MENDELSON (2)

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24 avril 2013. 21h45. Paris 20e, bar Le Bouillon St Stef. « Moi, une quatriĂšme, je vais pas y arriver ! » estime Pascal quand je lui propose « la mĂȘme ». Ça fait trois quart d’heure qu’on parle de Mendelson, le 5e album (triple) de son groupe, Mendelson, qui rĂ©uni autour de lui, sa gratte, ses textes, son stream, Pierre-Yves Louis (guitare), Charlie O (claviers), Sylvain Joasson (batterie) et Jean-Michel PirĂšs (idem), une vraie matiĂšre musicale, comme en tĂ©moignera leur concert du 23 mai au Cabaret Sauvage (entre les Doors et Godspeed, s’il fallait vraiment situer). Trois quart d’heure qu’on roule, roule, et on n’est pas rendu.

On a encore de la route, assis dans l’arriĂšre salle dĂ©serte et baignĂ©e de rouge du Bouillon. Encore des choses Ă  dĂ©rouler seul Ă  seul au sommet de cette table surĂ©levĂ©e par une petite estrade, genre red room Ă  l’abri des regards. J’ai dans mon sac quelques babioles en guise de balises GPS, au cas oĂč : La Solitude (FerrĂ©), Matrice (Manset), L’Imprudence (Bashung), La Route (Cormac McCarthy) et le LibĂ© du 2 avril oĂč Houellebecq, sale gosse gueule cassĂ©e fait la Une pour la sortie de son 3e recueil de poĂšmes, Configuration du dernier rivage, et lĂąche, roublard, que « Le monde n’est plus digne de la poĂ©sie… ») Je garde ça sous cape.

On avance, on avance, mais on est qu’Ă  mi-chemin alors Pascal, dans un rĂ©flexe jĂ©suitique (MansĂ©en ?), Pascal qui n’est pas le leader des National (se dĂ©finissant volontiers comme « un mauvais conducteur qui emprunterait des heures et des heures durant la mauvaise direction sans jamais l’admettre » comme il l’a dit Ă  Lyonel du magazine Magic), Pascal, qui est un mec carrĂ©, un mec qui file droit tant qu’il peut, dĂ©cline le « refill » pour mieux gĂ©rer l’essence. Il veut « rester conscient jusqu’au bout ». (« Prends-moi un verre d’eau, on dira que c’est de la vodka. ») Oui, c’est mieux. Surtout que c’est l’heure du « shoot ».

Johanne vient d’arriver et c’est mon atout photo sur cette interview. On s’est jamais vu. On est entrĂ© en contact y’a peu via Facebook. Johanne c’est une journaliste d’aujourd’hui. Une journaliste qui fait plein de choses dans le monde du rock indĂ©, d’autres choses avant celle d’Ă©crire. Elle a crĂ©e un site, Brutalize Me, oĂč elle fait du live report et des photos de concerts, mais elle est surtout tour manageuse de groupes plutĂŽt punk rock. Oui, elle est dans le camion avec eux, « embedded », s’occupe de l’hĂŽtel, du merchandising… Et Pascal ça l’intĂ©resse. Parce qu’elle est jolie sans doute. Et que lui aussi s’occupe de tels groupes.

Il bosse une partie de l’annĂ©e sur la prog du Festival BBmix, qui se tient chaque automne depuis 2005 Ă  Boulogne-Billancourt. Un festival en marge Ă  tous points de vues (temporel, gĂ©ographique, musical), puisque par exemple l’Ă©dition 2012 avait Spain, Ty Segall et Beak en guise de tĂȘtes d’affiches. Mais c’est bien beau la musique quand elle est pure, radicale, en marge (on en parlera encore tous trois aprĂšs l’interview, s’en fumant une sur le trottoir, de celle des autres, Bowie, Pavement, Bill Callahan, etc.), c’est bien beau, mais ça nourrit pas son homme. Alors le restant de l’annĂ©e Monsieur Bouaziz Pascal a un taf alimentaire.

« Ça me prend forcĂ©ment beaucoup de temps et d’Ă©nergie, confiera-t-il, sans le nommer, Ă  ce cher Lyonel Sasso de la revue pop Magic, mais je ne saurais pas dire si cette situation altĂšre ma crĂ©ation. A une Ă©poque je pouvais ĂȘtre mentalement disponible pour la musique pendant des journĂ©es entiĂšres. Ce n’est plus le cas. Mais je mange Ă  ma faim et je nourris ma famille, c’est dĂ©jĂ  pas mal. Et dans le monde du travail, tu rencontres des parcours et tu recueilles des tĂ©moignages. C’est brut et essentiel. J’ai racontĂ© tout ça dans « Pinto » (ndlr. un morceau extrait de l’album Quelque Part, 2000), un type qui existe vraiment. »

Pour lui, « la valeur travail » n’est donc pas une entrave : « Par exemple Pessoa a travaillĂ© consciencieusement toute sa vie, ce qui ne l’a pas empĂȘchĂ© d’ĂȘtre extrĂȘmement prolifique et de crĂ©er des doubles de lui-mĂȘme. Et d’un autre cĂŽtĂ© Springsteen a signĂ© les plus belles chansons sur le travail, la misĂšre sociale et le chĂŽmage sans avoir jamais vraiment bossĂ© en parallĂšle. De toute façon, on fait toujours des procĂšs ridicules. Cendrars, on l’accusait de dĂ©crire des endroits dans lesquels il n’Ă©tait jamais allĂ©. Moi, je ne suis jamais allĂ© en Amazonie par exemple mais je connais l’endroit grĂące Ă  Manset et Claude LĂ©vi-Strauss. » 

Tout est lĂ  : « Comment un homme peut-il se rĂ©jouir d’ĂȘtre rĂ©veillĂ© Ă  6h30 du matin par une alarme, bondir hors de son lit, avaler sans plaisir une tartine, chier, pisser, se brosser les dents et les cheveux et se dĂ©battre dans le trafic, se faire chier Ă  se trouve une place de parking pour un job oĂč il produit essentiellement du fric pour un autre type qui en plus lui demande d’ĂȘtre reconnaissant d’avoir cette opportunitĂ© ? » disait Bukowski. Il peut pas. « Il faut apporter sa propre lumiĂšre dans les tĂ©nĂšbres. Personne ne le fera pour nous » dira Pascal, citant lui-mĂȘme le poĂšte, sur son prĂ©cĂ©dent disque. Allez, retournons Ă  la mine.

« Qu’ils viennent, je sais me battre »

 

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Bon je sais, c’est un peu con de formuler ça comme ça mais le dernier album Ă  avoir fait avancer le schmilblick de la chanson en France, musicalement, textuellement, c’Ă©tait L’Imprudence (il acquiesce – nda), parce qu’aprĂšs, artistiquement, Bashung a rĂ©trogradĂ© avec Bleu PĂ©trole. Et en Ă©coutant ton album, en tant que journaliste et passionnĂ© de chanson rock, j’ai titlĂ©, et je me suis dit : « C’est comme s’ils faisaient l’album crescendo que Bashung n’avait pas pu faire aprĂšs L’Imprudence, dans la noirceur, dans le texte et dans le spectre musical. »

(Il acquiesce Ă  nouveau d’un petit signe de tĂȘte – nda) Alors ce qu’est rigolo c’est que L’Imprudence je l’ai pas Ă©coutĂ© Ă  l’Ă©poque. Je l’ai Ă©coutĂ© que la semaine derniĂšre. Il a Ă©tĂ© tellement encensĂ© au moment oĂč il est sorti que, je sais pas pourquoi… Mais je suis tellement snob aussi que des fois ça me joue des tours. Mais quand je l’ai Ă©coutĂ©, j’ai senti ce que tu dis, j’ai senti que…

Ce disque avait imposĂ© un tel respect…

Il avait une telle libertĂ© ce mec-lĂ … J’ai Ă©tĂ© trĂšs triste quand il est mort parce que je l’ai jamais croisĂ© et que – j’aime pas dire du mal des gens – mais qu’il est fini son album avec…

GaĂ«tan Roussel…

Ouais. Je trouvais ça triste. Bon, pas forcĂ©ment pour lui ni GaĂ«tan Roussel, pour eux c’Ă©tait peut-ĂȘtre super, mais pour moi, pour moi, je me disais : « Mais merde, putain, pourquoi j’ai pas fait, pourquoi pas fait la dĂ©marche, pourquoi j’ai pas exprimĂ© clairement… »

Y’aurait peut-ĂȘtre eu un truc Ă  faire…

Oui, ou ne serait-ce que le rencontrer, ne serait-ce que lui dire… Donc… J’ai Ă©tĂ© trĂšs triste quand il est mort. Mais Ă  la limite il aurait pas eu besoin de faire L’Imprudence pour que je fasse cet album. DĂ©jĂ , Play Blessures, dĂ©jĂ  Novice, les deux me suffisent Ă  faire cet album. Par exemple les textes de mes deux premiers albums, je les Ă©crivais en Ă©coutant Novice en boucle. Je pouvais pas Ă©couter autre chose et ça m’aidait tout simplement Ă … J’Ă©crivais les textes en Ă©coutant sa musique. Donc il avait pas besoin de faire L’Imprudence. Mais je l’ai Ă©coutĂ© et ça ma scotchĂ© un peu quand mĂȘme. C’est peut-ĂȘtre liĂ© aussi au moment oĂč j’en suis dans ma vie, Ă  des trucs, des histoires trĂšs personnelles, mais y’a lĂ  des chansons qui ont un Ă©cho, une force. C’est une puissance trĂšs particuliĂšre. Et puis il a un phrasĂ©, une libertĂ© dans le phrasĂ©…

Qui est fort, oui. Mais sur certains de tes nouveaux morceaux j’ai trouvĂ© que ton phrasĂ© se rapprochait parfois de celui qu’il a sur L’Imprudence, que tu y as aussi trouvĂ© ta maniĂšre de dire les choses en avançant dans le vide, un fantomatisme, notamment sur « Une Seconde vie », je crois que lĂ  j’ai pensĂ© Ă  « Faisons envie »

Écoute, oui, c’est marrant parce que « Faisons envie » c’est une de celles sur lesquelles je suis restĂ© accrochĂ©. Mais ma prĂ©fĂ©rĂ©e c’est la derniĂšre de l’album, qui est la reprise de la premiĂšre…

« L’Imprudence » finale qui reprend Ă  l’harmonica le « Tel » inaugural, genre Dead Man titubant sous les astres…

Oui, lĂ  il fait un truc qui n’a pas Ă©tĂ© fait : c’est Talk Talk avec un texte en français.

C’est exactement ça. Jean-Louis PiĂ©rot qui a travaillĂ© sur Fantaisie Militaire m’a dit que c’est ce qu’il avait en tĂȘte dĂšs Fantaisie Militaire : partir dans la direction de Spirit of Eden

Bah il a rĂ©ussi. Il a rĂ©ussi vraiment d’une maniĂšre… Mais il Ă©tait… Oui, donc effectivement quand je fais des albums c’est Ă  eux que je parle, c’est Ă  Bashung, c’est Ă  FerrĂ©, c’est Ă  Brigitte Fontaine, Ă  Barbara, Ă  Dylan, Ă  Leonard Cohen. C’est trĂšs prĂ©tentieux mais en tous cas c’est Ă  eux que je parle, c’est pas – avec tout le respect que j’ai pour Dominique et mĂȘme Katerine dont j’ai adorĂ© Robot aprĂšs tout – c’est pas Ă  eux que je parle, c’est aux aĂźnĂ©s.

Je vois. Ça va peut-ĂȘtre t’Ă©tonner mais quand j’ai Ă©coutĂ© ton album, je n’ai pas pensĂ© qu’Ă  Bashung ou Ă  ces aĂźnĂ©s, j’ai aussi pensĂ© Ă  SĂ©bastien Tellier. Il y a quelques temps, je crois que c’Ă©tait durant la promo de Sexuality, il disait qu’il voulait faire un album sur la morositĂ© et la standardisation presque sectaire que lui inspire les lotissements des villes nouvelles. Il n’a jamais fait cet album et une nouvelle fois je me suis dit : « Bah voilĂ , cet album c’est Mendelson qui l’a fait. » Vois-tu ton album ainsi, comme un projet sur la dĂ©pression de ces gens, de cette France-lĂ …

Oui, la résignation.

Vu sa musique et son orientation freak depuis Politics, je ne vois pas trop comment Tellier aurait fait ça, surtout qu’Ă  mon avis, comme on l’a vu, c’Ă©tait moins une question de musique que de texte et de stream of consciouness…

Peut-ĂȘtre, je sais pas, j’ai toujours du mal Ă  parler des autres parce que je les Ă©coute trĂšs peu, c’est navrant. Mais le peu que j’ai entendu me rend curieux de ce qu’il pourrait faire lĂ -dessus… Hier ou avant hier, un mec me parlait de Houellebecq et de son album avec Burgalat…

Ah oui, PrĂ©sence Humaine, tu l’avais Ă©coutĂ© Ă  l’Ă©poque ?

J’avais Ă©coutĂ© un ou deux morceaux et dans un premier temps je me disais : « C’est quand mĂȘme dommage que Houellebecq soit allĂ© voir Burgalat et qu’il ne soit pas venu nous voir nous. » Et en mĂȘme temps je pense que ce cĂŽtĂ© easy listening c’est prĂ©cisĂ©ment ce qu’il cherchait pour que ce soit encore plus pervers, tordu. Comme de la musique d’ascenseur pour des gens qui vivent isolĂ©s dans des ascenseurs. Donc Tellier pourquoi pas, ouais. Mais… c’est quand mĂȘme bizarre que quelqu’un d’aussi talentueux aille faire l’Eurovision. Je me dis : « T’as pas autre chose Ă  foutre ? » Parce que le mec il a l’air d’avoir du talent. J’ai vu un extrait sur scĂšne : il a beaucoup d’humour, de dĂ©calage, il a l’air trĂšs fort…

Oui, mais justement son talent c’est aussi son personnage, sa façon d’ĂȘtre donc il a besoin des mĂ©dias de l’image pour le faire valoir, ça fait partie de sa musique, de son univers, de sa dĂ©marche, donc cette tĂ©lĂ©, il pouvait pas refuser…

Oui, mais pourquoi cette image ? En fait voilĂ  : j’attends l’album dĂ©pressif de Tellier.

Bah il l’a fait.

Ah bon (rires) ?

Oui, son premier album, L’Incroyable VĂ©ritĂ©, Ă©tait trĂšs noir, instrumental, perchĂ©. Il parlait de deuil, d’enfance, de filiation, de la famille…

Ah ouais ? Bon bah faut que je revienne en arriĂšre. (Silence.) Mais c’est pour ça que l’album Robot aprĂšs tout est trĂšs trĂšs fort, parce que lĂ  il arrive Ă  combiner les deux (l’humour de la forme et la noirceur du fond – nda) d’une maniĂšre complĂštement dingue. C’est un album qui m’a fait Ă©normĂ©ment de bien.

Oui, je me souviens que tu m’en avais parlĂ© Ă  l’Ă©poque de Personne ne le fera pour nous. Y a-t-il a nouveau des choses qui t’ont plu et stimulĂ© Ă  ce point quand tu faisais ce nouvel album ?

Alors euh… J’ai Ă©normĂ©ment Ă©coutĂ© Wilco mais je pense pas que ça ait eu plus que ça un impact sur moi. Je vois beaucoup de concerts mais j’en ai vu qu’un seul qui m’a vraiment retournĂ© c’est le concert des Swans

Les Swans ? C’est pas un groupe un peu post rock ça ?

Oh, non, non, c’est du rock trĂšs lourd, trĂšs bruyant, trĂšs gothique, avec un truc trĂšs dĂ©sagrĂ©able pour moi parce que ça ne tient absolument pas compte du spectateur mais dans la radicalitĂ©, dans la libertĂ© qu’ils s’octroient, c’est trĂšs libĂ©rateur. Tu vois, je suis toujours entre les deux moi. Les mecs qui prennent Ă©normĂ©ment de libertĂ©, je trouve que c’est trĂšs trĂšs agrĂ©able, et en mĂȘme temps y’a toujours un cĂŽtĂ© un peu je-m’en-foutiste qui m’Ă©nerve.

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Justement, comment gĂšres-tu ça dans ta propre musique ? Parce que chez toi, c’est pareil, il y a cette libertĂ© radicale. Quand j’ai Ă©coutĂ© ton album, je me suis demandĂ© : « Mais il a conscience qu’il va vraiment miner le moral des gens lĂ  ? » Parce qu’on n’est pas dans la mĂ©lancolie lĂ , le spleen, on est dans le cafard d’un ici-bas fermĂ© Ă  double tour ! La tartine de merde. Te demandes-tu comment tout ça va ĂȘtre reçu, la place que ça pourra prendre dans la vie des gens ? Moi j’ai Ă©coutĂ© ton album deux fois mais voilĂ , moi je bosse dessus, c’est diffĂ©rent…

Ouais. Moi personnellement je peux lire Faulkner et Faulkner ça me fait un bien fou. Je peux regarder Dodes’kaden (film d’Akira Kurosawa sorti en 70 qui raconte la vie de marginaux autour d’un bidonville – nda), le revoir et le revoir et moi ça me plait. Les Ɠuvres noires me font du bien. Parce que j’ai l’impression qu’elles correspondent Ă  ce que je ressens. Et du monde tel qu’il est, j’ai l’impression qu’elles ne font pas l’impasse. Moi ce que je ne supporte pas, et ce qui me mine, c’est quand je tombe sur des livres ou des disques qui font l’impasse. LĂ , des fois, ça me met mĂȘme en colĂšre. A une Ă©poque je parlais beaucoup des nouveaux chanteurs français et – ça se trouve je te l’ai dĂ©jĂ  dit la premiĂšre fois qu’on s’est vu – je disais que c’Ă©tait Maurice Chevalier sous l’occupation quoi. Vraiment, j’ai cette sensation-lĂ  trĂšs souvent et je me dis (il tape du poing sur la table – nda) : « Mais merde quoi ! »

« Qu’est-ce que tu apportes, pourquoi tu t’exposes ? »

Et puis surtout : « Tu collabores avec l’ennemi quoi ! » Je veux dire, en faisant de la ritournelle – pour reprendre un titre de Tellier mais sans parler de Tellier hein – tu collabores avec l’ennemi ! Tu participes Ă  l’anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale et Ă  l’euthanasie gĂ©nĂ©rale en ne parlant pas des choses qui se passent rĂ©ellement donc voilĂ , c’est juste du temps de cerveau disponible et toi tu participes Ă  la petite piqĂ»re quotidienne qui fait que bon bah tout va bien. Comme la tĂ©lĂ©, les jeux vidĂ©o, la radio…

En gros tu es en train de dire que dans le monde dans lequel on vit la pop, ou ce qu’on appelle la pop, c’est devenu un truc de collabo.

Pourtant la pop ça a été un mouvement de révolution.

Mais maintenant ?

Mais maintenant c’est pour vendre du Kiri. A une Ă©poque c’Ă©tait pas ça. Les Beatles c’Ă©tait de la grande pop musique mais ils vĂ©hiculaient autre chose, ne serait-ce que par leur allure, et la maniĂšre de chanter de Lennon, rĂ©volutionnaire, trĂšs violente. Moi, c’est ça que je prĂ©fĂšre Ă©couter, donc je vais pas me mettre Ă  faire autre chose que ce que j’aime moi, tu vois ? (Silence.) Mais comment je vis ce que je fais ? En sachant que c’est assez douloureux mais que ça me fait aussi un effet. Peut-ĂȘtre aussi qu’Ă  force, avec les albums, je deviens un petit peu droguĂ© et qu’il faut que j’augmente Ă  chaque fois la dose.

Oui.

Peut-ĂȘtre que c’est ça.

Le prĂ©cĂ©dent Ă©tait dĂ©jĂ  noir mais celui-lĂ  l’est tellement qu’Ă  la rĂ©Ă©coute, Ă  cĂŽtĂ©, Personne ne le fera pour nous c’est de la rigolade, « Le Petit bonhomme en mousse » quoi. Jusqu’oĂč vas-tu aller ? Je veux dire, lĂ  c’est serrĂ©. D’ailleurs cet album n’a mĂȘme plus de titre, il s’appelle juste Mendelson, comme si ça y est, la boucle Ă©tait bouclĂ©e. Est-ce le cas, est-ce la fin d’un parcours ?

C’Ă©tait conçu pour. Ça fait 5 albums, comme les 5 doigts de la main et comme la fin de quelque chose, oui. Pour moi, la derniĂšre chanson – enfin une interprĂ©tation qui pourrait ĂȘtre la mienne – c’est que le mec il meurt quoi. Il disparaĂźt.

Oui, mort qui s’Ă©ternise avec un certain faste comme dans « A mon enterrement » de FerrĂ©, mais en plus drĂŽle lĂ , avec un sens de l’absurde, de la poupĂ©e qui se dĂ©traque, pathĂ©tique…

Oui, oui, voilĂ  et il sera plus lĂ  aprĂšs. J’espĂšre… Dans la bio du disque, Stan Cuesta, le journaliste qui l’a Ă©crit, dit : « On voit pas bien oĂč il pourrait aller aprĂšs Ă  moins qu’il se condamne Ă  la lumiĂšre ». Et j’aimerais bien…

La lumiĂšre ? Ça me fait penser au dernier album de Dominique A, qui en parle dans plusieurs morceaux, Ă  commencer par le single…

Oui, « Rendez-nous la lumiĂšre »… LĂ  on est quand mĂȘme pas loin de Jean-Louis Aubert, de BĂ©nabar ou de Sinclair, non ?

C’est un chouilla pop dĂ©mago… La lumiĂšre, pour toi, ce serait quoi ?

Faire des haĂŻkus par exemple.

Partir carrĂ©ment Ă  l’opposĂ©.

Oui, dans le trĂšs trĂšs court, et dans ce qui essaie de faire entrer un peu de lumiĂšre. Mais y’a encore des textes lĂ  (il se tapent sur la tĂȘte – nda)…

T’as pas fini cette vidange ?

Oui, y’a encore des textes et des personnages qui sont lĂ  Ă  demander…

A sortir…

Ouais.

Et donc tu ne voulais de titre pour cet album ?

J’ai hĂ©sitĂ©. Au dĂ©part chaque disque avait un titre et puis ça m’a semblĂ© un peu vain, j’avais pas envie que les gens disent : « Ah bah moi je prĂ©fĂšre tel album et tel album ou j’isole l’un de l’autre. » Donc non : Mendelson, 1, 2, 3.

Je t’avouerai que j’isole le CD2 et sa chanson de 54’25 » parce que c’est dur de se dire qu’on va lancer un truc qui va durer tout ce temps non stop. J’aime le format album, mais cette chanson fait peur parce qu’il y a cette idĂ©e du « pas de pause », presque du « pas de fin ».

On m’a dĂ©jĂ  fait cette remarque mais je pense que tout le monde va dĂ©crocher si je fais une pause au bout de 20 minutes. Si y’a une chance pour que les gens restent jusqu’au bout, faut pas que ça s’arrĂȘte (rires) !

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Et aprĂšs, comment vois-tu la vie de cet album ? Des concerts sont-ils encore envisageables ? Te propose-t-on des dates ?

Oui, lĂ  on va faire la Villette Sonique. Et je pense qu’il y aura des dates Ă  la rentrĂ©e. On en a trois d’ici lĂ . De toute façon, ça a toujours Ă©tĂ© trĂšs dur de trouver des concerts.

T’en fais combien gĂ©nĂ©ralement en un an, aprĂšs la sortie d’un disque ? Tu sais ?

Une petite vingtaine. Comparer Ă  des groupes qui tournent, c’est rien. Avec ça, tu ne fais pas une intermittence.

Tu ne vis pas de ta musique ?

Non, mais longtemps j’ai essayĂ©.

Quand as-tu arrĂȘtĂ© d’essayer ?

Depuis… 2005. Donc c’est rĂ©cent.

Tu penses que c’est ce qui fait aussi ta force ?

Pfff j’aimerais croire que j’ai pas besoin d’avoir un boulot pour ĂȘtre libre dans ma pratique, j’aimerais le croire. Mais probablement que si… LĂ , j’ai pas de contraintes commerciales, j’ai pas un directeur artistique qui me dit ce que je devrais faire ou pas… Tu sais, un des morceaux les plus longs et les plus beaux de Dylan c’est « Highlands » (qui dure 16’32 » – nda), sur un des ses albums d’il y a 10 ans (Time Out of Mind sorti en 97 – nda). Dylan, il avait 65 ans (en fait 56 – nda), et y’a quand mĂȘme un DA qui lui a dit : « Ah, « Highlands », elle est super : tu l’aurais en version courte ? » A Dylan, ils sont encore en train de lui demander ça.

Faut oser.

Donc effectivement, moi je n’ai strictement aucune contrainte si ce n’est la contrainte que le morceau me transmet. Mais malgrĂ© tout, StĂ©phane GrĂ©goire, le patron d’Ici d’ailleurs, qui m’a signĂ© avant que l’album soit fini et Ă  qui je l’ai envoyĂ© le premier parce qu’il avait collaborĂ© Ă  la sortie physique du prĂ©cĂ©dent, lui il prend le truc et il dit : « Ok, je le prends en entier, c’est fort comme ça. » Il dit pas : « Écoute, la chanson d’une heure on va la mettre en streaming gratuit sur le net. » Non, non, et je pense que c’est pas de la philanthropie de sa part, je pense que ça lui fait de l’effet et qu’il se dit – parce que malgrĂ© tout il vend des disques, c’est son mĂ©tier – « LĂ , il y a quelque chose qui peut trouver son public. » Donc moi aprĂšs je lui fais confiance, mais je me fais aussi confiance parce que l’album est Ă  disposition. Plein de gens me disent : « J’arrive qu’Ă  la moitié » ou « Je l’ai Ă©coutĂ© une fois, je le rĂ©Ă©couterai jamais, c’est vraiment trop dur » mais il est Ă  disposition, il est lĂ , voilĂ .

Oui, et j’imagine que c’est dĂ©jĂ  quelque chose pour toi de te dire que cet album existe et qu’il est Ă  disposition des gens.

Oui, oui, oui. Par exemple, rĂ©cemment j’ai reçu un message sur Facebook – je comprends absolument pas comment ça fonctionne mais on m’a transmis le message. C’Ă©tait une fille qui Ă©tait dans sa voiture, elle avait entendu un morceau de l’album sur Jet Fm, une radio de Nantes. Elle s’Ă©tait arrĂȘtĂ©, elle l’avait Ă©coutĂ© jusqu’au bout, elle Ă©tait bouleversĂ©. Donc il y a beaucoup de gens qui vont dire : « Non, pas moi. » Et y’a des gens qui vont dire : « C’Ă©tait mon morceau. »

Je crois que c’est ce qui s’est notamment passĂ© avec « 1983 » sur Personne ne le fera pour nous. Il a tellement touchĂ© les gens que c’est devenu un morceau un peu Ă  part de ton rĂ©pertoire. Le morceau « chouchou ».

Ouais, ouais. Mais je pense qu’il y aura moins de retours de ce genre pour celui-lĂ …

Quand j’ai dĂ©couvert « 1983 » Ă  la sortie digitale du disque, j’Ă©tais encore pas mal dans le dernier album de Dominique A, L’Horizon, sorti un an plus tĂŽt. Et « 1983 » me rappelait un des morceaux de son disque, « Rue des marais ». C’Ă©tait aussi un long stream of consciousness sur le thĂšme de l’enfance vu par l’homme qu’on est devenu. Comme un retour brumeux sur les lieux du crime. Je le trouvais trĂšs beau (je lirai plus tard sur le site de Voxpop que Dominique A considĂšre que c’est lĂ  son meilleur texte) mais dans le mĂȘme genre ton morceau allait plus loin, Ă  tous les niveaux.

Je connais pas ce morceau, faudrait que je l’Ă©coute (je lui enverrai quelques jours plus tard, il me dira que « ça faisait longtemps » qu’il n’en avait « pas entendu une belle de lui » et qu’Ă  l’avenir il faudra qu’il « fasse plus attention » – nda)

C’est comme un paysage, un film qui s’ouvre sur le souvenir presque reconstruit, fantasmĂ©, songeur, d’un homme qui se revoit Ă©voluĂ© enfant, comme s’il enquĂȘtait sur ses origines, la vĂ©racitĂ© de sa mĂ©moire, de ses souvenirs. Mais voilĂ , lĂ  oĂč Dominique A reste sous la barre des 7 minutes, toi tu outrepasses les 11…

Dominique… il a toujours voulu tout contraindre. Je pense qu’il a un souhait profond de faire de la musique pour les gens et en mĂȘme temps il a un truc qui le retient et ça l’empĂȘche d’ĂȘtre aussi fort que ce qu’il pourrait ĂȘtre.

Ah oui, tu penses ?

Ouais.

Et toi, qu’est-ce qui te prĂ©munirait de ça ? De cette envie de plaire un minimum ?

Bah je pense que ce qui me prĂ©munit de ça c’est que contrairement Ă  lui moi j’ai pas de maison de disques, je tourne pas beaucoup, j’ai pas une entreprise Dominique A Ă  faire tourner…

Je sais pas si tu avais lu ça mais ce que tu dis lĂ  me rappelle l’article qu’avait fait le magazine Voxpop sur le business de Dominique A au moment des 20 ans de La Fossette et de la sortie de Vers les lueurs (« Dans les poches de Dominique A », Voxpop de janvier 2012). Ils avaient parlĂ© argent avec lui, dĂ©cryptant ce que ça gĂ©nĂšre quand il sort un album entre les ventes d’albums, les concerts, etc. Je me souviens qu’une fois j’en avais discutĂ© avec une amie musicienne (AgnĂšs Gayraud de La FĂ©line), elle avait lu l’article et elle m’avait dit en gros qu’elle Ă©tait Ă©tonnĂ© qu’il ne se serve pas de l’argent qu’il gagne pour monter une structure et produire d’autres artistes. Ça m’avait fait un peu cogiter cette histoire. Devrait-il le faire ? Non. Mais en mĂȘme temps s’il ne le fait pas, qu’est-ce que ça dit de lui ?

Alors s’il le fait pas, je sais pourquoi. C’est liĂ© Ă  sa position auprĂšs de notre gĂ©nĂ©ration et plus encore auprĂšs de celles qui ont suivi. Je suis arrivĂ© 3 ans aprĂšs lui, sur le label (Lithium – nda), et dĂ©jĂ  c’Ă©tait un aĂźnĂ©. Moi je l’ai vu Ă  son premier concert parisien et lĂ  aussi, ça a Ă©tĂ© un personnage trĂšs libĂ©rateur. Donc moi je suis arrivĂ© dans une position oĂč il Ă©tait dĂ©jĂ  Ă  abattre. Presque, presque (rires) ! Et j’avais beaucoup d’amour pour lui mais quand mĂȘme, c’Ă©tait Ă  lui qu’il fallait se confronter. Et je pense qu’il en a beaucoup souffert parce que lui il avait pas l’impression d’ĂȘtre un aĂźnĂ©, lui il avait l’impression qu’il galĂ©rait comme moi. Mais y’a pas que moi, tout le monde Ă©tait aprĂšs lui !

Oui, mais ça c’est aussi liĂ© au fait que la presse musicale de l’Ă©poque, Inrocks en tĂȘte, le dressait en nouvelle Ă©gĂ©rie du rock littĂ©raire.

Oui ! Donc pourquoi il ne produit pas, pourquoi il aide pas les groupes ? Je pense que c’est tout simplement parce qu’il en a marre de se prendre des groupes plein la gueule. Il en a marre d’ĂȘtre considĂ©rĂ© comme le boss. Il a envie d’ĂȘtre peinard.

tof 4

Et toi, est-ce que tu ne pourrais pas devenir un jour l’homme Ă  abattre ? Suite Ă  je ne sais quel engouement miracle, Ă  je ne sais quel magazine – TĂ©lĂ©rama ? – qui t’aurait mis en avant comme nouvelle Ă©gĂ©rie du rock littĂ©raire, tout ça faisant boule de neige, on ne sait jamais, ça pourrait arriver…

Qu’ils viennent.

Comment ?

Qu’ils viennent (rires) ! Je sais me battre (rires) ! Nan, mais par exemple lĂ  on va faire la premiĂšre partie d’un groupe qui a un lien trĂšs fort avec ses fans, Fauve

Ah oui ? C’est marrant ça parce que la premiĂšre fois que je les ai Ă©coutĂ©s je me souviens de m’ĂȘtre dit qu’ils me faisaient l’effet de Diabologum ou de Mendelson de la gĂ©nĂ©ration Y, tu vois ?

Oui. Et on m’a aussi parlĂ© d’un autre groupe qui s’appelle je sais plus comment, genre l’Usine ou l’Entreprise (peut-ĂȘtre pense-t-il Ă  Blind Digital Citizen – nda) et un ami m’a dit : « HĂ©, il faut que tu sortes ton album parce que lĂ  y’a des mecs qui sont en train de marcher sur tes plate-bandes ! »

Oui, ils te concurrencent sur ton crĂ©neau si on peut dire que tu as un crĂ©neau… !

C’est ça, c’est comme si j’avais une boutique (rires) ! Donc il fallait que je sorte mon produit. Mais bon, j’ai encore jamais Ă©coutĂ© un truc oĂč je me disais…

Que tu serais obsolĂšte si tu sortais aprĂšs.

Oui, et pourtant quand j’ai Ă©coutĂ© un titre de Fauve, honnĂȘtement – et ça met en colĂšre mes fans – j’ai trouvĂ© ça 1000 fois mieux que dix milliards de trucs que j’Ă©coute en ce moment toute la journĂ©e…

Ils disent des choses Ă©mouvantes et fortes, sur leur gĂ©nĂ©ration, sur l’Ă©poque…

Et puis le mec il pose sa voix sans affectation, c’est touchant, moi j’aime ça, bien sĂ»r. Et puis tout le monde dit : « C’est scandaleux que vous fassiez leur premiĂšre partie ! » mais s’ils Ă©taient pas lĂ , je pense pas qu’on aurait eu ce concert. Parce qu’ils attirent plus de monde que nous.

Oui, j’avais voulu les voir sur scĂšne dĂ©but janvier Ă  L’International, c’Ă©tait une de leurs premiĂšres vraies dates, attendues, et y’avait tellement de monde que c’Ă©tait invivable, absurde, Ă  devenir agoraphobe. Vive le buzz !

Ouais. Mais qu’ils viennent, moi ça me dĂ©range pas. Et puis honnĂȘtement, je pense pas ĂȘtre si imitable que ça. Et si je suis imitable c’est peut-ĂȘtre comme Diabologum qui a Ă©tĂ© beaucoup imitĂ© dans ses dĂ©fauts mais pas dans le truc vraiment rĂ©volutionnaire qu’ils ont eu. Des gens ont retenu les gimmick, oui, les trucs un peu ridicule qu’ils pouvaient avoir, et ça, ça tient jamais, ça tient jamais. Regardes, derniĂšrement un truc m’a frappĂ© : je suis retombĂ© sur un vieil article sur nous dans un trĂšs vieux journal qui s’appelait L’Indic. Je l’ai relu et aucun des artistes dont ils parlaient n’est encore en activitĂ©.

Ils n’ont pas eu un grand flair.

Oui, et ce que je veux dire c’est que ce qui est beau pour moi avec Michel (Cloup, ex membre du duo Diabologum – nda), au-delĂ  de notre relation d’amitiĂ© et de travail en commun, et c’est que voilĂ , on dure. Bon grĂ© mal grĂ©, on sait pas pourquoi mais on est toujours lĂ .

Oui, le temps fait son Ɠuvre et Ă  partir d’un moment, les gens qui sont encore lĂ , on se rend compte qu’ils n’y sont pas pour rien. C’est les plus fort, et passionnĂ©s, parce qu’ils ont tenu, Ă©voluĂ©. Michel Cloup, je l’ai vu en concert il n’y a pas si longtemps…

En duo ?

Oui, avec son batteur (Patrice Cartier) au Batofar, et ce concert m’a euphorisĂ© parce que dĂ©jĂ , ça jouait vraiment, ils construisaient le morceau Ă  deux sur le fil du rasoir, sous nos yeux, avec juste une guitare, une batterie et quelques pĂ©dales de samples. Ça disait des choses et mĂȘme si c’Ă©tait des choses noires, pas jojo, de les voir combattre, faire tenir le truc devant nous, ah ! c’Ă©tait jubilatoire.

Bien sûr, bien sûr.

Et pour moi y’a pas beaucoup de chanteurs qui, comme lui, disent des choses qui soulagent (je pense Ă  des morceaux comme « Le Cercle parfait », « Cette colĂšre »et « Plusieurs fois cet aprĂšs-midi » sur Notre Silence, son dernier album, sorti en 2011), qui soulagent parce qu’elles vont chercher loin en nous, tu sais, comme le papillon quand on jouait Ă  Docteur Maboul ?

Oui (rires) !

Et ça, ce soulagement et ce sentiment de combat et de fraternitĂ© retrouvĂ©e est assez spĂ©cifique Ă  cette chanson rock, on ne peut pas l’avoir si fort dans les livres parce qu’il n’y a pas cette co-prĂ©sence de la voix et/ou de scĂšne…

Oui, et y’en a peu qui font ça et donc moi ça me fait beaucoup de bien qu’il existe Michel. On a eu tous deux un peu de succĂšs avec nos derniers albums mais lui il a aussi beaucoup tournĂ©, alors tu te dis : « Ah, c’est encore possible ? » mĂȘme si on ne tournera jamais autant que lui, parce que lui il a vraiment enchainĂ©, enchainĂ©. Il remplit les salles, les gens reviennent, et c’est bien ce qui fait, alors tu dis : « Ah merci ! »

Et donc, quel comportement adopterais-tu face aux mĂ©dias si jamais ils en venaient Ă  te voir comme le nouveau big guy de la chanson française ? Face au vide actuel de nouvelles grandes figures dans la chanson rock ça peut arriver, surtout que tu as aussi un physique Ă  la fois sobre et marquant. Quand je t’avais vu en concert au Divan du Monde en 2008, je m’Ă©tais dit ça : « Ah ouais, Pascal Bouaziz il a une belle stature Gaullienne… »

Gaullienne ?

Ouais, grand. Et ténébreux ausssi, un peu Jim Morrison.

Ah ouais, d’accord (rires) !

C’est important !

Le jour oĂč Michel Drucker m’invitera (rires) !

Oui, mais je crois qu’en fait c’est fondamental, que y’a un truc inconscient qui se joue lĂ , fait Ă©cran. Bashung, lui, avait une stature Mitterrandienne. Je crois que j’ai toujours fait l’analogie. Que je l’ai toujours vu comme ça. Pour incarner son Ă©poque, un chanteur rock doit donc aussi avoir un certain corps, un certaine gueule. C’est, in fine, ce qui le rend vraiment prĂ©sidentiable. Et voilĂ , toi, Ă  mes eux en tous cas, tu as ce cĂŽtĂ© Gaullien, et tes chansons parlent de la France moyenne, qu’en chie, c’est ton : « Je vous ai compris » !

Faudrait donc que je fasse gaffe Ă  pas me choper l’attentat du Petit-Clamart… Nan, mais je ne rĂȘve plus Ă  ce genre de choses, c’est quelque chose qui m’a beaucoup aidĂ© Ă  dormir, l’imagination du succĂšs…

Mais plus maintenant ?

Oui, encore moins dans le monde dans lequel on vit. Ce serait vraiment aberrant. En mĂȘme temps, tout le monde a adorĂ© le Robot aprĂšs tout de Katerine alors qu’il est trĂšs noir donc bon… Je suis pas anti succĂšs hein, si le succĂšs arrive avec beaucoup d’argent, beaucoup d’amour, je saurai prendre sur moi.

Et les remercier dans la foulée avec un album épanoui, Bisounours ?

Oh non, oh non, je commencerai juste « à vendre mon désespoir comme du savon à barbe » comme disait Léo Ferré.

Merci Pascal.

De rien, un plaisir.

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Photos par Johanne Chabal du site Brutalize Me.

5 réponses
  1. Aline Nicolas
    Aline Nicolas dit :

    J’y entends une connexion avec l’auvergnat de mon coeur. (on ne se refait pas). C’est trĂšs beau. Mais je prĂ©fĂšre les photos. HĂ©, ton fameux carnet !!

  2. Aline Nicolas
    Aline Nicolas dit :

    Il aime pas les gens mais il aime la mer, la Belgique, Springsteen. Et il aime qu’on l’aime.
    D’accord.

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