Dandy Warhols Come Down, de Thirteen Tales from Urban Bohemia ou de Welcome to the Monkey House mais qui en connaît un d’Earth to the Dandy Warhols et d’Odditorium or Warlords of Mars, respectivement sortis en 2007 et 2009 ? Clairement après leurs années maison de disques pour les Dandy la messe était dite.


Mais le coup de grâce remonte à 2004 et fut porté par Dig ! Les Dandy sont sortis perdants de ce docu rock désormais célèbre – il fut primé au Festival du film de Sundance. Tourné sur une période de 7 ans – entre 97 et 2004 donc – par une passionnée de musique qui avait déjà signé des clips pour les Dandy (« Boys Better ») et le Brian Jonestown Massacre (« Goin’ to Hell ») – Ondi Timoner –, celui-ci montre les trajectoires croisées de ces deux groupes portaiturés en frères ennemis, avec Courtney dans le rôle de la petite pute prête à tout pour émerger comme the rock star et Antone Newcombe dans le rôle du génie cramé. Une nouvelle version rock du bon vieux trip Abel et Caïn. Anton : incarnation vivante de toutes les idoles que l’autre petite frappe se rêverait être ? Dix ans plus tôt ç’aurait été beau. Imprimer telle légende et inventer telle « menace extérieure » aux Dandy aurait héroïsé les deux groupes comme le furent Blur et Oasis d’être sans cesse placardés en couv du ENEMY. Mais là, 10 ans après leurs débuts, ce n’était plus seulement trop mytho(logique) pour être vrai, c’était salaud. Le docu sonnait comme un épilogue vachard creusant la tombe des Dandy.

Nurse to the dandy

En même temps ça leur pendait au nez aux Dandy. ça leur pendait au nez qu’on les prendrait un jour pour des attrape-nigauds. Après Dig ! n’avaient-ils bizarrement pondu un vaste fourre-tout pysché-ménopausé ? On aurait dit qu’ils voulaient montrer qu’eux aussi étaient fous dans leurs têtes. Oui, on aurait pu croire ça à l’écoute de leur OdditoriumDandys Rules, OK ? était déjà un vaste fourre-tout psyché. A l’époque, en 95, ils n’étaient pas encore un vrai « groupe Capitol ». Courtney définissait le groupe comme une bande de potes qui « prenait la musique comme prétexte pour pouvoir boire des coups ». Ils étaient jeunes, beaux, talentueux. Avaient une fille dans leur rang. Une vraie dégaine de sitcom. La major avait sorti le chéquier. mais comment dire ? leur premier album,

C’est en 97 avec Come Down que Courtney & co sortent leur premier vrai disque chaperonné par Capitol. Le changement est radical. On sent que les mecs ont un cadre. Les couleurs sont pyschédéliques mais sans jamais déborder des cases. Ils font mine de tourner crânement tout le monde en bourrique comme Zach Morris. Ils ont le melon d’être les poulains number 1 du bahut mais en fait derrière on leur fait revoir leur copie. C’est comme ça qu’ils ont accouché de l’imparable triplette Come Down / Thirteen Tales / Monkey House où leur best of fait son miel. C’est là, sous la surveillance des DA de Capitol, que le songwriting d’un Courtney qui se rêvait « it boy » à la Lou-Jagger-Bowie a porté ses fruits. On ne compte pas les passages séries / pubs / films qu’occasionnèrent les morceaux de Come Down, dont le « Not If You Were The Last Junkie on Earth » clippé par David LaChapelle. Idem pour Thirteen Tales. L’album décrochera la timbale en plaçant « Bohemian Like You » dans un spot télé pour Vodafone ainsi que plein de films et séries, dont Buffy contre les Vampires.


Bien qu’ils troqueront ensuite les guitares pour des synthés, ils tiendront encore ce cadre avec Monkey House, dont le single « We Used to be Friends » zébulonnera fièrement au générique de Veronika Mars. Puis il volera en éclat. Comme leur jeunesse. Mais Come Down, comment oublier Come Down, le sentiment d’invincibilité qui s’en dégage, c’te tonitruante insouciance qui pose son cul sur ta commode ? Je me souviens, j’étais en terminal et je sais plus pourquoi mais la nana aux cheveux rouges de ma classe s’était mise à me filer Come Down et Different Class. Je venais de découvrir Ok Computer. J’allais découvrir puis prêter Urban Hymns. Mais chez Pulp et les Dandy, contrairement à chez Radiohead et The Verve, je touchais enfin une certaine idée du « fun » en musique. L’éducation « rock », tardive, était lancée.

It’s now or never !

Pour tout ça je tenais vraiment à interviewer ce saligaud de Courtney. Pas Peter (guitariste) ni Zia (clavier) que j’avais déjà rencontrés pour la sortie de Monkey House, mais lui, leur leader. Quand j’ai appris que la tournée promo de leur best of comprenait une escale à la Cigale le 26 juillet je me suis donc dit : « Mon gars, c’est now or never ! ». J’avais mailé la manageuse, ça devait se faire, « pas de problème », mais bizarrement au dernier moment c’était plus le cas et on a essayé de m’arnaquer en me refilant une interview mail de Peter et Zia. A la limite, si on m’avait proposé une vraie disc’ute, eyes in the eyes avec eux j’aurais peut-être accepté. Faire le point ensemble 7 ans après notre première rencontre aurait pu être fun. Mais non, là c’était absurde. Me sentant indigné, j’ai fait un truc que je fais rarement : j’ai poussé une gueulante : « C’est quoi le problème ? Courtney estime qu’un site web n’est pas assez classe pour lui ? » Ce n’était pas ça. Il était juste super pris par les préparatifs de la tournée et son nouveau rôle de père. Mais ce coup de pression forcera la nana à négocier et j’obtiendrais une interview mail avec lui. Comme quoi, ça vaut parfois le coup de la jouer mégalo. (L’ITW)